Indissociables de la fête (volée), du deuil (glas), du danger (tocsin) et de toutes les formes de solennité ou de résistance, les cloches ont aussi leur importance dans l’histoire des rois et des grands. Pour le meilleur et pour le pire.
Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche, par exemple, étaient parrains de la plus grosse cloche de la tour Sud de Notre-Dame de Paris, qui pèse 13 tonnes et a été fondue en 1686. Elle a été baptisée Emmanuel, mais elle porte aussi comme autre prénom Marie-Thérèse. Ce grand bourdon ne sonne que pour les principales occasions de la tradition catholique ainsi que lors d’événements exceptionnels, comme la libération de Paris en 1945, le décès de Jean Paul II ou l’hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo et de l’attentat du 13 novembre 2015.
La tour Sud contient les deux cloches les plus graves des 16 cloches de la cathédrale. Le petit bourdon, donc lui aussi dans la tour Sud, s’appelle Marie. On pense bien sûr à la cloche avec laquelle Victor Hugo faisait fusionner Quasimodo. Cette cloche a été brisée et fondue lors de la Révolution française. En 2012, elle a été remplacée par une cloche de 6 tonnes fondue aux Pays-Bas.
D’autres cloches évoquent indirectement les Rois de France, comme le bourdon de Notre-Dame de Rouen ou celui de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, qui s’appellent tous deux Jeanne d’Arc. Et aussi la plus grosse cloche du beffroi de Dunkerque qui porte le nom du célèbre corsaire de Louis XIV, Jean Bart, né dans cette ville.
Ceci dit, les rois et les empereurs n’ont pas fait qu’aider les cloches : depuis qu’elles existent, elles ont également constitué un patrimoine métallique alléchant pour l’industrie de la guerre. Du Moyen-âge jusqu’aux deux conflits mondiaux du XXe siècle, les cloches ont largement participé à l’effort de guerre en se faisant détruire et fondre pour devenir des canons. Napoléon, par exemple, en a fait un usage massif lors de ses campagnes.
Mais il y a aussi l’inverse, juste retour des choses.
Dans la cathédrale de Cologne officie la Sankt Petersglocke (cloche de saint Pierre), l’une des plus grandes cloches d’Europe, qui pèse 24 tonnes. Elle est en activité depuis 1923. Mais avant elle, il y avait dans cette fonction la cloche nommée Kaiserglocke (cloche de l’empereur), disparue en 1918.
En 1870, donc en pleine guerre franco-allemande, les habitants de Cologne avaient demandé et obtenu la fonte de 22 canons de fusil et de 5 tonnes d’étain pour fondre la cloche qui allait devenir le bourdon de leur cathédrale, ci-dessous sur la pièce vaticane de 2005 dont j’ai déjà parlé.
La cloche fut ainsi nommée parce que les canons de fusils avaient été considérés comme un cadeau de l’empereur Guillaume Ier d’Allemagne. L’inscription qu’elle portait était d’ailleurs très claire puisqu’elle commençait par ces mots : Guilelmus, Augustissimus Imperator Germanorum. Mais en 1918, la cloche a été détruite et son métal récupéré à des fins militaires… Le juste retour des choses n’avait eu qu’un temps.
J’allais oublier de décrire la pièce d’ouverture de cet article : elle a été frappée par la Slovaquie en 2009 et représente une cloche stylisée sous forme d’une série de clés (très beau design d’après moi) en souvenir de la manifestation du 17 novembre 1989. Ce jour-là, les Slovaques avaient été invités à marcher pacifiquement en agitant leur trousseau de clés pour les faire sonner pendant que les cloches de Bratislava sonnaient à toute volée, ce qui a sonné, c’est le cas de le dire, le début de la Révolution de velours. Une illustration de la cloche dans son rôle de résistance…
Et je termine par une horloge et des cloches que tout le monde connaît : Big Ben. La pièce qui suit n’est pas en euros : c’est une pièce britannique de collection en argent de 100 £ qui a été frappée en 2015.
Strictement parlant, l’expression « Big Ben » ne doit s’appliquer qu’à l’horloge aux quatre cadrans, mais l’usage la fait parfois décrire tout l’ensemble architectural qui la contient. Pourtant, la tour qui soutient Big Ben s’appelait officiellement « clock tower » jusqu’en 2012. En 2012 a eu lieu le Jubilé de Diamant de la Reine Elizabeth II, et à cette occasion la « clock tower » a été officiellement rebaptisée « Elizabeth tower ».
Cet article s’achève donc sur les 16 notes les plus célèbres de l’histoire des clochers. (Merci à Sedna)
Jean Pierre
3 octobre 2016 @ 08:19
Merci encore Sedna. On apprend toujours avec vous.
Juste une précision : il faut parler d’empire (et d’empereur) allemand et pas d’Allemagne après la guerre franco-prussiene.
Sedna
4 octobre 2016 @ 19:38
Très juste. Merci de cette précision, Jean Pierre
ciboulette
3 octobre 2016 @ 14:06
Merci , Sedna , voici un article très intéressant et aussi très inattendu , avec le nom des cloches et surtout le rôle qu’elles ont pu jouer .
Comme vous , j’apprécie beaucoup le motif de la pièce slovaque , le motif de la clé habilement intégré dans celui de la cloche .
Sedna
4 octobre 2016 @ 21:20
Merci à vous, Ciboulette
Claudia
3 octobre 2016 @ 15:34
Je n’ai jamais compris pourquoi on donnait des noms aux cloches, personnellement ça ne me serait même pas venu à l’idée ! J’ai toujours le souvenir de la « première cloche » que j’ai connue (si l’on peut dire….) qui s’appelait Aldegonde. Joli nom n’est ce pas ?
framboiz 07
4 octobre 2016 @ 12:54
Souvent, le nom vient de la Marraine de la cloche, qui recherche ainsi l’immortalité ???
Sedna
4 octobre 2016 @ 21:21
Bonsoir Claudia,
Je me suis posé la même question, mais, s’il y a plus de 3 ou 4 cloches, je pense qu’on serait obligé de les numéroter pour les identifier. C’était sans doute plus poétique de les baptiser. Ce n’est qu’une hypothèse…