Remarquable pièce commémorative de 2 EUR que celle que l’Italie vient de mettre en circulation pour célébrer les 400 ans de l’achèvement de la Basilique Saint-Marc de Venise. C’est l’occasion d’évoquer le passé byzantin de la Sérénissime.
Venise a été le plus grand port du Moyen-Âge, et sa géographie lui avait fait comprendre que sa prospérité viendrait de l’Orient. C’est en 828 que les reliques présumées de saint Marc sont transférées à Venise et que commence la construction de la première basilique.
Venise a construit de nombreux contacts avec l’Orient et a maintenu ses privilèges commerciaux avec la Sublime Porte malgré les nombreux différends théologiques. Lors des premières croisades, dont elle a été l’une des plaques tournantes, la prise de Jérusalem lui a assuré des opportunités commerciales qu’elle a remarquablement bien exploitées. Ensuite il y a eu le sac de Constantinople (1204), les aventures de Marco Polo (jusque 1295), la chute de Constantinople (1453) mais aussi, dès 1454, les traités commerciaux entre le Sultan Mehmet II et la république de Venise. Puis la bataille de Lépante, et d’autres événements qui ont permis aux doges d’assurer à leur ville une prospérité exceptionnelle.
D’aucuns ont été tentés de chercher une similitude d’étymologie entre « doge » et « douane » (en italien « dogana »), mais c’est pure fantaisie. Ceci dit, dans le grand livre comptable de Venise, la relation est sans doute plus qu’étroite entre le pouvoir du doge et les recettes de la douane de mer.
Pour en revenir à la basilique, nombreux sont les éléments byzantins qui la composent, à partir du désir avoué du doge de construire un édifice religieux sur le modèle de l’église des Sains Apôtres de Constantinople : un plan en croix grecque, des coupoles, l’iconostase devant le chœur, d’innombrables mosaïques sur les murs et au sol, des dorures en abondance, etc.
Parenthèse musicale : l’architecture particulière de la basilique présente deux tribunes qui se font face, c’est-à-dire aussi deux orgues et deux chœurs. Cette architecture sera mise à profit par des musiciens comme Adriaan Willaert mais surtout Andrea et Giovanni Gabrielli, qui écriront de superbes pièces de musique religieuse pour double chœur, mettant à profit les effets d’écho de cette architecture. Heinrich Schütz, élève de Giovanni Gabrielli, introduira ce style vénitien en Allemagne au XVIIe siècle, mais fermons la parenthèse.
Voyons plutôt ce qu’il en est de l’héritage byzantin sur les pièces en euros. Il est maigre. Parcourons les pays qui étaient sur la route des échanges.
En Italie, pas d’autre pièce que celle qui vient d’être mise en circulation à propos de la basilique Saint-Marc.
En Grèce, peut-être cette pièce qui représente le Monastère d’Arkadi.
Il n’est pas du tout construit selon le style byzantin, mais il s’y pratiquaient les rites de cette culture – j’en avais parlé dans mon article sur les combats de la Crète en novembre 2016.
À Chypre, rien, mais c’est normal : Chypre n’a pas émis la moindre pièce commémorative à part les émissions obligatoires.
En Slovénie non plus, aucune pièce.
En Slovaquie, on trouve sur de nombreuses pièces le blason qui est d’origine byzantine : une double croix sur le pic central d’un groupe de trois collines. Je l’avais présenté en février 2015. Depuis lors, il s’est retrouvé, entre autres, sur la pièce commémorative de 2016 qui célèbre la première présidence slovaque du Conseil de l’Union européenne.
La Roumanie et la Bulgarie sont certainement les pays de l’Union européenne où la culture byzantine est la plus vivace, mais elles ne font pas (encore) partie de la zone euro. Les implications économiques de leur adhésion ne relèvent pas de cette chronique mais, le cas échéant, en tant que collectionneuse et esthète, j’espère que nous pourrons attendre quelques belles réalisations.
Donc finalement, il n’y a pas beaucoup de pièces qui évoquent le passé byzantin d’une partie de l’Union européenne. C’est ce qui contribue à mes yeux à la valeur de cette pièce italienne. Elle ne fait pas que célébrer un monument emblématique, historique et touristique : elle constitue presque le seul témoignage, mais un magnifique témoignage, de la très riche civilisation byzantine sur des pièces en euros. (Merci à Sedna pour cet article)
framboiz 07
12 juin 2017 @ 03:36
Bravo, Sedna et merci !
Marie1
12 juin 2017 @ 10:05
Merci Sedna pour cet article, comme toujours très bien expliqué.
Jean Pierre
12 juin 2017 @ 10:32
Donc l’Italie ne commémore pas le passé de Ravenne, cité byzantine s’il en est, dans ses pièces.
Patricio
12 juin 2017 @ 11:52
Merci Sedna. Vos articles sont toujours aussi intéressants.
Amitié
Patricio
ciboulette
12 juin 2017 @ 13:36
Merci Sedna , vos articles sont , comme toujours , clairs et enrichissants !
Alinéas
12 juin 2017 @ 17:19
Sedna,
Merci beaucoup pour ce nouvel article bien détaillé qui va venir étoffer le fichier que j’ai créé.!
Claudia
12 juin 2017 @ 21:37
Elle est magnifique cette pièce, j’aime beaucoup le style byzantin et le dessin de la basilique qui remplit l’ensemble. J’aime aussi la pièce slovaque avec les rayons au centre qui semblent bouger et qui donnent du mouvement. Un vrai plaisir esthétique !
Caroline
12 juin 2017 @ 22:43
Sedna,
Merci et bravo pour vos explications claires et concises sur ces pièces géo-historiques ! Il est vrai qu’on ne connaisse pas tout sur la belle civilisation byzantine.
Bon mardi !
mêm
13 juin 2017 @ 15:45
Merci Sedna , c’est toujours intéressant .
Mais enfin le côté byzantin de Venise ne m’est pas apparu en premier .
Ce côté dans toute sa splendeur je l’ai trouvé à Ravenne, Ravenne l’oubliée alors qu’il y a là une atmosphère unique .
Son histoire est compliquée mais enfin pour moi , peut être me trompe-je , les merveilleuses mosaïques (Ve siècle) raconte bien le lien avec Byzance .
Ma ville préférée en Italie – Un vrai coup de coeur .Même si j’aime Venise mais qui commence à perdre de son authenticité .
Ghislaine-Perrynn
13 juin 2017 @ 17:43
Mêm = Ghislaine-Perrynn- décrochage du pseudo –
Sedna
14 juin 2017 @ 18:40
Merci à tous !