La Galerie de Peinture du château de Chantilly n’avait jamais été restaurée depuis sa création par le duc d’Aumale. Les normes de sécurité, le poids des années et le programme ambitieux de restauration mené depuis 10 ans par le domaine ont imposé ce chantier comme une évidence. La pièce et ses chefs-d’œuvre ont été restaurées par plus de 50 restaurateurs, artisans, techniciens. Après 15 mois de travaux, la Galerie de Peinture du château de Chantilly est désormais accessible au public. (Source et copyright photo : site du château e Chantilly – Merci à Bertrand Meyer)
kalistéa
11 avril 2015 @ 10:08
cela va donner envie d’aller revoir ces chef d’oeuvre ! Par son don généreux à l’institut de France dont il était memb re, le duc d’Aumale est un bienfaiteur de notre pays.
Zeugma
11 avril 2015 @ 10:36
Les collections de Chantilly sont admirables mais il faut aller à Chantilly, ce qui n’est pas facile si on n’a pas de voiture (ce qui est mon cas).
Il n’y a pas de navette entre la gare de chemins de fer et le château.
Il y a des bus – rares, on les voit passer de temps en temps – mais je mets au défi quiconque de trouver les arrêts et de connaître les horaires de passage. (Ne pas compter sur les gardiens du château….)
Reste la marche, pas désagréable quand il fait beau. Prévoir des bonnes chaussures, pas des « Louis XV ».
Les collections ne sortent pas du domaine par respect pour le testament du duc d’Aumale.
Si tous les musées fonctionnaient sur ce même principe stupide, il n’y aurait aucune exposition intéressante.
Je pense – par exemple – à « Poussin et dieu », actuellement au Louvre, exposition magnifique, la plus belle que j’ai vue depuis longtemps, qui présente des œuvres venus de partout : d’Allemagne, d’Angleterre, des Etats-Unis, de Russie etc (L’audioguide est très bien fait.)
framboiz07
11 avril 2015 @ 11:48
merci au Prince Aga Khan , non?
Gérard
12 avril 2015 @ 12:39
Si l’on respectait pas le testament en entretenant le bien et en le maintenant tel qu’il était au départ, les héritiers du duc pourraient comme de juste récupérer le château et les terres y compris l’hôtel 4 étoiles et le golf, les fermes, les appartements…
Et ces dispositions nous permettent de voir le château comme le prince le voyait et non pas selon les principes épurés et comparatifs de la muséographie actuelle.
Mais le testament devait être exécuté dans toute sa teneur et les produits des 9057 hectares et 49 ares du domaine devaient suffire à l’entretien, aux dons annuels à diverses œuvres locales, dont la Fondation Condé, ou nationales et aux messes de chaque dimanche et jour de fête à la chapelle des Condés comme aux messes des défunts Condés ou Orléans.
Cependant avec le temps l’Institut de France, malgré le travail des conservateurs et administrateurs, a vu les produits diminuer et les frais augmenter. La Maison de France fut patiente, consciente de l’ampleur de la tâche, et elle entretint toujours de bonnes et amicales relations avec l’Institut.
Mais il fallait surtout sauver le Domaine et il se trouva, grâce à Dieu, un voisin amateur d’art et d’histoire et fortuné qui suscita une Fondation qu’il alimenta généreusement suscitant des émules privés et publics avec la région et le département.
Merci donc à son altesse royale l’Aga Khan IV en effet.
Sébastien
13 avril 2015 @ 10:42
A ce propos, il fut annoncé il y a quelques années que, par mesure d’économie, l’hippodrome n’accueillerait plus aucune course… en violation des dispositions testamentaires du duc d’Aumale.
Fort heureusement, celles-ci ont perduré grâce au soutien de l’Aga Kan et le testament n’a pu être remis en cause par les Orléans qui se léchaient déjà les babines…
Gérard
13 avril 2015 @ 17:19
Chantilly est cependant une lourde charge…
Mais rappelons la stipulation finale de la donation du duc d’Aumale :
« Dans le cas où, pour une cause quelconque et à quelque époque
que ce soit, l’Institut ne remplirait pas, ou serait empêché de remplir
l’une ou l’autre des conditions ci-dessus établies, la présente donation sera révoquée et le donateur ou ses héritiers recouvreront immédiatement la pleine propriété de tous les immeubles et objets mobiliers qui y sont compris ».
Par le testament du 3 juin 1894 le duc d’Aumale faisait du comte de Paris, Philippe, son neveu, son légataire universel. Par codicille du 19 septembre 1894 il donnait à son neveu le duc de Chartres l’usufruit du domaine de Guise, usufruit qui devait donc s’éteindre au décès de ce dernier, et il donna par codicille du 13 avril 1896 la nue-propriété dudit domaine à Jean d’Orléans, duc de Guise le 30 octobre 1899, futur père d’Henri, comte de Paris.
Francine du Canada
14 avril 2015 @ 02:17
Merci beaucoup Gérard; je trouve ce testament « un peu contraignant » mais je suppose que ça se faisait à l’époque? Je ne connais pas vos règles en ce qui concerne les testaments mais… chez nous, il y a des choses qui ne se font pas; par exemple, on ne peut imposer ou influencer sur ce que sera (et devrait être) la vie de nos héritiers. On peut toujours le faire mais le testament sera contesté et tout ce qui porte atteinte aux droits et libertés individuelles (selon la Charte canadienne des Droits et Libertés) sera probablement contesté et il y a tellement de jurisprudence… Par exemple, en Belgique, on ne peut déshériter ses enfants mais chez nous, on choisi ses héritiers par testament; si on meurt « sans testament » ce seront les « héritiers légaux » tel que stipulé dans le Code civil du Québec et c’est à éviter car le règlement des successions peut durer des années. FdC
Gérard
14 avril 2015 @ 08:38
Oui Chère Francine c’était très compliqué et le duc d’Aumale n’avait pas d’héritier réservataire après la mort de ses enfants. Il y a eu beaucoup de codicilles.
Francine du Canada
15 avril 2015 @ 05:02
Oh Seigneur, je vois ça d’ici… y a t-il des limites juridiques à ces « codicilles »? FdC
COLETTE C.
11 avril 2015 @ 13:25
Des œuvres d’art exceptionnelles, et une belle bibliothèque, je crois .
C.S.
11 avril 2015 @ 14:07
J’y étais hier (par hasard) et j’ai pu la découvrir. La différence est en effet frappante, lorsqu’on pense à l’état de délabrement des meubles, des murs, des tissus … d’il y a quelques années.
Gérard St-Louis
11 avril 2015 @ 14:57
J’ai eu le plaisir de voir cette galerie avant sa restauration. C’est la deuxième plus importante collection de tableaux après le Louvre. Il est amusant de la voir non pas dans un contexte muséal mais dans un château chez un ancien particulier à la façon chargée du XIXe siècle. Je recommande cette visite à tous avec arrêt obligatoire aux écuries, aux jardins magnifiques et au hameau pour y goûter la crème Chantilly à l’endroit même où elle fut inventée.
Alejandro Galan
11 avril 2015 @ 17:50
Formidable! À visiter.
Francine du Canada
11 avril 2015 @ 21:41
Merci Régine et Bertrand Meyer; j’aimerais visiter cette galerie où il y a des Fra Angelico, Raphaël, Nicolas Poussin, Antoine Watteau et Ingres. FdC
DENIS
12 avril 2015 @ 06:38
Excellente nouvelle, je ne vais pas manquer de retourner en ce splendide lieu; riche d’une collection de peintures anciennes de haut niveau …
Danielle
12 avril 2015 @ 17:24
Régine est notre agenda culturel, merci à elle.
Claude-Patricia
14 avril 2015 @ 11:41
Bonjour à tous,
1886-1896, la diversité des destins.
Arrivé en Angleterre, le comte de Paris loua le château de Stowe au duc de Buckingham. Cette vaste demeure précédée d’une colonnade digne de celle de Saint-Pierre reste surtout célèbre pour les gracieuses « fabriques » qui parsèment son interminable parc. Les aînés des enfants de France y galopaient avec leur mère la comtesse de paris, cavalière émérite, et les petits rangeaient leurs jouets sur le lit à baldaquin naguère occupé par Elisabeth Iere. L’exil sembla donner un regain d’activité au comte de paris qui suivit la politique française, et même, s’en mêla de plus en plus. Il ne tarda pas à soutenir de tout son prestige et de sa considérable fortune ce général Boulanger qui avait tant poussé à le faire chasser de France. Cet ancien gauchiste était devenu entre-temps un danger aux yeux des ministres républicains. Après qu’il eut été rayé des cadres, sa stature en était sortie tellement grandie qu’il s’était fait élire par plusieurs départements. Autour de lui se rassemblaient tous les conservateurs dégoûtés de la République. Il accepta sans sourciller le soutien du comte de Paris. L’opinion populaire qui le portait vers le pouvoir crut à l’imminence d’un coup d’Etat. Au dernier moment, le coeur, ou plutôt le courage, lui manqua. La République en profita pour le menacer de poursuites, d’arrestation, de condamnation. Il s’enfuit à l’étranger et lorsqu’il se suicida sur la tombe encore fraîche de sa maîtresse, les yeux se dessillèrent et l’on s’aperçut que ce Bonaparte en herbe n’avait été qu’une baudruche.
Le comte de Paris n’en était pas à une idée bizarre près. Ce patriote indéniable voulait contrer Bismarck, ce qui était une excellente intention, mais pour ce faire, il décida de soutenir le roi Louis II de Bavière, opposant aussi irréductible que faible du Chancelier de fer. Et comment le soutenir sinon en contribuant à éponger les dettes géantes contractées par le « roi fou » pour ses extravagantes constructions? Ainsi l’argent des Orléans permit-il de poursuivre les travaux de ses châteaux alors unanimement critiqués, et qui constituent aujourd’hui la plus grande recette touristique de la Bavière.
Le duc d’Aumale n’appréciait guère les initiatives de son neveu Paris. Il avait noté les maladresses commises par celui-ci lors des fiançailles de sa fille Amélie avec l’héritier portugais. Il n’avait aucune confiance dans Boulanger. Les prises de position du Prétendant le hérissaient. Fort de son expérience, de son prestige, de ses contacts, il estimait que celui-ci gagnerait beaucoup à le prendre comme mentor. De son côté, le comte de paris et les siens jugeaient le duc d’Aumale autoritaire et encombrant. Il ne les laissait jamais tranquille, il voulait se mêler de tout, et surtout, n’ayant plus d’héritier direct, il faisait sans cesse peser le poids de son immense héritage pour imposer ses vues. le froid entre l’oncle et le neveu s’intensifia. Aussi l’oncle renonça -t-il à la politique pour se tourner vers des plaisirs moins arides.
La Révolution de 1789 avait quasiment mis en ruine le château de Chantilly qui avait été le plus magnifique de France. Le vieux prince de Condé, lorsqu’il l’avait récupéré, n’avait pas trouvé l’énergie de le restaurer. Malmené par les guerres, les révolutions, les exils et les expropriations, le duc d’Aumale n’avait pas eu le temps de s’en occuper. Les loisirs imposés par les circonstances le décidèrent à rendre à Chantilly sa splendeur d’antan. Il fit reconstruire le château dans un style Renaissance, il restaura le parc, décora minutieusement les appartements peupla les salons de ses inestimables collections qu’il ne cessa d’agrandir. Il lui en coûta plus de cinq millions de francs-or, mais il finit par avoir une demeure digne du grand seigneur le plus fastueux de France. Il se mit à y recevoir la terre entière, l’impératrice d’Autriche, « Sissi », ou la future starine Alexandra, des gloires nationales comme Dumas fils, Zola, Sarah Berhardt, bref le château de Chantilly ne désemplissait pas.
Claude-Patricia
14 avril 2015 @ 14:06
Tous les appartements étaient occupés, particulièrement un petit entre-sol, sis au-dessus de l’entrée du Petit château, aujourd’hui tombé dans un triste état d’abandon. Il était réservé à l’année à la comtesse Berthe de Clinchamp… »Plus rien, le vide, la solitude », avait écrit le duc d’Aumale dans son journal lorsque, une vingtaine d’années plus tôt, était morte sa femme.
Claude-Patricia
14 avril 2015 @ 15:59
Bien des dames avaient égayé sa vie depuis, mais aucune n’avait remplacé l’épouse. Il aimait à évoquer son souvenir avec celle qui avait été sa dame d’honneur, Berthe de Clinchamp. Avec les années, les maîtresses s’estompèrent et cette dame, douce, intelligente, discrète, s’installa dans sa vie. Elle tenait son intérieur, tout en gardant sa place et en faisant preuve d’un tact exemplaire. Personne ne doutait qu’elle fût sa maîtresse. Un mariage morganatique et secret les unit-il, voilà ce que nul ne sut jamais, bien que la famille du duc d’Aumale le pensât. Ainsi un voile de mystère recouvrit-il la vieillesse de ce prince, toute sa vie en lumière et si peu mystérieux.
Le duc d’Aumale et ses frères raffolaient de leur unique soeur survivante, Clémentine.Elle n’avait jamais eu la beauté de sa soeur Marie, duchesse de Wurtemberg, ni le romantisme émouvant de son autre soeur, Louise, reine des Belges, mais elle avait eu beaucoup de piquant, au point que le vieux Charles X, grand amateur de femmes dans sa jeunesse, lui avait déclaré : « Si j’avais eu trente ans de moins, vous seriez reine de France, ma nièce. » Elle avait épousé un simple prince de Saxe-Cobourg-Gotha. Mais Auguste était frère du roi consort de Portugal, neveu du roi des Belges, cousin germain de Victoria, et, ce qui ne gâtait rien, il avait hérité de l’immense fortune de sa mère, une Hongroise qui remplaçait avantageusement par des millions ses quartiers de noblesse manquants. Installée dans le sombre et somptueux palais de Cobourg de Vienne, Clémentine en fit le centre d’une vaste toile d’araignée. Elle était décidée à pousser ses enfants, particulièrement son troisième fils, le préféré, Ferdinand de Saxe-Cobourg cachait sous une prodigieuse culture une ambition démesurée, et ses affectations empêchaient de soupçonner sa détermination et son énergie. Clémentine avait beau être sourde, elle entendait tout, elle savait tout. Lorsque les Bulgares furent débarrassés de leur bien-aimé souverain par les Russes, elle y vit la chance de son fils chéri. Elle fit suggérer aux Bulgares d’offrir leur trône au jeune Ferdinand. Les Bulgares s’empressèrent d’obtempérer. Les puissances ne virent pas la proposition d’un saint oeil, qui concoctaient pour la Bulgarie d’autres projets. Qu’à cela ne tienne : Ferdinand fit le voyage de Vienne à Sofia caché, selon la légende dans les toilettes de l’Orient-Express. Il fut accueilli triomphalement par les Bulgares en mal de souverain, et promptement intronisé. Clémentine accourut, au comble du bonheur, et fit le tour d’un pays qui sortait à peine du Moyen-Age, où elle fonda d’innombrables institutions charitables. Mère et fils furent accusés d’illustrer un peu trop bien le sens de l’intrigue qui avait fait la renommée des Orléans. Les puissances se fâchèrent et refusèrent d’entériner le fait accompli. Ferdinand entama le tour des capitales européennes pour tâcher d’arranger les choses. Bien que reçu par la porte de service, il réussit. En visite à Paris, il fit le détour par Chantilly pour voir son oncle Aumale. Sans être annoncé, il pénétra dans la salle à manger pendant le déjeuner. Aumale ne le remarqua pas. Ferdinand s’approcha. toujours pas de réaction d’Aumale. Ferdinand se pencha : « C’est moi mon oncle, c’est Ferdinand.
-Ah, Ferdinand, je suis comme l’Europe, je ne t’avais pas reconnu. »
Et le jeu des yoyo des trônes continua. L’empereur du Brésil, le libéral Pedro II, l’ami de Victor Hugo et de Darwin, avait décidé de mettre fin à l’esclavage qu’il considérait comme une honte pour son pays. Ce fut sa fille aînée et héritière la comtesse d’Eu qui signa le décret d’abolition, lors d’un voyage de son père à l’étranger. De retour au Brésil, le souverain le contresigna, mais lucide, murmura : « je signe par là mon abdication. » Il n’ignorait pas que cette mesure heurtait de très gros intérêts, qui d’ailleurs ne tardèrent pas à e manifester sous forme d’un pronunciamiento. L’empereur, qui se trouvait alors en sa villégiature de Petropolis, accourut à Rio pour tâcher de rétablir la situation. Il fut fait prisonnier, ainsi que sa famille, en son palais de San Cristobal, sa déposition lui fut signifiée et il fut expédié avec les siens à l’étranger. La monarchie brésilienne fut ainsi la seule de l’histoire à avoir été renversée par la droite et non par la gauche. Les descendants des libérés gardent encore un souvenir reconnaissant à leurs libérateurs, et à chaque carnaval, Noirs et Noires couverts de plumes, de paillettes et de dorures s’identifient à ces princes et ces princesses qui toute leur vie se vêtirent avec une sobriété quasi protestante. Comme il convient à un empereur philosophe, la révolution qui le chassait du trône n’avait pas coûté une seule vie humaine. Dans ses bagages, il ramenait sa fille et son gendre, les comtes d’Eu. Gaston d’Orléans, qui avait cru fonder une nouvelle dynastie sous les tropiques, revenait donc dans le pays de ses ancêtres. Il racheta le château d’Eu, dont il portait le nom, à son cousin le comte de Paris qui, pour cause d’exil, ne pouvait plus en jouir, et il s’y installa avec sa femme et ses enfants.
Pendant ce temps, dans le trop grand château de Stowe, le comte de Paris se morfondait. Les années passaient, et à coup d’entreprises malheureuses, il voyait fondre ses chances. Cet homme timide et réservé se rongeait littéralement. Autour de lui le vide s’élargissait et, dans la vaste demeure, l’atmosphère se chargeait de mélancolie, ce que supportait de moins en moinsson fils aîné, Philippe, duc d’Orléans. Ce gros garçon, qui allait devenir un homme magnifique, était le contraire de son père. Extraverti, rieur, plein d’énergie, coureur invétéré, il explosait de vie. pour le calmer, son père l’avait fait engager dans un régiment anglais posté en Inde. Philippe en avait profité pour explorer jusqu’aux régions les plus reculées du Raj et y avait gagné la fièvre des voyages, fort répandue dans sa famille.
Claude-Patricia
14 avril 2015 @ 17:43
Il voulut marquer sa majorité par un coup d’éclat. Bien qu’exilé, il se considérait toujours soumis aux lois française. Il ferait donc son service militaire comme tout citoyen français. Grimé avec une fausse barbe, il passa la frontière, arriva à paris et se présenta aux bureaux de recrutement. « Vous n’êtes pas sur nos listes » ou « les listes sont closes », se fit-il répondre. Dépité, il arriva en l’hôtel du duc de Luynes où il fut reçu à bras ouverts. Pendant le dîner, la police fit irruption. Non pas quelques argousins, mais des centaines d’agents qui bloquèrent toute la rue de Varenne. Leur chef enfonça la porte et dans l’escalier rencontra le maître de maison, auquel il lança « qui êtes-vous, »-« qui êtes-vous vous même, répliqua le duc, et de quel droit pénétrez-vous ainsi chez moi?-vous cachez quelqu’un ici, et je suis chargé par le gouvernement de l’arrêter.-Je ne cache personne, et votre police est singulièrement mal faite si elle apprend seulement maintenant que Monseigneur le duc d’Orléans m’a fait le très grand honneur de descendre chez moi. Est-ce une audience que vous sollicitez de Monseigneur? » L’argousin, médusé, ne sut que bredouiller : « En effet, j’ai une mission à remplir auprès de monseigneur le duc d’Orléans. Je suis le commissaire Clément. » Et le soir même, l’héritier des rois de France couchait dans un cachot de la Conciergerie.
Les jours suivants, le duc de Luynes lui fit porter des repas du meilleur traiteur. L’illustre prisonnier les refusa. Il tenait à consommer le même menu que les autres détenus: « je ne demande que la gamelle ». Ce qui lui valut instantanément et universellement connu sous le nom de « prince gamelle ». Le tribunal le condamna à deux ans de prison et l’envoya à Clairvaux.Il n’y fut pas si mal traité, puisqu’il pouvait recevoir qui il voulait, en particulier de nombreuses dames, des courtisanes aussi célèbres qu’Emilienne d’Alençon, mais aussi celle qui allait rester sa maîtresse la plus tenace, la soprano australienne Nelly Melba. Au bout de quatre mois, il fut libéré et n’eut plus qu’à retrouver ses pénates anglaises où l’attendait son père, furieux de son escapade.
Il faut savoir que ce bel éclat publicitaire était en fait dû à l’imagination romanesque d’un royaliste invétéré. Arthur Meyer, directeur du Figaro, qui avait négocié les moindres détails de l’arrestation et de la détention du prince avec son ami, le ministre de l’Intérieur.
Peu après, le comte de paris eut à s’occuper de sa seconde fille, Hélène, une jeune fille grande, belle, sportive, originale, doté d’une personnalité bouillonnante et d’énormément de panache. Depuis avant même la Révolution, les Orléans étaient intimes de la famille royale anglaise, et à chaque exil l’Angleterre les accueillait, cette amitié n’avait fait que se renforcer. Victoria et sa descendance fréquentaient beaucoup le comte de paris et les siens.
Or voilà que l’héritier présomptif du trône, le petit-fils de victoria, duc de Clarence, s’éprit d’Hélène d’Orléans. Ce grand garçon, plutôt beau mais mollasson d’aspect, n’était très bien ni dans son corps ni dans sa tête. Une série d’ouvrages récents devaient l’associer à Jack l’Eventreur. Qu’il ait fait parti des connaissances du meurtrier, c’est possible, mais que lui même et l’illustre assassin n’aient été qu’une seule et même personne, ainsi qu’on l’a soutenu c’est là une monumentale absurdité historique. En tout cas, il était amoureux d’Hélène et voulait l’épouser. La famille royale anglaise inclinait à y consentir, mais exigeait que la princesse se convertît à l’Eglise anglicane. Le comte de paris dut intervenir pour interdire formellement à sa fille de devenir une renégate. Clarence en fut beaucoup plus désespéré qu’Hélène. Sa grand-mère Victoria trouva vite une fiancée bien sous tout rapport, sa cousine, la princesse Mary de Cambridge. Mais bientôt une simple grippe l’emporta. Il mourut dans les bras de mary en prononçant le nom d’Hélène. Que faire de la fiancée laissée pour compte? « Qu’elle épouse Georgy », c’est à dire le cadet du duc de Clarence, intima Victoria. Ainsi l’ancienne fiancée de l’amoureux d’Hélène d’Orléans devînt-elle beaucoup plus tard l’imposante reine Mary, mastodonte de la monarchie britannique. Hélène d’Orléans, de son côté ne tarda pas à épouser le duc d’Aoste, cousin du roi d’Italie.
Depuis des années, le comte de paris cachait le cancer qui le minait. Il endurait les plus pénibles souffrances sans une plainte, avec un beau courage. Au début de septembre 1894, il s’alita pour ne plus se relever. le duc d’Aumale accourut avec les autres membres de la famille et ses difficiles relations avec le Prétendant ne l’empêchèrent pas de se montrer impressionné par la simplicité et la dignité de sa mort : « Mon neveu a encore sa présence d’esprit, la même aménité, sa fin est grande, chrétienne. C’est une belle âme, un homme de bien, de grand mérite et de grand courage qui va disparaître. On ne l’a pas connu. » Ce « on » c’était peut-être le duc d’Aumale lui-même qui griffonnait ce joli éloge dans son journal.
Philippe, duc d’Orléans, succéda à son père le comte de paris à la tête de la Maison de france et du parti royaliste. Son père avait péché par excès de sérieux; lui aurait plutôt péché par excès du contraire. Très beau, très riche, portant un nom magnifique, cet homme à femmes cueillait les plaisirs qui s’offraient à lui. mais derrière cette recherche de jouissance, se dissimulait un profond désenchantement. Son père s’était échiné sans succès à travailler au retour de la monarchie, lui même y croyait encore moins. De plus, l’exil le faisait cruellement souffrir. Le seul pays au monde, le sien, qu’il aurait voulu connaître lui étant fermé à tout jamais, il visita sans relâche les autres, comme pour essayer d’oublier ne fût-ce qu’un instant cette France qui l’obsédait et qui se refusait à lui.
Il avait déjà parcouru l’Afrique et pénétré dans certaines régions d’Ethiopie jamais auparavant explorées. Il y avait même découvert une variété d’éléphants jusqu’à lors inconnue, qui reçu son nom : « Elephas Orleansi ». Entre deux expéditions, le duc d’Orléans fit relâche pour épouser l’archiduchesse Marie-Dorothée d’Autriche à l’impécable pedigree, mais au physique, hélas, moins prestigieux ce qui était peu encourageant pour cet amateur de jolies femmes. le duc d’Aumale, qui du haut de ses millions, faisait la loi dans la famille, avait voulu cette union, concoctée avec sa soeur Clémentine, grand-mère maternelle de la mariée. Les noces eurent lieu à la Hofburg de Vienne, dans toute la pompe de la cour d’Autriche. Ce fut la présentation dans le monde de la toute jeune princesse isabelle, soeur cadette du marié. Elle regarda avec curiosité le troupeau des archiduchesses toutes plus laides l’une que l’autre qu’elle compara aux « poupées du diable ». Le vieil empereur François-Joseph devait penser la même chose, lui qui lorgna sans retenue la jeune Isabelle. Il ne l’oublia pas, et devenu veuf de Sissi, faisant fi de la différence d’âge, il fit sonder la comtesse de paris pour une union éventuelle avec la ravissante princesse française. Entre-temps, le duc d’Orléans s’était aperçu que sa femme, atteinte d’une malformation ne pouvait concevoir. A peine mariés, ils se séparèrent à l’amiable. Elle se retira dans une de ses propriétés en Hongrie, et le Prétendant, condamné à rester sans descendance, de plus en plus désabusé, reprit ses voyages lointains.
Il s’embarqua sur son yacht le Maroussia, visita divers ports de la Méditerranée, séjourna à Constantinople, s’arrêta au Portugal pour voir sa soeur, la reine Amélie, et chasser avec son beau-frère, le roi Carlos.
Francine du Canada
15 avril 2015 @ 10:54
Merci Claude-Patricia pour ces belles pages d’histoire. FdC