Au milieu du XIXe siècle, l’impératrice Alexandra Feodorovna fait à nouveau agrandir le cottage afin de pouvoir loger son fils, le grand-duc héritier Alexandre Nicolaïevich et son épouse, la grande duchesse Maria Alexandrovna, née princesse Marie de Hesse-Darmstadt.
La ferme est alors transformée en habitation. Si le bureau du grand-duc héritier conserve toute la marque du style néo-gothique, en revanche le cabinet de son épouse est typique de cet ameublement confortable du milieu du XIXe siècle avec ses murs et ses fauteuils crapauds tendus de chintz fleuri et son mobilier d’acajou (photo 18).
Une fois montés sur le trône, Alexandre II et son épouse vont apprécier la ferme du cottage dont ils vont faire leur retraite chaque année pendant près de 30 ans.
En 1860, à la mort de l’impératrice Alexandra Feodorovna, un buste bronze de la souveraine est installé sous la véranda du cottage, là-même où elle avait l’habitude de se tenir pour contempler les eaux du golfe de Finlande (photo 19).
En 1866, Alexandre II donne le cottage au grand-duc héritier Alexandre Alexandrovitch à l’occasion de son mariage avec la princesse Dagmar de Danemark qui, après sa conversion à l’orthodoxie, prend le nom de Maria Feodorovna.
La nouvelle grande duchesse héritière va aussitôt se prendre de passion pour cette maison aux dimensions intimes conforme à ses goûts et dont elle va souhaiter conserver tout l’ameublement néogothique. Devenu empereur, Alexandre III qui fuit les grands palais impériaux, vient souvent aussi y trouver en famille un refuge tranquille (photo 20).
Après la mort prématurée en 1894 de son époux, délaissant l’immense palais de Gatchina, l’impératrice Maria Feodorovna qui devient dès lors douairière, fait du cottage Alexandria sa résidence d’été. Et l’église St Alexandre Newsky devient alors sa chapelle privée (photo 21).
Elle y acclimate de nombreuses plantes qui viennent grimper sur les murs, accentuant ainsi encore le côté bucolique de la demeure noyée par la végétation (photo 22).
Maria Feodorovna y reçoit les siens, ses enfants mais également sa sœur, la reine Alexandra d’Angleterre, épouse du roi Edouard VII, qui y retrouve une atmosphère toute britannique qui lui est familière (photo 23).
En 1899, son fils, l’empereur Nicolas II vient fièrement au cottage pour lui présenter sa 2e fille, la grande-duchesse Tatiana, née quelques jours plus tôt, dans la datcha de style néo-Renaissance située un peu plus loin sur le domaine d’Alexandria que son père lui avait offerte lorsqu’il avait 18 ans (photo 24).
L’impératrice douairière y réunit également les membres de sa maison et pose aimablement avec eux dans les jardins (photo 25).
En mars 1917, le régime impérial s’effondre dans les premiers soubresauts de la révolution mais par bonheur, le petit cottage Alexandria n’est pas touché. A l’écart des grands palais impériaux qui, eux sont transformés en musée, la demeure est fermée et tombe dans l’oubli.
En 1940, l’invasion des armées nazies qui va piller, vandaliser et ensuite brûler la plupart des grands palais impériaux, épargnera elle-aussi le cottage des impératrices qui restera oublié de tous, toujours dans l’état dans lequel la dernière impératrice l’avait quitté en 1917…
Ce n’est qu’avec la chute de l’Union Soviétique et une fois achevée l’intensive politique de restauration de tous ses palais impériaux que va mettre en place la nouvelle Fédération de Russie que les autorités vont s’attacher au début des années 1990 à la restauration du cottage Alexandria.
Une restauration qui sera d’autant plus facile à effectuer que tout le mobilier était resté tel que l’impératrice douairière Maria Fedorovna l’avait laissée avant de partir en exil. Après près d’un siècle de fermeture, tous les tissus et soieries seront alors retissés à l’identique (photo 26) , les meubles revernis, les murs et les sièges à nouveau tendus de chintz fleuri, les tableaux restaurés et les cadres redorés.
Comme les autres pièces de la demeure, le bureau du grand-duc héritier retrouve toute la beauté de son décor d’origine (photo 27).
Et en 1998, le cottage est officiellement inauguré tel qu’il était du temps de sa fondatrice, l’impératrice Maria Alexandrovna (photo 28).
Le 28 septembre 2006, le cottage Alexandria va, une dernière fois, revivre à l’heure impériale. En effet, cette année-là, après de longues tractations, est décidé le rapatriement en Russie de la dépouille de l’impératrice douairière Maria Alexandrovna, veuve de l’empereur Alexandre III, morte en exil et enterrée au Danemark, son pays d’origine.
Ses descendants, les princes de Russie issus du mariage de sa fille, la grande duchesse Xénia Alexandrovna avec le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch, vont alors souhaiter que, avant les solennelles funérailles en la cathédrale Pierre-et-Paul de St Pétersbourg, le fourgon mortuaire fasse halte dans de ce domaine d’Alexandria qui était si cher à celle qui fut pendant 36 ans impératrice de Russie.
Après qu’une cérémonie religieuse a été célébrée dans l’église du domaine dédiée à St Alexandre Newsky (pour la première fois réouverte au culte depuis l’abdication de Nicolas II) (photo 29), le cercueil impérial sortit encadré par un détachement d’honneur des armées russe et danoise (photo 30).
Le lendemain, l’impératrice douairière est solennellement inhumée dans la nécropole des empereurs de Russie au sein de la forteresse Pierre-et-Paul en présence de nombreux membres de nombreux membres de la maison impériale de Russie et des maisons royales de Danemark et d’Angleterre (photo 31).
Aujourd’hui, heureusement préservé des hordes de touristes qui envahissent chaque été le grand palais de Peterhof, blotti au cœur des frondaisons de l’immense parc qui l’environne, ce charmant cottage Alexandria, qui fut l’ermitage favori des dernières impératrices de Russie, est sans nul doute le plus authentique témoignage de cet art de vivre élégant, raffiné et discret qui prévalait à la cour de Russie au XIXe siècle (photo 32). (Un grand merci à Néoclassique pour cet article)
milou
8 juin 2018 @ 06:41
Très bucolique en été …on la croirait méditerranéenne, presque !
En entrant dans la nécropole Pierre et Paul la sensation est forte en histoire avec tous ces tombeaux de marbre!
Merci Néoclassique ?
ml
DEB
8 juin 2018 @ 06:44
Quelle chance que ce cottage soit resté à l’écart des pillages et puisse nous restituer un décor authentique !
Pierre-Yves
8 juin 2018 @ 08:20
Ce cottage aura donc eu un destin à peine croyable, miraculeusement épargné par toutes les avanies du XXème siècle.
Il semble bien que sa modestie l’ait sauvé. Tenu pour quantité négligeable, ne symbolisant pas le pouvoir absolu, il a réussi à échapper aux destructions.
Cette histoire méritait d’être contée, et le charme de l’endroit méritait d’être découvert, donc encore merci à Néoclassique de nous avoir offert cet article.
corentine
8 juin 2018 @ 08:22
Merci beaucoup Néoclassique,
j’aime particulièrement la 2ème photo et la photo de la maison sous la neige
Comme vos précédents articles, celui ci est passionnant
Ghislaine-Perrynn
8 juin 2018 @ 18:19
Comme vous Corentine j’aime la photo de cette « folie » sous la neige .
Troublante ressemblance du Prince Michel de Kent et du tsar Nicoals II
Spassiba bolchoï Neoclassique
Corsica
8 juin 2018 @ 08:48
Merci Néoclassique pour votre reportage sur ce cottage qui nous montre que le dernier tsar n’a pas été le premier de sa famille à avoir une inclination certaine pour un mode de vie et une intimité plus bourgeois qu’impériaux. J’aime beaucoup la photo hivernale de cette maison ainsi que celle montrant le jardin.
Francois
8 juin 2018 @ 08:55
Reportage passionnant
Très émouvant de voir une maison intacte où tout est dans son jus
Antoine
8 juin 2018 @ 09:49
Toujours aussi intéressant et admirablement illustré. On en redemande !
vitabel
8 juin 2018 @ 10:22
Merci infiniment pour ce beau reportage.
marie francois
8 juin 2018 @ 10:38
Tres bon reportage Neoclassique.
Il es interessant de comparer les portraits d’interieur du debut aux restaurations effectués
recemment.
Pascal
8 juin 2018 @ 10:51
Il y aurait donc une confusion dans mon esprit (et peut être dans certaines biographies) entre le « cottage » Alexandria qui serait resté jusqu’à la révolution lune des résidences de l’impératrice douairière Maria Féodorovna et la » datcha » où séjournaient à l’occasion l’empereur Nicolas II et son épouse?
Les articles de néoclassique (comme ceux de certains de se sprédécesseurs)sont au dessus de tout éloge.
Mary
8 juin 2018 @ 14:16
Le palais Alexandre ?
Neoclassique
9 juin 2018 @ 11:53
Merci Pascal de votre mail.
Effectivement dans le parc Alexandria de Peterhof, il y avait à la fois le cottage Alexandria résidence de l imperatrice douairière , et la datcha Alexandria, résidence de Nicolas II où sont nés 4 des 5 enfants impériaux.
Edouard
8 juin 2018 @ 11:01
Quelle belle histoire ! Heureux que le cottage ait été épargné.
Armelle
8 juin 2018 @ 11:02
C’est émouvant de lire que Dagmar de Danemark est revenue une dernière fois dans son cottage où tout était resté endormi.
Avez vous eu l’occasion de vous y rendre Néoclassique ?
Caroline
8 juin 2018 @ 11:26
Néoclassique,
Un grand merci pour votre reportage historique avec de belles illustrations !
Bon week-end !
Danielle
8 juin 2018 @ 11:27
Merci Néoclassique pour ce reportage intéressant.
La restauration est réussie et la halte dans le domaine d’Alexandria une très belle attention.
Suzanne
8 juin 2018 @ 11:53
Très intéressant ce reportage, un immense merci
Mayg
8 juin 2018 @ 12:35
Merci à Néoclassique pour ce reportage.
En matière de décoration, celle du cottage est un peu trop chargée à mon goût.
patricio
8 juin 2018 @ 12:57
Très beau reportage comme je les aimes.
Un grand merci
amitiés
patricio
Galetoun
8 juin 2018 @ 13:32
Merci Néoclassique, j’adore vos reportages !!! Du voyage… de l’histoire… superbe!
Désolante manie à une époque de remettre à neuf tissus et dorures – de rénover alors que restaurer et conserver les traces du temps est tellement plus ….émouvant. Ainsi à la Malmaison, tous les sièges et tissus refais comme neufs…
Vous évoquez à un moment « l’état dans lequel la dernière impératrice l’a quitté en 1917 » ?? Et Alexandra? Elle compte pour du beurre ??
Neoclassique
9 juin 2018 @ 11:49
L imperatrice Alexandra n a jamais habité le cottage Alexandria qui était la résidence personnelle de l imperatrice de l imperatrice douairière. Elle n aurait d ailleurs pas du tout apprécié ce style de decor lui préférant le style Art nouveau du début du XIXE siècle.
Alexandra residait, elle, à la datcha Alexandria située à quelques centaines de mètres du cottage .
Mary
8 juin 2018 @ 14:18
Merci Néoclassique !
Cette merveilleuse maison ne peut être visitée , même pas sur rendez-vous ?
neoclassique
9 juin 2018 @ 15:32
Si le cottage est accessible pour des visites privées sur inscription préalable entre juin et septembre
JAusten
8 juin 2018 @ 17:46
Les première et onzième photos sont saisissantes d’exactitude.
Très beau reportage. Merci Néoclassique
Framacesar
8 juin 2018 @ 17:52
Un très grand merci vos reportages sont toujours aussi beaux
Marie1
8 juin 2018 @ 17:53
Merci Néoclassique, vos reportages sont toujours très intéressants et bien illustrés.
J’aime beaucoup la photo prise en extérieur sous la neige.
IANKAL21
8 juin 2018 @ 18:47
Superbe article, bravo !
Detail poignant qui m’était inconnu: la dernière halte de l’impératrice avant sa sepulture finale.
Teresa 2424
8 juin 2018 @ 22:38
¡¡¡rxcelent informe « Neoclasico » no defraudas?
Teresa 2424
8 juin 2018 @ 22:39
¡¡corrijo:excelent
Anna Claudia
9 juin 2018 @ 00:25
Quel excellent reportage ! Ces lieux, donnant l’impression d’être à peine quittés, sont d’une authenticité très touchante.
Juliette d
9 juin 2018 @ 03:14
Quel document intêressant. Avec toutes à l’appui toutes ces magnifiques photos.
Merci encore Nėoclassique. J’avais håte de vous lire aujourd’hui et j’ai étė comblée.
Philippe Gain d'Enquin
9 juin 2018 @ 16:49
Une fois encore, vous lire est un enrichissement et les lieux que vous évoquez et présentez sont un enchantement. « Petite Mère », merci ! PGE
Robespierre
10 juin 2018 @ 09:05
Excellent reportage et belle iconographie.
guizmo
10 juin 2018 @ 22:17
Merci beaucoup pour cette deuxième partie. Quelle chance qu’il soit tombé dans l’oubli. Ça l’a protégé en quelque sorte. Bonne nuit.