A quelques centaines de mètres des dorures rocaille de l’imposant palais de Peterhof, en bordure des eaux du golfe de Finlande, un édifice aux toits pointus et aux façades ornées de bow-windows décorées d’arcatures gothiques surprend le visiteur qui s’aventure dans le grand parc voisin: le cottage Alexandria.
C’est pour répondre à la demande son épouse, l’impératrice Alexandra Feodorovna, née Charlotte de Prusse, soucieuse de pouvoir se créer un cadre familial intime que Nicolas 1er (photo 2) confie en 1826 à l’architecte écossais Adam Menelaws le soin de construire un pavillon de retraite au cœur du vaste parc à l’anglaise qui jouxte le palais de Peterhof.
Ancien assistant de l’architecte de Catherine II, Charles Cameron Menelaws va alors édifier ce qu’en Russie, l’on nomme une datcha mais dans ce style typiquement gothic revival qui triomphe alors dans toute l’Europe romantique et dont il est un adepte inconditionnel. Ce qui vaut aussitôt à l’édifice le nom de cottage. Et un cottage qui, tout naturellement, prend le nom d’Alexandria tout comme le parc environnant (photo 3).
Sur la demande expresse de l’impératrice Alexandra Féodorovna (photo 4), l’intérieur est décoré dans un style gothique exubérant et fleuri rappelant le style Tudor anglais. Il multiplie les arcatures, nervures, rosaces et pinacles que l’on retrouve à la fois sur les murs, les plafonds, les fenêtres et les balcons.
L’escalier d’entrée en constitue une parfaite synthèse (photo 5). Se déployant de fond en comble sur les deux étages de l’édifice, il conjugue savamment les rosaces des plafonds, les frises d’arcatures des voûtes et les arcades gothiques en grisaille des murs. Il est considéré comme l’un des plus parfaits exemples réalisés en Europe à cette époque-là.
Le cottage est aménagé dans une suite de pièces au dimensions intimes où le mobilier de style gothique troubadour vient épouser les frises gothiques des murs ou les réseaux de nervures des plafonds.
Ainsi du salon de l’impératrice dont les murs vert émeraude sont recouverts de tableaux de facture romantique, tandis qu’une multitude des bibelots s’accumulent sur les consoles et guéridons. Pour adoucir la longueur des hivers russes, une bow window a été aménagée en jardin d’hiver avec des plantes qui viennent grimper sur des treillages d’acajou (photo 6).
Au- dessus, se situe le cabinet de travail de l’empereur. Egalement peint en vert émeraude, il est meublé d’un mobilier gothique en bouleau de Carélie tandis que tout autour de la pièce s’alignent les bustes en marbre de la famille impériale (photo 7).
En 1829, lors de son inauguration, le cottage reçoit son propre emblème : marqué par le plus parfait romantisme, il est fait d’une couronne de roses blanches qui évoque l’impératrice surnommé dans son enfance « Weisse Rose » en raison de son teint pâle tandis que l’épée fait référence à l’empereur chevalier, le tout est entouré de la devise suivante : « Pour la Foi, l’Empereur et la Patrie ».
Un emblème que l’on retrouve alors dans tout l’édifice : sur les façades, sur le papier à lettre mais aussi sur l’extraordinaire service de table qui, entre les verres en cristal et la porcelaine, atteint un total de 5210 pièces (photo 8).
Et jusque dans les plates-bandes de fleurs des jardins qui environnent la demeure (photo 9).
Chaque année, le 13 juillet, l’empereur fait défiler devant le cottage le régiment des Lanciers de l’impératrice qui vient célébrer l’anniversaire de la souveraine (photo 10).
En 1831, le domaine est complété par une église ciselée comme un reliquaire médiéval et dédiée à Alexandre Newsky. Bien loin des canons de l’église orthodoxe traditionnelle, elle fait davantage penser à une chapelle anglicane avec ses quatre pinacles dentelés qui viennent flanquer l’édifice (photo 11).
A la manière de la reine Marie-Antoinette à Trianon, une ferme, également gothique, vient compléter l’aspect bucolique du lieu (photo 12).
En 1842, l’architecte Andréi Stackenschneider vient agrandir la demeure par une grande salle à manger toujours de style gothique troubadour (photo 13).
L’impératrice Alexandra Feodorovna va venir séjourner chaque été dans ce cottage qui deviendra son lieu de prédilection. Dans cette maison romantique qu’elle a aménagé à sa guise, loin des lourdes dorures des palais impériaux, elle savoure le plaisir de se retrouver dans l’intimité familiale (photo 14).
Un lieu qu’affectionne tout autant Nicolas 1er (photo 15) qui se fait aménager sous les toits un petit cabinet duquel, grâce à une lunette téléscopique.
Il peut ainsi suivre les mouvements de la flotte impériale qui croise sur les eaux du golfe de Finlande (photo 16). (Merci à Néoclassique pour première partie)
DSilvî
7 juin 2018 @ 05:52
Très intéressant.
Merci pour ces infos……bon jeudi a tous??.
Francois
7 juin 2018 @ 06:00
Tres grande unité de style pour cette maison
Dont l’intérieur est vraiment délirant
Philippe Gain d'Enquin
7 juin 2018 @ 07:29
Vivement la suite ! Merci. PGE
Cosmo
7 juin 2018 @ 07:56
C’était le goût de l’époque. Les châteaux et maisons « Troubadour » ont été nombreuses au début du XIXème siècle pour tomber dans le gothique sombre à la fin du siècle.
Pierre-Yves
7 juin 2018 @ 08:49
Merci Néoclassique de continuer à nous faire découvrir les résidences impériales russes, ce sont chaque fois des visites passionnantes autant que surprenantes.
S’il y a une manifeste influence anglaise dans ce cottage, je trouve que le vestibule et la cage d’escalier ont aussi, par leur style décoratif, quelque chose d’arabisant.
Damien B.
7 juin 2018 @ 16:23
Pierre-Yves, je vois comme vous des touches orientalistes çà et là.
Alicia
7 juin 2018 @ 09:12
Merci Neoclassique pour cette première partie. Je lis toujours avec beaucoup de plaisir vos articles sur les palais russes.
Ce palais est vraiment à taille humaine, la décoration dans les tons verts est très réussie.
Armelle
7 juin 2018 @ 11:05
J’aime beaucoup le style architectural. Dans quelle localité exacte est situé le palais ? Il semble que la région du Golfe de Finlande soit une fort belle région.
Agnès avez vous eu l’occasion de la visiter ?
Merci à Neoclassique et vivement la suite demain
Vinciane
7 juin 2018 @ 11:08
Très intéressant sujet merci à Noblesse et Royautés et à Néoclassique de nous emmener une fois de plus dans des lieux méconnus des Romanov.
Je ne connais pas bien l’histoire du règne de Nicolas I et de son épouse. Était-elle appréciée en Russie ?
Je note qu’ils sont les parents du tsar Alexandre II qui se remaria après veuvage avec Catherine Dolgourki d’où le film Katia avec Romy Schneider.
Charlanges
7 juin 2018 @ 16:49
Le film Katia tourné en 1959 avec Romy Schneider est un remake de celui réalisé en 1938 par Maurice Tourneur avec Danielle Darrieux, John Loder, Aimé Clariond et Charlotte Lysès. Le scénario était tiré du livre Katia écrit par Marthe Bibesco sous le pseudonyme de Lucile Decaux. Danielle Darrieux y était aussi ravissante que talentueuse. Un très joli film que la télévision avait redonné lorsque j’étais adolescent et qui m’avait donné envie d’en savoir davantage sur Alexandre II et celle qui devint la princesse Yourievska.
Flora
7 juin 2018 @ 12:19
Belle demeure qui semblait déjà très confortable pour l’époque. Pourrais je avoir plus d’informations sur Charlotte de Prusse, épouse de l’empereur ? Était-ce un mariage « heureux » ?
Le salon vert de l’impératrice est très cosy
Edouard
7 juin 2018 @ 12:41
Merci pour ce beau sujet. J’ai jeté un coup d’œil sur wikipedia pour m’informer de l’histoire du couple Nicolas I et Alexandra, née Charlotte de Prusse.
Ce fut un mariage heureux même si à la fin le tsar prit une maîtresse
On évoque le palais d’Oreanda que la tsarine fit construire en Crimée. En a-t-on déjà parlé sur le site ? La tsarine vint aussi passer les hivers à Nice.
Latina
7 juin 2018 @ 12:58
Impatiente de lire la suite.Merci.
Si je peux me permettre, cher Néoclassique, votre talent de narrateur mériterait bien de colliger tous ces récits et la riche iconographie sur les Palais Impéraux, en un unique volume pour le plus grand bonheur des passionnés comme moi et aussi des novices.
Danielle
7 juin 2018 @ 13:57
Merci Néoclassique ; le salon de l’impératrice est impressionnant.
IANKAL21
7 juin 2018 @ 14:13
Intéressant sujet comme toujours les sujets de Néoclassique.
Permettez- moi de rajouter que la ferme (photo 12) fut l’exemple sur lequel le palais d’ été de Tatoi des souverains Grecs était bâti.
Cette ferme est merveilleusement restaurée aujourd’hui, tandis que Tatoi reste moribond.
DEB
7 juin 2018 @ 14:15
Merci Néoclassique.
Je me demande si on a une explication de la naissance de ce style néo gothique au 19 ème siècle.
Nostalgie provoquée par l’industrialisation galopante?
Romantisme naïf ?
alobo
7 juin 2018 @ 14:38
Un grand merci, j’attends la suite avec impatience !
beji
7 juin 2018 @ 14:55
Très intéressant merci néoclassique,j’attends la suite avec intérêt;
Mary
7 juin 2018 @ 15:14
Ce bel endroit a réussi à échapper à la barbarie teutonne ?
Jean Pierre
7 juin 2018 @ 15:35
Pour une fois, voilà une résidence présentée par Néoclassique qui ne me plaît pas du tout.
Un côté Walter Scott ou Lucia de Lamermoor dans ses mises en scène gothiques.
Juliette d
7 juin 2018 @ 15:40
Quel beau reportage! Merci Néoclassique, j’ai beaucoup apprécié.
Style un peu chargé ã mon goût mais cela n’a aucune importance. L’architecture est une réussite totale de par son unité de style.
Est-ce que le palais est utilisé pour des réceptions? Il peut être visité?
Francky
7 juin 2018 @ 17:24
Très beau reportage, une fois de plus…!
Je connaissais Peterhof, mais n’avait pas prospecté jusqu’à ce cottage…
Un grand merci Néoclassique !
Leonor
7 juin 2018 @ 17:35
Je ne suis pas sûre de la race du chien. J’ai bien une idée, mais …
Ghislaine-Perrynn
7 juin 2018 @ 18:14
Merci Neoclassique pour ces découvertes et mes souvenirs de cette région au climat quand même difficile , j’y étais une année en Juin et un vent violent , glacial soufflait du Golfe de Finlande .Je dus renoncer à aller plus avant vers le rivage non loin de mon hôtel.
Il me semble que les plafonds sont moins bas que ceux que j’ais pu voir dans d’autres résidences impériales russes.
Vivement la suite .
guizmo
7 juin 2018 @ 22:12
Merci beaucoup pour la visite de ce château qui est une découverte pour moi. Bonne nuit.
milou
8 juin 2018 @ 06:33
Merci Néoclassique !?
ml