A une cinquantaine de kilomètres au sud de St Petersbourg, un vaste et sévère édifice aux façades de pierre claire percées d’une multitude de fenêtres surprend le visiteur par son allure de caserne : c’est le palais de Gatchina, une des nombreuses résidences d’été des empereurs de Russie.
C’est en 1766 que commence l’histoire de Gatchina lorsque Catherine II offre la terre de Gatchina à son amant de l’époque, Grigori Orlov (photo 2). L’impératrice charge aussitôt son architecte d’origine italienne, Antonio Rinaldi, de bâtir une résidence de campagne au milieu d’un domaine de chasse de sept cents hectares.
Construit entre 1766 et 1770, le nouveau palais se compose de trois corps de logis : un corps central à deux étages duquel partent deux galeries ouvertes en arc de cercle rejoignant chacune deux ailes de forme carrée et flanquées aux quatre angles de tours octogonales (photo 3).
A la mort d’Orlov, en 1783, Catherine II choisit de donner le nouveau palais à son fils, le grand-duc Paul (photo 4). Mais ce n’est que quelques années plus tard, à partir de 1790, que ce dernier confie à son architecte Vincenzo Brenna le soin de transformer l’édifice pour lui donner une allure plus martiale conforme à ses goûts militaires. Les deux ailes carrées sont alors rehaussées et transformées, l’une en pièces de services, l’autre en arsenal.
Mais il demande aussi à son architecte d’aménager l’immense parc paysager qui entoure le palais et se développe autour d’un immense lac (photo 5).
Quand, en 1796, Paul 1er succède à sa mère, Gatchina devient pleinement résidence impériale et la dimension militaire du palais s’affirme encore avec la cour d’honneur qui devient une place d’armes permettant d’organiser au nouvel empereur d’y faire défiler les unités de sa garde (photo 6).
Mais l’amateur d’art qu’est aussi le nouvel empereur fait venir de L’Ermitage 158 toiles des meilleurs peintres (Titien, Corrège, Tintoret, Rembrandt….) pour orner les salons du pavillon central dont il fait achever la décoration intérieure des murs en les couvrant de marbre scagliola et de stucs dans le plus pur goût néoclassique. Ces toiles viendront orner en nombre la salle du trône de son épouse, l’impératrice Maria Fedorovna, née Sophie-Dorothée de Wurtemberg (photo 7).
Le salon rouge de l’impératrice est lui décoré de la célèbre suite de tapisseries des Gobelins de la tenture de Don Quichotte qu’avait offerte en 1782 Louis XVI au comte du Nord lorsqu’il voyageait en Europe. Le long des murs est aligné un exceptionnel mobilier de parade fait de douze sièges et d’un canapé « à confidents » œuvre du célèbre ébéniste parisien Henri Jacob (photo 8).
La chambre de parade de l’impératrice témoigne, elle aussi, d’un faste versaillais avec son somptueux lit à baldaquin en bois doré, oeuvre également du même ébéniste parisien (photo 9).
L’immense salle blanche, chef d’œuvre de Rinaldi, est, elle, la plus grande du palais. Servant de salle à manger d’apparat, son admirable décor est fait de hauts pilastres cannelés en marbre de Carrare, de rosaces, de bas-reliefs et de volutes auxquels fait écho la riche marqueterie du parquet (photo 10).
Mais, après la mort tragique de Paul 1er en 1801, les grands décors de Gatchina tombent dans un demi sommeil, sa veuve, l’impératrice Maria Feodorovna, lui préférant désormais le séjour de Pavlovsk.
Ce n’est qu’à partir de 1840 que Gatchina va revivre grâce à son fils, l’empereur Nicolas 1er (photo 11), qui décide d’y séjourner.
En signe d’amour filial, il fait d’abord scrupuleusement et entièrement restaurer les grands appartements du corps central où vivaient ses parents. Il fait ensuite entièrement aménager le pavillon carré du palais désigné sous le nom d’Arsenal du temps de son père en salons de réception et appartements privés dans les mezzanines pour la famille impériale.
Son épouse, l’impératrice Alexandra Feodorovna, née Frédérique-Louise de Prusse, (photo 12) fait alors redécorer les appartements privés entresolés dans le style confortable de l’époque avec larges fauteuils confortables et des tapis « bord à bord » comme en témoignent les nombreuses aquarelles qu’en a laissées Edward Hau.
Ainsi du boudoir de l’impératrice (photo 13). Typique de ce goût confortable très en faveur au milieu du XIXe siècle, il est meublé d’un important salon de sièges en palissandre capitonnés de damas jaune or tandis que le parquet est recouvert d’un tapis à larges ramages fleuris dans les tons rose et framboise.
La salle de bains de l’impératrice est, quant à elle, tendue de faille plissée vert émeraude tandis que la baignoire à l’antique en marbre de Carrare est logée dans une alcôve recouverte de larges miroirs. Au mur, se remarque un grand portrait du grand-duc héritier Nicolas Alexandrovitch qui s’éteindra à l’âge de 22 ans en 1865 (photo 14).
Mais Nicolas 1er se passionne également pour les civilisations orientales qu’il collectionne à l’envie. Toutes ses collections de porcelaines chinoises sont alors soigneusement installées dans une des galeries gothiques troubadour du palais (photo 15).
En 1851, le nouveau palais de Gatchina est inauguré avec faste. Mais Nicolas 1er en profitera peu. Quatre ans plus tard, il est emporté par une crise cardiaque.
Son fils qui devient empereur en 1855 sous le nom d’Alexandre II (photo 16) se montre lui aussi très attaché à Gatchina et aux nombreux souvenirs qui le lient à ses parents et grand-parents. Les appartements impériaux sont peu modifiés.
Situé dans la cour d’angle donnant sur la cour d’honneur, l’empereur fait tendre son bureau d’un damas vert profond recouvert d’aquarelles des régiments de la Garde impériale. Au pied du bureau de son maître, l’on remarque couché le setter favori de l’empereur (photo 17).
Celui de l’impératrice est tendu de chintz vert amande à décor de lilas blanc, un tissu qui recouvre également tous les fauteuils gondoles en palissandre tandis que sur les murs sont pendus les portraits des enfants impériaux (photo 18). (Merci à Néoclassique pour cet article)
Silvîa
3 mai 2018 @ 06:02
Merci… Très intéressant !
Bon jeudi sous le?
milou
3 mai 2018 @ 06:45
Merci ⭐️Merci encore Néoclassique !
J’adore !
ml
Armelle
3 mai 2018 @ 09:25
Merci à Néoclassique pour ce premier volet consacré au Palais de Gatchina.
Je suis ébahie par la salle de bain pour les années 1865. De même que la somptueuse salle blanche.
Je suppose (suite demain) que ce palais a subi lourdement les affres de la révolution.
Pierre-Yves
3 mai 2018 @ 10:01
Une nouvelle et formidable visite dans l’univers des palais impériaux russes, dont le gigantisme une fois encore nous frappe.
Bravo à Néoclassique pour cette découverte aussi intéressante que documentée.
Vinciane
3 mai 2018 @ 10:47
Je suis toujours impressionnée par la richesse des décors de ces palais dont en fait on ne connaît que les plus célèbres. Personnellement je ne connaissais pas celui-ci.
Agnès l’avez vous visité ?
Francois
3 mai 2018 @ 10:50
Reportage toujours passionnant
Et la splendeur russe au rendez vous comme il se doit
Danielle.
3 mai 2018 @ 11:04
Quelle magnificence ! merci Néoclassique.
COLETTE C.
3 mai 2018 @ 11:43
Merci pour cette magnifique visite.
Trianon
3 mai 2018 @ 12:12
Merci Néoclassique, la salle blanche est une splendeur !
caroline23
3 mai 2018 @ 12:33
Très jolie visite
HRC
3 mai 2018 @ 12:34
j’attendais récit et photos ! merci pour la qualité et la clarté de l’ensemble.
YOM
3 mai 2018 @ 12:52
Merci Néoclassique pour votre travail,j’adore vos reportages.
Mary
3 mai 2018 @ 13:51
Les photos n’apparaissent pas,hélas, trois fois hélas…
Régine
4 mai 2018 @ 11:15
Je les vois parfaitement
Mary
3 mai 2018 @ 13:54
Ah, ça y est !
Mary
3 mai 2018 @ 13:54
Ah, ça y est ! Super !
clement
3 mai 2018 @ 14:57
Parcours intéressant et magnifique!
Teresa 2424
3 mai 2018 @ 15:56
Neoclasico:muchísimas gracias!! Precisó, concreto y mucha información :excelente!!
Jean Pierre
3 mai 2018 @ 15:56
En lisant tous ces beaux reportages de Néoclassique, je me demande quel était la durée de séjour de la famille impériale dans chacune de ces demeures.
neoclassique
4 mai 2018 @ 12:12
c’est incontestablement Alexandre III qui passa le plus de temps à Gatchina qui était devenu son palais de prédilection. Ses séjours duraient toute « la belle saison », d’avril à Octobre, date à laquelle il regagnait le palais Antichkov de St Petersbourg. Ce palais correspondait à son mode de vie discret, lui qui n’aimait pas la vie de cour contrairement à son épouse.
Francess
3 mai 2018 @ 17:20
Okay! ce palais ne m’éblouit pas plus qu’un autre mais je suis quand même tentée, de faire un petit tour chez les russes, pour découvrir tous ces beaux palais.
Merci Néoclassique
Patricio
3 mai 2018 @ 17:32
Merci beaucoup
J adore
Amitiés
Patricio
G Lily. May
3 mai 2018 @ 20:04
Très beau reportage, mais je trouve, la salle à manger d’apparat blanche, peu commune à cette époque.
guizmo
3 mai 2018 @ 21:31
Merci beaucoup pour cette première partie très intéressante. J’attends la suite avec impatience.
Caroline
3 mai 2018 @ 23:14
Néoclassique,
Merci beaucoup pour votre article bien documenté avec de nombreuses belles photos!
Le palais de Gatchina est certainement une des merveilles du patrimoine russe ! ??
Pascal
4 mai 2018 @ 11:27
Voici le reportage tant attendu !
Et tout cela est magnifique , je ne m’attendais pas à tant de splendeurs pour ce qui était la résidence favorite du tsar Alexandre III et de son épouse .
Un très grand merci à Néoclassique.
La question que je me pose vis à vis de certaines photos et aquarelles est de savoir si les pièces représentées sont encore aujourd’hui dans le même état et si les tableaux apportés de l’Ermitage pour Paul 1er sont restés à Gatchina ?
neoclassique
4 mai 2018 @ 15:06
Merci, cher Pascal, de votre post.
J’ai écrit cet article en partie à votre intention.
Hélas non, la plus grandes parties des appartements privés a été détruite par la 2e guerre. Hormis le vestibule d’entrée plus rien ne subsiste. Des projets de restauration sont, je crois, en discussion. Mais la priorité va à la restauration des grands appartements avec notamment les 2 grandes galeries en hémicycle.
Pour ce qui est des tableaux venant de l’Ermitage, ils ont tous fait retour au musée. De même, de nombreuses pièces de mobilier de Gatchina ont servi au ré-ameublement de Tsarkoie Sélo et Pavlovsk pour compenser les nombreuses disparitions ou les vols de la 2e guerre dans ces deux palais. Gatchina n’a pas été considéré comme un palais dont la restauration était prioritaire et de ce fait, il fait, hélas, un peu figure de parent pauvre car il a, hélas, parfois servi de réserve dans laquelle les conservateurs se sont servis.
Pascal
5 mai 2018 @ 11:34
Néoclassique
Merci de votre réponse et de votre attention .
On trouve peu de photos de ce palais hormis l’extérieur et le lac , c’est pourquoi je vous suis très reconnaissant d’avoir comblé cette lacune.
Tous les palais que vous nous avez présentés sont ou étaient regorgeant de splendeurs mais je trouve à celui-ci un charme particulier.
Est-ce parce qu’il aurait toujours été une résidence plus privée et plus aimée que les autres ?
Au moins jusqu’à Alexandre III et son épouse .
Corsica
4 mai 2018 @ 16:21
Catherine II pouvait être très généreuse avec son bel amant et elle le fut. C’est quand même lui et ses frères qui l’ont providentiellement débarrassée de son encombrant tsar d’époux, lui offrant du même coup le trône et l’occasion de devenir pour l’Histoire, Catherine la Grande. La salle blanche est une pure merveille. Merci Néoclassique.
bianca
5 mai 2018 @ 14:23
Merci Néoclassique, passionnée par l’Histoire de la Russie car je vivais lors de ma jeunesse avec un voisinage de Russes Blancs, bien qu’âgées ces personnes étaient d’une grande délicatesse envers la jeune fille que j’étais, des personnes remarquables de courtoisie, je leur garde beaucoup d’admiration et d’estime ! Je pense toujours avoir eu beaucoup de chance !