Au cœur de Saint Pétersbourg, à la confluence du canal de la Moïka et de celui de la Fontanka, un imposant édifice aux allures de forteresse surprend le visiteur par le caractère inattendu de son architecture. Isolé au milieu de la ville, le château Saint Michel, puisque tel est son nom,fait davantage penser à une forteresse qu’à un palais. L’origine de l’édifice est singulière.
En effet, à cet emplacement, s’élevait autrefois un gracieux palais d’été entouré de jardins dans le goût français construit occupé par l’impératrice Elisabeth. Or, selon la tradition, à la fin du XVIIIe, l’archange Saint Michel serait apparu apparait à un soldat en faction de nuit au palais et aurait ordonné au nouvel empereur Paul 1er(1854-1801) qui, en 1796, venait de monter sur le trône de Russie, de bâtir en ce lieu une église placée sous le vocable de Saint Michel.
Dès l’année suivante, Paul 1er , crédule et superstitieux et qui, par ailleurs, n’appréciait pas le gigantisme du palais d’Hiver que sa mère avait transformé, entreprend la destruction de l’ancien palais d’été et confie à Vincenzo Brenna, son architecte préféré, la construction d’un imposant palais dédié à Saint Michel.
Brenna engage alors plus de 10 000 ouvriers pour travailler sur un chantier qui va durer 5 ans, de 1797 à 1801. La situation de l’édifice tout autant que sa forme sont surprenantes et reflètent intimement la personnalité du commanditaire qu’est Paul 1er.
Le bâtiment est, en effet, construit sur une plateforme quadrangulaire volontairement isolée du reste de la ville par des douves que constituent les eaux de la Fontanka et de la Moïka, et deux canaux spécialement creusés, le canal de l’Eglise et le canal de la Résurrection.
D’une nature méfiante confinant à la crainte paranoïaque d’être assassiné, le nouvel empereur a, en effet,demandé à son architecte la construction d’un palais fortifié d’allure militaire, accessible uniquement par 4 pont-levis enjambant chacun des canaux et comportant des angles arrondis afin d’assurer une surveillance de l’édifice sur 360°. De plus, en cas d’assaut, Paul 1erdemande également l’aménagement d’un passage secret afin de lui permettre de s’enfuir jusqu’au Champ de Mars tout proche.
Typiques du goût de Brenna, les 4 façades, de longueur égale, enduites d’une chaux de couleur rose-ocre, percées de sobres ouvertures et couvertes de toits en cuivre vert-de-gris, sont influencées par un profond classicisme. Toutefois, elles marquent toutes leurs différences par des avant-corps ou des ressauts, notamment celle,en forte saillie et dominée par une haute flèche d’or, qui abrite l’église du palais dédiée à l’archange Saint Michel.
Pour la consécration officielle qui a lieu le 8 novembre 1800, fête de la saint Michel dans le calendrier julien, Paul 1erdemande que soit érigée face à cette entrée monumentale de l’édifice une statue équestre de Pierre le Grand en empereur romain. Coulée du vivant de Pierre Ier, elle n’avait toutefois pas été achevée et Paul 1er fait orner son piédestal de bas-reliefs commémorant les victoires russes contre la Suède pendant la Guerre du Nord. Il y fait graver l’immodeste dédicace suivante : « Du magnanime petit-fils au magnanime grand-père ».
Ce n’est toutefois qu’un an plus tard, le 13 février 1801, à l’achèvement des travaux, que Paul 1erprend possession de son nouveau palais forteresse. Les intérieurs sont somptueusement rehaussés de pilastres de marbre, de plafonds à caissons, de trophées militaires en trompe l’œil tandis que les parquets s’ornent de marqueteries géométriques de bois dans le plus pur esprit néoclassique. L’édifice a été remarquablement meublé avec toutes les collections de mobilier et objets d’art que l’empereur a fait saisir dans les palais de Tauride et Anitchkov, tous deux propriétés d’un des plus fameux amants de sa mère, le prince Potemkine.
Mais l’empereur ne jouira que peu de temps de sa nouvelle résidence. En effet, à peine quarante jours après avoir emménagé, une conjuration d’officiers réussit à envahir le palais pour contraindre le souverain à abdiquer le trône de Russie. Devant son refus ferme, il est alors transpercé d’un coup d’épée et étranglé le 23 mars 1801 dans sa chambre à coucher. Marqué par ce tragique évènement, le château Saint Michel est alors définitivement délaissé par la famille impériale.
Après vingt ans d’abandon, il est donné, en 1823, par le grand-duc Nicolas, fils cadet de l’empereur défunt et futur empereur Nicolas 1er(1796-1855),pour y abriter une académie militaire, dénommée Académie du Génie Nicolas. Les intérieurs sont alors modifiés pour l’adapter à sa nouvelle affectation. Dès lors, l’édifice prend le nom de Château des Ingénieurs. C’est là que, pendant plus d’un siècle, jusqu’en 1932, seront formés plusieurs générations d’élèves-officiers, dits cadets, du génie militaire.
Le château des Ingénieurs est ensuite affecté au musée russe voisin logé dans l’immense palais du grand-duc Michel (1798-1849),dernier fils de Paul 1er. Après disparition des aménagements effectués pendant l’occupation militaire, l’édifice fera l’objet d’une méticuleuse restauration des grands appartements, restauration qui ne sera achevée qu’en 2003 qui lui permettra de retrouver ses volumes initiaux. (merci à Néoclassique pour cette première partie)
Bambou
4 janvier 2018 @ 05:53
St Pétersbourg, ville absolument magnifique… Je la préfère en hiver.
milou
4 janvier 2018 @ 06:31
Cette ville est époustouflante de châteaux semblables à des gâteaux en sucre!
C’est somptueux, magnifique!
Merci Néoclassique de nous, de m’y replonger !
ml
Carole 007
5 janvier 2018 @ 00:36
Jolie comparaison, les gâteaux en sucre.
corentine
4 janvier 2018 @ 08:19
merci beaucoup Neoclassique, très intéressant
le toit vert , c’est assez surprenant
Ghislaine-Perrynn
4 janvier 2018 @ 09:48
Néoclassique , je vous souhaite le meilleur pour cette nouvelle année et suis ravie de suivre vos sujets sur la Russie .
CAROLINE VM
4 janvier 2018 @ 10:51
Merci Néoclassique : article passionnant et très belles images !
Danielle.
4 janvier 2018 @ 11:15
Encore un superbe site, merci Néoclassique.
Les 1ère et dernière photos sont superbes.
Danielle.
4 janvier 2018 @ 11:17
mea culpa pour la répétition !!
Pierre-Yves
4 janvier 2018 @ 11:38
De Saint Petersbourg, je garde le souvenir du contraste entre la couleur des édifices du quartier historique et la grisaille rude des quartiers périphériques, où habitent la plupart des Pétersbourgeois.
Ces couleurs, surtout lorsqu’elles miroitent sous le soleil, sont réellement magnifiques, comme on peut s’en rendre compte sur les photos qui accompagnent l’article très intérerssant proposé par Néoclassique, que je remercie.
PS: On a pu voir pendant les fêtes, sur la télé publique française, une version de Guerre et Paix, produite et tournée par la BBC, qui n’était pas mal du tout.
Ghislaine-Perrynn
4 janvier 2018 @ 15:47
Effectivement Pierre-Yves j’ai trouvé cette version de la BBC très recherchée intéressante .
Peu de temps, après j’ai revu Anna Karénine .
Gauthier
4 janvier 2018 @ 17:08
En effet cher Pierre-Yves, la version de Guerre et Paix que vous évoquez était superbe. La BBC a toujorus mis les moyens nécessaires pour servir les grands auteurs, ce que ne fait pas toujours France Télévisions.
milou
4 janvier 2018 @ 17:20
Totalement de votre avis Pierre-Yves sur St Petersbourg…et sur l’excellente surprise de cette version de Guerre et Paix, en effet, où l’on y voit de magnifiques vues de St Petersbourg!
ml
Pascal
4 janvier 2018 @ 11:58
Merci!
Aurons nous aussi la joie d’un article sur Gatchina ou l’ai-je manqué ?
neoclassique
4 janvier 2018 @ 16:00
Non, rassurez-vous, vous n’avez pas manqué l’article sur Gatchina. Il est prévu pour mars.
Le prochain article est sur Pavlovsk. Il comportera 3 parties illustrées par 40 photos.
Jakob van Rijsel
4 janvier 2018 @ 12:37
Merci Néoclassique
Bonne année à tous
JvR
Zorro
4 janvier 2018 @ 13:12
La Russie investit dans son passé pour préserver son avenir.
Mary
4 janvier 2018 @ 13:36
Paul Ier était fou,capable d’ordonner à un régiment qui n’avait pas entendu un de ses ordres ( à cause du vent ) : » En Sibérie ! En avant , marche ! »
Sa femme ,sa maîtresse et Dieu sait qui encore , ont dû le supplier quelques jours avant que ce dingo ne revienne à un semblant de raison ! Son assassinat a soulagé le pays !
Il était bien le fils de ce taré de Pierre III !
Jean Pierre
4 janvier 2018 @ 17:06
L’epouse de Paul, Sophie Dorothée, passa son enfance à Monbeliard où elle devint l’amie de la baronne d’Oberkirch qui a laissé un livre de souvenir sur tout ça.
Mary
4 janvier 2018 @ 19:45
Moi,j’ai lu cela dans » histoire des Romanov » de Funk et Nazarevski.
Mayg
4 janvier 2018 @ 13:52
Merci à Néoclassique pour ce reportage.
Erato
4 janvier 2018 @ 14:31
Que les histoires de ces palais sont riches, fascinantes et tragiques sos votre plume! Merci, cher Néoclassique, de rendre si bien l’âme des ces batisses et leurs occupants.
Francky
4 janvier 2018 @ 14:34
Merci Néoclassique pour cet article sur un palais que je ne connaissais pas et qui donne envie d’aller s’y promener…
Savez-vous s’il est ouvert à la visite ?
Bien cordialement. Francky
neoclassique
4 janvier 2018 @ 16:01
merci cher Francky, de votre mot. Oui le château St Michel se visite avec le musée Russe dont il constitue l’annexe. Vous verrez tout cela dans la suite publiée demain.
Alinéas
4 janvier 2018 @ 15:29
Magnifique.. On peut apprécier les couleurs verte et ocre superbement harmonisées..!
Trianon
4 janvier 2018 @ 18:27
splendide! j’adore ce toit vert!
merci beaucoup et bonne année
Kaloutine
4 janvier 2018 @ 19:21
Néoclassique, grand merci pour ce reportage.
JAusten
4 janvier 2018 @ 21:09
oh un reportage tout droit venu de la Russie. C’est un château que je ne connaissais effectivement pas. Il n’y a que dans ces contrées que les couleurs rose et vert vont bien ensemble.
Merci Neoclassique, et tous mes meilleurs voeux pour 2018
Marie1
4 janvier 2018 @ 21:36
Merci Néoclassique pour cet article, très intéressant.
guizmo
4 janvier 2018 @ 22:17
Merci beaucoup pour cet article. Cela donne envie d’aller visiter saint Pétersbourg. Le toit vert est étonnant.
Francois
4 janvier 2018 @ 23:55
J’aime ces toits colorés
Toujours les contrastes russes
Le chaud le tres froid etc
Le reflet de l’âme russe
Et cette sorte de tourment que l’on ressent
Carole 007
5 janvier 2018 @ 10:19
Vos articles sont toujours interressants et très agréables à lire, Néoclassique. Merci.
Silvia
13 mars 2018 @ 09:16
Merci néoclassique,reportage interessant