A quelques kilomètres de l’immense palais baroque de Tsarkoie Selo, couronné par une large coupole aplatie, se dresse le palais de Pavlovsk dont les façades ocre et blanc surprennent par leur élégante sobriété (photo 1).
C’est en 1777, à l’occasion de la naissance de son petit-fils Alexandre, le futur Alexandre 1er (1777-1825), que l’impératrice Catherine II (1729-1796), (photo 2) heureuse de fêter ainsi la pérennité de la dynastie, offre à son fils, le grand-duc héritier Paul Petrovitch (1754-1801), un domaine de chasse vallonné de la couronne impériale d’une superficie de 400ha et traversé par la rivière Slavianska.
En 1781, le grand-duc Paul (1754-1801) (photo 3) entame la construction d’un palais dont il compte faire sa demeure. Elle est confiée à l’architecte écossais Charles Cameron que lui a recommandé sa mère.
Féru de l’art néoclassique italien, ce dernier choisit alors de bâtir un palais sur le modèle des villas palladiennes comportant un pavillon central quadrangulaire sommé d’une coupole aplatie supporté par 64 colonnes et complété de deux ailes basses terminées par deux pavillons (photo 4).
Quelques mois après, le grand-duc et son épouse, Sophie -Dorothée de Wurtemberg qui, après son mariage, a pris le nom de Maria Feodorovna (1859-1828) (photo 5), entreprennent un voyage en Europe qui va durer plus d’un an.
Sous le nom de comte et comtesse du Nord, ils vont notamment séjourner à Versailles où ils seront les hôtes de Louis XVI et Marie-Antoinette qui donneront pour eux une extraordinaire fête de nuit à Trianon en juin 1782 (photo 6).
Le roi de France fait à cette occasion présent au grand-duc d’une suite de quatre tapisseries des Gobelins de la Tenture de don Quichotte tandis que son épouse reçoit un éblouissant service de toilette en Sèvres de 66 pièces décorées de « médaillons antiques sur fond gros bleu » et dont le miroir est surmonté d’un aigle bicéphale doré (photo 7).
Passionnés par l’art français, le couple va alors multiplier les achats chez les meilleurs artisans parisiens. Des meubles de marqueterie chez l’ébéniste David Roentgen, plus de 200 sièges commandés au menuisier Georges Jacob, quatre grandes toiles d’Hubert Robert, des tentures de soieries de Lyon en grand nombre, des tapisseries des manufactures des Gobelins et de Beauvais, des pendules de bronze doré et des porcelaines de Sèvres vont alors être achetés ou commandés en France et prendre ensuite la route de la Russie afin de meubler leur nouvelle demeure. Le couple princier va ainsi se constituer la plus grande collection de mobilier français en Europe.
A leur retour en Russie, ils trouvent un parc déjà largement transformé par la main de Cameron avec une large allée de tilleuls conduisant à l’édifice (photo 8) et de nombreuses fabriques dans le parc : le temple de l’Amitié, la colonnade d’Apollon, la volière, le pont de bois (photo 9).
Cependant des tensions entre Paul 1er et Cameron apparaissent progressivement. Le grand-duc reproche à son architecte ses choix artistiques qui lui rappellent trop le goût de cette mère qu’il n’aime pas.
Aussi lorsque, en 1796, il monte sur le trône de Russie (photo 10), il décide d’évincer Cameron au profit de l’architecte florentin Vincenzo Brenna arrivé quelques années auparavant en Russie. Il demande aussitôt à ce dernier de reprendre les décors dans l’esprit de ce classicisme romain sobre qu’il affectionne et d’agrandir l’édifice en lui donnant les dimensions d’une demeure désormais impériale.
Les deux ailes initiales sont alors surélevées et complétées par deux ailes en hémicycle qui viennent comme fermer la cour d’honneur (photo 11). Dès lors, le nouvel empereur donne officiellement au nouveau palais son nom en le baptisant Pavlovsk.
Les travaux d’aménagement tant du palais que du parc vont alors se poursuivre à grands pas sous la surveillance étroite qu’exercent les nouveaux souverains.
Les appartements d’état seront décorés d’une multitude de frises, de rosaces et de trophées militaires en stuc dans ce goût si cher au nouvel empereur.
Tous deux vont s’inspirer notamment du goût de Marie-Antoinette à Versailles et à Trianon pour aménager tant les appartements intérieurs du palais que le parc anglais au milieu duquel serpente la rivière Slavianka (photo 12).
De nombreuses fabriques vont voir le jour dont la plus gracieuse est le Pavillon des Roses (photo 13) qui est inauguré en 1814 pour saluer le retour d’Alexandre 1er vainqueur de Napoléon 1er.
Mais Paul 1er ne profitera que très peu de son nouveau palais. En effet, le 23 mars 1801, victime d’une conspiration, il est assassiné au château St Michel. Inconsolable, l’impératrice Maria Feodorovna, désormais douairière, va dès lors poursuivre l’œuvre de cet époux tendrement aimé, un époux qui lui avait donné dix enfants (photo 14).
C’est dans le souvenir de cet époux fidèlement aimé qu’elle va achever la décoration des salons du palais avec l’aide de deux autres architectes, l’italien Carlo Rossi et le russe Andreï Voronykhine.
Passionnée par la littérature, elle se fait aménager une immense bibliothèque aux boiseries en loupe d’érable qui contiendra plus de 20 000 ouvrages (photo 15). (Merci à Néoclassique pour cette première partie)
marie francois
7 février 2018 @ 10:09
Splendide !
Dagobert 1er
7 février 2018 @ 23:22
le père de Michel de Grèce y passait ses vacances… Il me semble me souvenir qu’il y était né!
Gérard
10 février 2018 @ 12:52
Certes, sa mère Olga de Russie était la petite-fille de Nicolas Ier et elle était demeurée très attachée à la Russie où son fils Christophe naquit pendant l’été.
Pauline
7 février 2018 @ 10:44
Merci pour cet article, car je garde un souvenir d’élégance et de raffinement de ce lieu.
Cosmo
7 février 2018 @ 10:53
L’architecture russe, que ce soient palais ou églises, est époustouflante. Merci à Néoclassique de nous le prouver.
Il faut lire l’intéressant récit que fait la baronne d’Oberkirch du voyage en France du couple alors grand-ducal, appelé comte et comtesse du Nord.
Parella
7 février 2018 @ 11:20
Bravo ! pour ce brillant article. Une petite remarque cependant, à propos du miroir offert par Louis XVI et Marie-Antoinette à Maria Feodorovna. L’aigle qui se situe au sommet de ce miroir supporte habituellement les armoiries impériales de Russie et, dans la langue héraldique, l’aigle…est toujours féminine ! On parle donc d’ « une aigle » et non pas d’un aigle.
Danielle.
7 février 2018 @ 12:11
Merci Néoclassique, de très bons souvenirs pour moi.
Mayg
7 février 2018 @ 12:57
Merci Néoclassique pour ce reportage.
Ceci étant dit, on ne peut pas dire que Paul 1 er était un bel homme…
Pierre-Yves
7 février 2018 @ 16:24
Il avait les joues très roses et n’aimait pas sa maman, qui lui a néanmoins offert un beau domaine.
Mais il a fait beaucoup d’enfants à sa femme, et était féru de goût français, ce qui est un bon point pour lui.
Et tout deux se sont fait construire un somptueux palace dont on est content d’avoir un aperçu grâce au reportage de Néoclassique.
Cosmo
7 février 2018 @ 21:35
On peut dire avec certitude qu’il était Anhalt-Zerbst…pour le reste de son ascendance, c’est mystère et boule de gomme. Le plus amusant est qu’en 1913, on a fêté les 300ans des Romanov, qui avaient perdu ce nom officiellement en 1728 et officieusement en 1754. Cela ne l’a pas empêché de faire construire cette magnifique demeure.
Patricio
7 février 2018 @ 13:07
Superbe merci Neoclassique
Amitié
Patricio
Philippe
7 février 2018 @ 13:28
Superbe, et très intéressant.
Mais, à titre personnel, rien ne me fera néanmoins changer d’avis au sujet des russes … dont je me méfie comme de la peste.
ML
10 février 2018 @ 19:52
S’il n’y avait qu’eux dont il faudrait se méfier !
Mary
7 février 2018 @ 13:46
Magnifique endroit ! Merci Néoclassique.
Laurent F
7 février 2018 @ 14:21
C’est à Pavlovsk que fut jouée la première fois en 1864 la valse de Johan Strauss fils « aus den Bergen »
Bertrand de Rimouski ( Canada )
7 février 2018 @ 15:23
Le chic Russe m’impressionne toujours !
Wally
7 février 2018 @ 16:32
Palais malheureusement incendié par les nazis lors de leur déroute et reconstruit par les soviétiques
Anna1
7 février 2018 @ 16:37
Merci et vivement la suite
Jakob van Rijsel
7 février 2018 @ 16:51
Très intéressant et très bien illustré.
Merci.
Impatient de lire la suite.
ciboulette
7 février 2018 @ 17:49
Voici un article passionnant , merci , Néoclassique .
Je trouve le palais et les jardins magnifiques .Paul 1er a été un souverain décrié , mais je dois reconnaître que ce domaine est une réussite ( style du palais , jardins à l’anglaise …) .Sur la photo 5 , la robe de Maria Féodorovna est une splendeur !
J’attends la suite avec impatience , merci pour cette belle visite !
ciboulette
7 février 2018 @ 17:50
J’ai oublié d’ajouter mon admiration devant le nécessaire de toilette offert à la grande-duchesse .
Pascal
7 février 2018 @ 18:01
Magnifique reportage .
N’est-ce pas à Pavlovsk que fut abrité l’Ordre de Malte quand Paul 1er en fut nommé grand maître ?
Gérard
13 février 2018 @ 11:56
En ce qui concerne l’Ordre de Malte à Saint-Pétersbourg, l’empereur Paul Ier en décembre 1797 donna à l’ambassadeur de Malte le palais du comte d’Ostermann, qui avait été le vice-chancelier de l’impératrice Élisabeth Ière. Ce palais servit également pour le chapitre du nouveau grand prieuré et il y fut construit en 1800 une chapelle catholique, la Nativité de Saint Jean Baptiste, par l’architecte Giacomo Quarenghi. Ce palais était le palais Vorontsov, il fut l’École des pages et aujourd’hui est l’École militaire Souvorov au 26 rue Sadovaïa presque à l’angle de la rue Lomonosova. Par la suite Quarenghi construisit également une chapelle orthodoxe au premier étage qui est aujourd’hui la bibliothèque des officiers de l’École Souvorov.
Ce palais avait été celui du chancelier de l’Empire, Mikhaïl Illarionovitch comte Vorontsov, qui avait été reconstruit par Rastrelli entre 1749 et 1757, en 1763 le comte le vendit à la cour.
À Gatchina où il vivait le plus souvent le tsar Paul fit construire par Nikolaï Lvov au bout du lac le Priorat, c’est-à-dire le prieuré des chevaliers, dans lequel on conservait un morceau de la Vraie Croix, l’icône de la Mère de Dieu de Philerme, protectrice des chevaliers de Malte, et la main de saint Jean Baptiste. Ces reliques furent transférées en 1801 au Palais d’Hiver. Après les tribulations de la famille impériale l’icône a été retrouvée en 1996 dans le monastère monténégrin de Cetinje et se trouve actuellement au Musée national du Monténégro, l’ancien palais royal à Cetinje.
À Pavlosk en effet l’empereur avait fait installer la salle des chevaliers et la chapelle à côté de la salle du trône. Il aimait beaucoup s’y rendre.
JAusten
7 février 2018 @ 19:46
Sublime iconographie. Magnifique château surement pas simple à meubler.
Merci
Alinéas
7 février 2018 @ 20:07
Merci beaucoup pour ce reportage très bien détaillé et imagé.. Superbe la dernière photo..!
Trianon
7 février 2018 @ 20:56
magnifique!
merci beaucoup
Lidia
8 février 2018 @ 05:22
Quelle splendeur ! La cour tsariste ne cédait en rien aux cours royales européennes !
milou
8 février 2018 @ 06:27
Merci Neoclassique pour vos toujours si intéressants posts…!
Vous contribuez à ne pas me faire oublier ce pays!
ml
Corsica
9 février 2018 @ 11:03
Merci Néoclassique pour cet article est sa riche iconographie. J’ai un faible pour la bibliothèque, ses ouvertures et ses grandes tables.