Après la révolution de 1918 et la déchéance de la dynastie des Habsbourg, le Palais Royal devint le siège du nouveau régent du Royaume de Hongrie, Miklós Horthy. Horthy a vécu dans l’aile Krisztinaváros avec sa famille entre les années 1920 et 1944.
À cette époque, le palais (ici en 1938) était le centre de la vie politique et sociale hongroise. Parmi les invités célèbres reçus par Horthy dans le palais figuraient le roi Victor Emmanuel III d’Italie en 1937 et le cardinal Eugenio Pacelli (futur pape Pie XII) en 1938.
Le 16 octobre 1944, un commando allemand nazi, dirigé par Otto Skorzeny, occupa le palais royal et força le régent à abdiquer. Le château de Buda était le dernier bastion majeur de Budapest détenu par les forces de l’Axe pendant le siège de Budapest entre le 29 décembre 1944 et le 13 février 1945.
Les forces allemandes et hongroises défendant le château ont tenté de briser le blocus soviétique le 11 février 1945, mais ont échoué.
Apparemment, l’Armée rouge soviétique était au courant de leurs plans et avait braqué des armes lourdes sur les voies d’évacuation possibles quelques heures plus tôt. Ceci est considéré comme l’un des plus grands désastres de l’histoire militaire hongroise.
Des ruines en 1946
De violents combats et des tirs d’artillerie ont fait du palais un monceau de ruines. Les meubles ont disparu, les toits et les voûtes se sont effondrés et les ailes sud et ouest ont été incendiées. La destruction était comparable à celle du grand siège de 1686.
Immédiatement après la guerre, des recherches archéologiques ont été entreprises afin de mettre au jour les vestiges du château médiéval. Les anciens escaliers, pavillons et verrières des jardins royaux, qui dataient du début du XXe siècle, ont dû être démolis. Des parties importantes de l’ancien palais de Sigismond et Matthias avaient survécu sous l’épaisse remblais de terre.
Le premier plan de reconstruction des vestiges médiévaux a été rédigé en 1950 et finalisé en 1952. Les travaux de reconstruction ont été achevés en 1966. Contrairement aux principes généralement admis de la reconstruction historique, le système de fortification médiéval a été entièrement reconstruit.
L’aile sud basse du palais gothique a également été reconstruite, ainsi que la salle gothique voûtée et l’église basse de l’ancienne chapelle royale. Des jardins de style médiéval ont été plantés.
En 1952, le gouvernement hongrois a demandé l’aide de la Pologne, car ils avaient reconstruit avec succès Varsovie et, en fait, d’autres villes. Une délégation d’experts polonais, conduite par l’historien de l’architecture Jan Zachwatowicz, a proposé la reconstruction du palais de François-Joseph.
Au cours des années 1950, le palais a été vidé et tout l’intérieur restant, y compris les chambres et les salles qui n’étaient pas endommagées, a été détruit. Des détails extérieurs importants, tels que l’entrée principale, les marches des Habsbourg, le dôme, les écuries royales, le corps de garde et le manège ont été démolis et les façades restantes ont été simplifiées.
Les escaliers d’honneur on été démolis. Le portail de l’église du château a disparu, ainsi que la chapelle. Les toits détaillés néo-baroques ont été simplifiés et de nouvelles fenêtres simples ont été installées. Le groupe de sculptures allégoriques du tympan a été détruit.
En 1956
Selon des photos contemporaines, tous les intérieurs importants étaient dans un état endommagé, mais leur reconstruction était techniquement possible. Le nouveau gouvernement communiste de Hongrie considérait le Palais Royal comme un symbole de l’ancien régime.
Par conséquent, les dirigeants hongrois ont choisi de moderniser en profondeur l’intérieur et l’extérieur du palais. Les tendances architecturales ont joué un rôle dans la décision, car les architectes modernistes avaient condamné le style François-Joeph comme « trop orné ».
La reconstruction à grande échelle des fortifications médiévales a considérablement modifié le paysage urbain de Budapest. À l’époque, il était considéré comme un projet très réussi, conciliant authenticité historique et exigences urbanistiques.
Le dôme moderniste a été conçu en 1961, inspiré de façon lointaine par les dômes baroques italiens. De grandes quantités d’œuvres d’art et de sculptures à l’extérieur et presque tout l’intérieur qui ont survécu à la guerre ont été intentionnellement détruites lors de la reconstruction d’après-guerre.
Dans le même temps, cependant, les éléments médiévaux, découverts ont été reconstruits dans ce que l’on pensait être leur apparence. Aucun dessin précis n’existait des éléments médiévaux, donc une reconstruction approximative de leur apparence a été faite.
Le dôme revisité
L’intérieur aujourd’hui
Si la coquille fut prête dès 1966, les espaces intérieurs ne furent aménagés qu’en 1980, dans le plus pur style impersonnel soviétique.
Il reste malgré tout quelques vestiges/pastiches de l’architecture passée.
Le château de Buda est devenu un centre culturel, abritant trois musées et la Bibliothèque nationale Széchényi.
Mais il ne reste rien de son ancienne splendeur.
Les volumes ayant été respectés, seules les façades grandioses donnent une idée de ce qu’il avait été avant la guerre. De jour comme de nuit. (Un grand merci à Patrick Germain pour ce récit)
Régine ⋅ Actualité 2021, Autriche, Châteaux, Hongrie 33 Comments
Pistounette
1 septembre 2021 @ 05:47
Merci pour ce passionnant reportage, qui me donne encore davantage envie de visiter Budapest… et la Hongrie, à l’Histoire contemporaine tellement chahutée.
Robespierre
1 septembre 2021 @ 06:42
Drôle d’histoire ! Et drôles d’avatars ! Faire de cet endroit un centre culturel avec musées et bibliothèque était la meilleure solution.
marie francois
1 septembre 2021 @ 08:06
Suberbe reportage.
Si j’ai bien compris, depuis des siecles , le palais de Buda n’a pas cessé d’etre detruit et reconstruit. Ce qu’on fait les communistes n’a donc été que la succession de ce qui a été fait précédemment ie reconstruction au gout de l’époque …
Corsica
2 septembre 2021 @ 08:07
marie francois, si vous le permettez, je fais mien votre commentaire car il résume ma pensée et un très grand merci à Cosmo pour cette série de qualité qui comme toujours est le résultat d’un travail fouillé notamment au niveau iconographique.
Vitabel
1 septembre 2021 @ 08:27
Finalement l’histoire de ce palais et assez triste.
DEB
1 septembre 2021 @ 09:34
Très bien décrit et photos intéressantes.
Encore merci.
Gilles de Bise
1 septembre 2021 @ 09:43
Pour l’avoir contourné plusieurs fois, je n’étais jamais entré dans cet édifice, ni n’en connaissais son histoire, pour le moins mouvementée. Je tiens donc à remercier très sincèrement Patrick Germain de ce récit. Les photos nous apportent aussi leurs commentaires!
luigi
1 septembre 2021 @ 09:50
Passionnant, vraiment, merci Cosmo.
JAusten
1 septembre 2021 @ 10:20
rho lala ! les photos du palais bombardé sont d’une tristesse ! Maintenant c’est magnifique.
la dernière photo a dû être prise de la colline du palais
Ciboulette
1 septembre 2021 @ 10:29
Il a connu bien des mésaventures et des malheurs , ce palais et , certes , il n’a plus sa splendeur d’autrefois .Il est tout à fait regrettable que l’on ait sciemment brisé des oeuvres d’art .
Cependant , tel qu’il est présenté de nos jours , il conserve une certaine grandeur et donne envie de le visiter .
Encore merci , Cosmo , pour ce travail de style si agréable à lire , et pour les photographies , cartes et portraits .
Pascal
1 septembre 2021 @ 10:33
Bravó kedves Patrick ezekért a részletekben bővelkedő cikkekért
Bravo cher Patrick pour ces articles fourmillant de détails
Je traduis avec Google!!!
Jean Pierre
1 septembre 2021 @ 11:33
Au final, un palimpseste ou un bel écrin vide ?
teddy
1 septembre 2021 @ 21:20
comme le palais de berlin qui est une coquille vide!
Caroline
1 septembre 2021 @ 11:53
Un grand merci à Cosmo ou Patrick Germain!
Bravo pour son talent d’ historien ! 👍
Mary
1 septembre 2021 @ 12:04
Quel travail et que de découvertes ! Merci !
Aldona
1 septembre 2021 @ 13:35
Un château qui a connu une histoire bien mouvementée, belle idée pour en avoir fait musées et bibliothèque, de belles photos pour imager le récit. Un grand merci pour ce sujet passionnant
Mayg
1 septembre 2021 @ 13:38
Merci pour ce reportage.
JAY
1 septembre 2021 @ 14:22
Presque incroyable qu il n est pas été totalement détruit au lendemain de la guerre quand on constate son état !
JE
1 septembre 2021 @ 15:28
Grands mercis pour ce superbe reportage.
Carole 007
1 septembre 2021 @ 16:32
Merci Cosmo, je n’ai pas encore commencé la « saison 1 » 😉, mais vous ne perdez rien attendre… 😋
Trianon
1 septembre 2021 @ 18:08
Merci ,Cosmo, ´
Vos reportages sont toujours très documentés ,illustrés , et narrés de façon très agréable .
HRC
1 septembre 2021 @ 21:44
« tenté de briser le blocus soviétique en février 1945 »
…….
HRC
1 septembre 2021 @ 21:47
Je vois de quel corps ils étaient, mais à ce niveau là, paix à leurs âmes.
Beque
1 septembre 2021 @ 22:04
Cosmo, merci pour ce chapitre final de l’histoire du Palais Royal de Budapest. Il est donc devenu, en partie, un centre culturel avec des expositions.
Je voudrais vous poser une question puisque vous connaissez bien les Habsbourg. Mon arrière-grand’père avait fondé une distillerie de cognac près d’Arad (actuellement en Roumanie comme vous le savez) et il comptait parmi ses clients l’archiduc Josef. Il écrit à sa femme, le 22 août 1893 : «Tous les journaux ont raconté dernièrement que l’archiduc Josef s’est blessé à la main en ouvrant une bouteille de cognac de Vilàgos. C’est une assez drôle de réclame. Il vient encore de commander une caisse». Nous pensons dans la famille que cet archiduc a un lien avec Marie-Valérie, fille de Sissi, mais nous n’en sommes pas sûrs. Qu’en pensez-vous ?
Cosmo
7 septembre 2021 @ 06:12
Beque,
Pardon de répondre si tard. Il doit s’agir probablement de l’archiduc Joseph de Habsbourg-Lorraine( 1833-1905) Palatin de Hongrie, ou de son fils Joseph (1872-1962) qui avait épousé la princesse Augusta de Bavière, fille de l’archiduchesse Gisèle, elle-même fille François-Joseph et d’Elisabeth et donc soeur de l’archiduchesse Marie-Valerie.
Il peut s’agir aussi de l’archiduc Joseph-Ferdinand de Habsbourg-Toscane (1872-1942).
Ils ont tous un lien avec l’archiduchesse Marie-Valerie et son mari, l’archiduc François-Salvator.
J’ignorais vos origines de Transylvanie. J’imagine que le nom de Miklós Bánffy doit vous parler.
Bonne semaine
Cosmo
Beque
7 septembre 2021 @ 13:40
Merci beaucoup, Cosmo. Non, en fait mon arrière-grand-père était français (de l’Aveyron). Jeune homme sans fortune mais diplômé, il était parti en Hongrie comme précepteur chez les comtes Kàrolyi, puis avait fondé la distillerie en question, à l’époque en Hongrie. Il avait appelé sa fille (ma grand’mère) Mariska. Celle-ci et ses frère et soeur, enfants, avait pris le même bateau que Sissi sur le lac Leman (la veille de sa mort) et ma grand’mère avait compris ce que Sissi avait dit en hongrois. C’est assez touchant.
Cosmo
8 septembre 2021 @ 12:47
Belle histoire ! Les Kàrolyi était la famille la plus fortunée de Hongrie. 500 000 hectares en 1939. Il ne leur reste rien comme vous le savez.
🇨🇦 Mer Limpide 🌊
1 septembre 2021 @ 22:34
Merci , beaucoup. 👍👏
framboiz 07
2 septembre 2021 @ 00:16
Merci,je regrette le palais, avant les communistes et la guerre !
Kalistéa
2 septembre 2021 @ 10:55
Bravo et merci cher Cosmo pour ce travail . J’avais tout à apprendre sur ce palais. Le vandalisme est de toutes les époques et chaque peuple peut malheureusement se déshonorer en le pratiquant!
HRC
2 septembre 2021 @ 12:47
« désastre militaire » qu’il peuvent attribuer aux armées du 3ème Reich, mais qui vu par des historiens militaires peut être vu comme comme une tentative techniquement remarquable.
Sans nier du tout que les troupes regroupées là par la fuite avaient réprimé et massacré auparavant.
Le genre de comportement qui faisait cauchemarder Eisenhower, et explique les bombardements massifs des villes allemandes.
HRC
3 septembre 2021 @ 16:34
J’ai écrit « explique », pas plus !
Robespierre
2 septembre 2021 @ 13:31
Merci Cosmo pour votre reportage et vos recherches très poussées, votre iconographie, mais ce sujet m’a laissé un goût amer dans la bouche. Je n’aime pas les démolitions.