Le 9 août 1783, la grande-duchesse Alexandra Pavlovna de Russie voit le jour à Tsarskoye Selo. Elle est le troisième enfant et la première fille du tsar Paul I de Russie et de la tsarine, née Sophie Dorothée de Wurtemberg.
La grande-duchesse est très proche de sa sœur la grande-duchesse Elena qui est née un an plus tard. Elle reçoit une éducation en langue russe mais s’exprime aussi couramment en français et allemand. On dit que la jeune fille a une réelle prédisposition pour la musique.
Sa grand-mère l’impératrice Catherine II se met en quête d’un mari. Son choix se porte sur le roi Gustav IV de Suède. Il est né en 1809 et est le fils du roi Gustav III de Suède (1746-1792) et de la reine Sophie, née princesse de Danemark (1746-1813).
Au cours de l’été 1796, le roi de Suède vient en visite en Russie. C’est le coup de foudre avec sa future épouse. Les familles sont aux anges et le roi demande la main de la grande-duchesse Alexandra.
Mais se pose encore le problème de la religion des futurs époux. Le roi Gustav est luthérien tandis que sa fiancée est russe orthodoxe. Catherine II imagine qu’au vu de leurs sentiments et surtout de l’ouverture d’esprit du roi de Suède, sa petite-fille n’aura pas à se convertir.
Mais les négociations entre les deux Cours prennent une tournure inespérée et chacun campe sur ses positions religieuses. Ainsi dans le contrat de mariage qui a été rédigé, il est stipulé que la future reine restera orthodoxe. Mis devant le fait accompli, le roi de Suède rompt son engagement.
Ce sera un terrible camouflet pour Catherine II qui décède deux mois plus tard. La jeune Alexandra voit ses rêves de mariage d’amour s’envoler. Le roi de Suède épousera en 1797 la princesse Frederike de Bade (1781-1826) dont il divorcera en 1812.
En 1799, le tsar Paul I de Russie décide de sceller un rapprochement avec l’Autriche. Il se rend à la Cour impériale de Vienne où il est alors décidé que la grande-duchesse Alexandra épousera l’archiduc Joseph.
L’archiduc Joseph, Anton, Johann, Baptist, palatin de Hongrie est né à Florence en 1776. Il est le fils de l’empereur Léopold II d’Autriche et le frère de l’empereur François II. Il est gouverneur de Hongrie.
Le mariage est célébré le 30 octobre 1799 à Saint-Pétersbourg. La grande-duchesse reste orthodoxe ce qui lui vaudra beaucoup d’inimitiés à la très catholique Cour de Vienne.
Si elle entretient d’excellentes relations avec son beau-frère l’empereur François, ses liens avec sa belle-soeur l’impératrice Marie Thérèse sont bien plus tendus.
L’archiduc Joseph et son épouse vivent au château de Alcsut en Hongrie (il en reste aujourd’hui une façade). Ce n’est pas un mariage heureux, à cela s’ajoute pour la jeune femme une vie assez ostracisée à la Cour où l’on jalouse beaucoup sa grâce et son raffinement.
Le 8 mars 1801 à Buda, l’archiduchesse Alexandra donne naissance à une petite fille prénommée Alexandrine qui décède le jour-même. Alexandra ne lui survit que quelques jours et décède des suites de fortes fièvres le 16 mars. Pour la famille impériale de Russie, c’est une véritable tragédie. Alexandra n’avait que 17 ans. La même semaine, son père le tsar Paul I est assassiné.
Etant restée orthodoxe, Alexandra ne peut être inhumée avec les membres de la famille impériale autrichienne. Son époux décide alors de lui ériger un mausolée. Finalement, sa dépouille est enterrée à Buda en Hongrie avec sa fille.
14 années plus tard, l’archiduc Joseph toujours sans descendance se remarie avec la princesse Hermine de Anhlat qui décède deux ans plus tard. Il contracte une troisième et dernière union avec la duchesse Maria Dorothea de Wurtemberg. Il s’éteint en 1847 et est inhumé au château de Buda.
Anne-Cécile
7 janvier 2016 @ 05:31
L’arrivée d’une princesse pratiquante catholique orthodoxe, richement dotée, fort belle et très instruite ( les petites filles de Catherine II étaient les plus accomplies et belles princesses d’Europe selon les diplomates français d’où la déception de Napoléon Ier qui dut se contente d’une Habsbourg) a en effet cause maints remous à la Cour de Vienne.
Les tribulations de sa dépouille furent choquantes. Car outre le refus de l’enterrer dans un mausolée catholique (pourquoi pas), les Autrichiens refusèrent à son mari puis un premier temps que les Romanov lui érigent de leur poche un mausolée orthodoxe.
jul
7 janvier 2016 @ 06:15
Merci pour ce portrait !!
J’ignorai que la Grande Duchesse Alexandra devait épouser le Roi de Suède. Mais en y réfléchissant bien, je ne suis pas étonné compte tenu du rang de ce souverain en Europe du Nord, les nécessaires liens diplomatiques qu’il fallait entretenir entre la Russie et cette puissance.
Dommage que ce mariage n’ait pas pu se réaliser car le Roi Gustave IV était un monarque courageux, un vrai ami pour Louis XVIII, le Comte d’Artois, le Prince de Condé et le Duc de Bourbon qui luttaient contre Bonaparte. Chateaubriand a dit du bien de ce monarque, de son attitude au moment de l’assassinat du Duc d’Enghien.
Damien B.
7 janvier 2016 @ 20:16
Je vois avec plaisir Jul que les Mémoires d’Outre-Tombe vous accompagnent.
On en devient vite épris, n’est-ce pas ?
Damien B.
7 janvier 2016 @ 06:51
On peut ajouter que Joseph archiduc palatin, époux de cette princesse russe, deviendra en 1836 le père de Marie-Henriette reine des Belges.
Colson
7 janvier 2016 @ 09:04
Bonjour, si je peux me permettre Gustave IV est né le 1er novembre 1778 et non en 1809.
Pierre-Yves
7 janvier 2016 @ 09:26
C’était une époque où la vie des princesses, et de beaucoup de femmes je suppose, se résumait à peu de choses: un mariage fabriqué, et plus ou moins heureux, un déracinement, une ou deux maternités, la maladie par là-dessus, et rideau.
clementine1
7 janvier 2016 @ 10:19
17 ans mais quelle vie !
MEYER
7 janvier 2016 @ 12:41
Enfants du Tsar Paul 1er de Russie et de sa seconde épouse Sophie Dorothea herzogin (duchesse) von Württemberg, frères et sœurs de la grande-duchesse Alexandra de Russie.
– Les deux filles issues du mariage de son frère aîné l’empereur Alexandre 1er de Russie avec Louise, prinzessin (princesse) von Baden sont décédées à l’âge de 1 et 1 an et demi.
Il a eu près d’une dizaine d’enfants naturels avec 7 dames différentes.
– Son frère Konstantin n’a pas eu de postérité de ses 2 épouses : Juliane, herzogin (duchesse) von Sachsen-Saalfeld-Coburg et Janina, comtesse Grudzinska Knjagina Jowiczska..
– Sa sœur puînée Elena était la 1ère épouse du prince héritier Friedrich Ludwig von Mecklenburg-Schwerin, elle est décédée 2 ans après sa sœur aînée Alexandra, elle approchait ses 19 ans.
– Son autre sœur Maria s’est alliée au Grand-Duc Friedrich von Sachsen-Weimar-Eisenach.
– La suivante, Catherine, convolera avec 2 souverains :
Georg, Herzog (Duc) von Oldenburg.
Wilhelm I, König von Wurttemberg (elle fut la 2ème de ses 3 épouses).
– Sa sœur Olga est morte après un peu plus de 2 années d’existence.
– Anna fut reine des Pays-Bas, après son union avec Willem II, konig (roi) der Nederlander.
– Le 3ème frère d’Alexandra fut le tsar Nicolas 1er de Russie.
– Le dernier enfant de la fratrie, Michel, s’était marié avec Charlotte, prinzessin (princesse) von Württemberg, fille de son cousin germain.
septentrion
7 janvier 2016 @ 12:57
Gustave IV Adolphe (Gustav IV Adolf en suédois) est né le 1er novembre 1778 à Stockholm et mort le 7 février 1837 à Saint-Gall.
(Gustave-Adolphe quitte la Suède en décembre 1809, d’abord pour Copenhague, puis vers le grand-duché de Bade d’où sa femme est originaire. Leurs relations se font plus difficiles, et ils divorcent en 1812. L’ancien roi, désormais connu en tant que « comte de Gottorp » ou « colonel Gustafsson », mène une vie d’errance en Europe, allant de maîtresse en maîtresse. Il meurt dans une taverne de Saint-Gall, en Suisse, alcoolique et sans le sou.)
Caroline
7 janvier 2016 @ 14:24
Pourriez-vous m’expliquer la parenté de l’archiduc Joseph d’Autiriche avec l’empereur François-Joseph 1er d’Autriche, mari de Sissi d’Autriche?
Merci d’avance!
Damien B.
7 janvier 2016 @ 17:15
L’archiduc palatin Joseph (1776-1847) était le grand-oncle paternel de l’empereur François Joseph.
Pourquoi ajouter « mari de Sissi d’Autriche » ? Elle ne s’est jamais appelée de la sorte et l’Empereur est assez illustre que pour devoir préciser l’identité de son épouse.
Bien à vous
Caroline
8 janvier 2016 @ 10:52
Damien B.,merci pour votre réponse!
Jakob van Rijsel
7 janvier 2016 @ 14:50
Les unions Habsbourg Romanov ont été rarissimes, me semble-t-il, sinon limitées à ce seul mariage.
Les difficultés de l’union avec le roi de Suède sont surprenante car les Romanov se sont par ailleurs alliés avec de nombreux princes et princesses Allemands protestants. Sans oublier le mariage d’Anna Pavlovna, propre sœur d’Alexandra, avec le roi des Pays-Bas lui aussi protestant.
JvR
Corsica
7 janvier 2016 @ 16:08
Est-ce la grande duchesse sur le deuxième portrait montrant une enfant ravissante ? Je me pose la question car elle ne semble avoir ni la même ligne de sourcils, ni la forme d’yeux un peu tombants que l’on retrouve sur les autres représentations de la fille de Paul I. Cette jeune femme a eu un triste et funeste destin : victime du manque de tolérance religieuse, elle a vu s’envoler ses rêves d’amour avant de connaître un mariage malheureux et de mourir d’une fièvre puérpérale ! Tout ça, à tout juste 17 ans !
Michèle
8 janvier 2016 @ 18:03
Corsica,
le deuxième portrait est bien celui d Alexandra Pavlovna de Russie, portant le costume traditionnel le kokoshnik avec des perles, coiffure russe et le sarafan, robe droite sans manche.
Cette toile est de 1790, la grande duchesse Alexandra Pavlovna de Russie a donc 14 ans.
Michèle
Ogier le Danois
9 janvier 2016 @ 18:19
La Guerre de Finlande de 1808 – 1809, entre la Suède et la Russie, aurait elle eu lieu si ce mariage serait réalisé ? La Suède n’aurait pas perdu la Finlande, Gustave IV Adolphe n’aurait pas perdu son trône parce qu’il avait perdu la Finlande, la Suède n’aurait pas reçu la Norvège du Danemark en tant que butin et compensation (et pur possible refuge de Bernadotte !), la Norvège n’aurait pas pu se donner la constitution la plus libre de toute l’Europe, la Vieille Finlande (la Carélie, en partie orthodoxe) ne serait pas réuni à la Finlande restée suédoise après la Grande guerre nordique comme geste de l’Empereur-grand-duc à ses nouveaux sujets finlandais et la Finlande n’aurait pas eu sa épopée nationale, « Les Récits de l’enseigne Stål », contenant pas seulement l’hymne nationale, mais aussi la magnifique Marche des Björnebourgiens, le cri de guerre de ces fidèles Finlandais abandonnés par le roi suédois face aux Russes, pour la première fois se trouvant comme une nation propre……
Écoutez: https://www.youtube.com/watch?v=gU_vt57u_5I
(Le réveil national était pareil en Norvège, face à Bernadotte et son allié, la perfide Albion, bloquant tous les ports norvégiens et causant la famine en Norvège, mais en Norvège c’était un réveil, reveillant l’ancien royaume médiéval, mais dans le grand-duché de Finlande c’était un éveil premier, la Finlande n’ayant jamais été une nation unie et indépendante.)
Ogier le Danois
9 janvier 2016 @ 18:51
Corrections:
. et POUR possible refuge de Bernadotte)
« Les récits de l’enseigne Stål » est écrit par Johan Ludvig Runeberg et par default en suédois, language officielle, culturelle et des classes supérieures de la Finlande jusqu’à la dernière moitié du XIX siècle.
Aquarelle representant la Marche des Björnebourgiens, par l’un de grands peintres nationaux finlandais Albert Edelfelt:
https://sv.wikipedia.org/wiki/Bj%C3%B6rneborgarnas_marsch#/media/File:Bj%C3%B6rneborgarnas_marsch,_akvarell_av_Albert_Edelfelt_fr%C3%A5n_1900.jpg
Les fantassins du pauvre intérieur de la Finlande faisaient une très importante partie de la glorieuse armée suèdoise des rois-guerriers Gustave II Adolphe et Charles XII. Ces braves « poika » (fils) « d’une nation, qui ont saigné sur la lande de Narva, sur les sables de la Pologne et sur les collines de Lützen » mais « jamais trahi leur petit pays au nord », comme dit Runeberg dans la Marche des Björnebourgiens, ont donné l’un de mots (« pojke ») pour « garçon » en suédois, tout comme le français, avec « gosse » !
Ogier le Danois
9 janvier 2016 @ 19:15
Il faut préciser que pendant la Guerre de Finlande les Russes sont pénétrés jusqu’en la Suède propre, en la Bothnie occidentale (Norrlande), ont fait d’incursions sur les côtes suédoises (tout comme les vikings suédois il y a mille ans auparavant en Russie !) et même ménacé Stockholm, avec le plus jeune St. Pétersbourg les seules capitales européennes que ne sont jamais occupés.
Ogier le Danois
9 janvier 2016 @ 19:32
C’est une ironie du destin que en lieu de devenir reine-grande-duchesse de la Finlande et de Finlandais parlant une langue finno-ougrienne, Alexandra Pavlovna devenait palatine de sujets hongrois parlant ils aussi une langue finno-ougrienne.
Example:
1,2,3 en finnois: yksi, kaksi, kolme
1,2, 3 en hongrois: egy, kettő, három/harm-
Encore plus symbolique parce que elle est parmi la première génération des Romanoff de naître à Tsarskoïe Selo, ancienne terre fennique (l’Ingrie ou lngermanlande, habités par les Ingriens, petit peuple fennique et orthodoxe, puis colonisé par des colons Finnois protestants envoyés de la Finlande par le roi de Suède). Jusqu’à la Révolution les environs de Tsarskoïe Selo et les autres domaines impériales autour de St. Pétérsbourg étaient en grande partie finnophones ! Certes, Tsarskoïe Selo veut dire « Village du tsar » en russe, mais c’est un rébaptême, l’original était le finnois Saarenkylä – Village à l’Îsle.
Ogier le Danois
9 janvier 2016 @ 20:21
La suivante épouse de l’archiduc Joseph n’était juste princesse d’Anhalt, mais d’Anhalt-Bernbourg-Schaumbourg-Hoym ! Et le mariage avait lieu au château de Schaumbourg sur la Lahn, un peu en amont de Bad Ems, dans le duché de Nassau.
Cette ligne cadette et appanagiste des princes d’Anhalt était, par le côté cognatique, les héritiers du comté de Holzappel, datant de la Guerre de trente ans et ayant la dignité d’immédiateté impériale, mediatisé après le Congrès de Vienne en tant que « Standesherrschaft » dans le cadre du duché de Nassau.
Leur fils l’archiduc Stéphane a trouvé refuge là après la Révolution hrongroise en 1848 et bâti le présent château en style néo-gothique :
https://www.google.no/search?q=schloss+schaumburg&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwit487vtJ3KAhVG1ywKHahnBC8Q_AUIBygB&biw=1366&bih=645
Après sa mort en célibataire en 1867 la ligne palatine hongroise des Habsbourg s’éteint au côté agnatique. Il y avait puis un conflit de succession acharné entre les descendants des sœurs de sa mère Hermine: alors ses cousins le grand-duc d’Oldenbourg et le prince de Waldeck-Pyrmont. Comme toujours il y était question d’égalité d’épouses, mais aussi lointains parents comme les germano-américains barons de Washington étaient impliqués! Les détails peuvent être trouvés à la site Heraldica (site français dédié à l’histoire de royauté), sous le cas Holzappel.
Depuis que le grand duc d’Oldenbourg, qui avait épousé deux sœurs d’Anhalt-Bernbourg-Schaumbourg-Hoym n’avait pas d’héritiers de la sœur aînée, le domaine passa au fils de la sœur seconde, la princesse Emma, mariée au prince de Waldeck-Pyrmont. Il était le père de la princesse Emma devenue la reine Emma des Pays-Bas . Voilà pourquoi la reine Wilhelmina a passé quelque temps au château de Schaumbourg dans sa jeunesse pour récupérer d’une maladie.