Avant le début de la guerre de 1812, Alexandre sacrifie Speranski pour se réconcilier avec l’opposition en l’accusant d’avoir des liens avec Napoléon, d’imprudent et de parvenu, et l’exile à Perm. Ici, Alexandre Ier par Franz Kruger.
L’origine de la guerre patriotique de 1812 est liée à l’ambition de Napoléon d’imposer sa souveraineté en Europe, où seules l’Angleterre et la Russie ont conservé leur indépendance. A partir de 1810, les deux parties ont parfaitement compris qu’un nouvel affrontement est inévitable.
Pour lancer son assaut, Napoléon a rassemblé une importante armée comptant jusqu’à 670000 hommes, bien équipée et aguerrie par les nombreuses campagnes précédentes.
De son côté, la Russie se prépare efficacement depuis 1810, avec des chefs de qualité, dont Mikhaïl Koutouzov (1745-1813), Mikhaïl Barclay de Tolly…
Tous se distinguent par une grande expérience acquise dans les guerres turques et iraniennes, où ils ont fait preuve de courage.
Mikhaïl Koutouzov – Alexander Volkov – 1813
L’armée française qui pénètre en Russie le 12 juin 1812 compte 450.000 hommes, alors que l’armée russe n’en compte que 230.000, répartis en trois armées.
Napoléon a planifié de s’emparer d’une partie significative de la Russie jusqu’à Moscou pour pousser Alexandre à signer un nouveau traité faisant entrer la Russie dans le blocus continental.
La guerre patriotique de 1812 se divise en deux étapes : la première du 12 juin jusqu’à la mi-octobre, c’est la retraite de l’armée russe dans le but d’attirer l’adversaire dans la profondeur du territoire. La seconde, de la mi-octobre au 12 décembre 1812, c’est la contre-offensive de l’armée russe afin de libérer la totalité du territoire de ses occupants
Le 8 août, Alexandre nomme Koutouzov commandant en chef de l’armée.
Le 26 août 1812 se déroule la bataille de Borodino (de la Moskova). C’est un combat sanglant. L’armée de Napoléon mène des attaques frontales sur les positions russes. Les pertes dans les deux camps sont énormes : les Russes perdent 44.000 hommes et les Français 58.000.
La fin de la bataille de Borodino – Vassili Verechtchaguine
Koutouzov prend la décision d’abandonner Moscou où l’armée française entre le 2 septembre 1812. Dans Moscou incendiée, il n’y a plus de réserves de nourriture ni de munitions.
Toutes les tentatives de négociations avec Alexandre ou Koutouzov échouent systématiquement.
L’incendie de Moscou, 15 septembre 1812 – Viktor Mazurovsky
Abandonnant Moscou, Napoléon met son armée en mouvement. C’est la débandade avec le passage de la Berezina les 14 et 17 novembre 1812.
L’ordre du jour de Koutouzov à l’armée le 21 décembre et le manifeste d’Alexandre le 25 décembre célèbrent la fin de la guerre patriotique. C’est l’évènement le plus important de l’histoire russe.
La campagne victorieuse de l’armée russe (1813-1814) commence.
Au cours de cette campagne, Alexandre Ier est avec son armée et souvent se trouve sur le champ de bataille. Lors de l’affrontement près de Lucerne, il est au coeur du combat sous une pluie de balles et, sur le conseil de se réfugier dans un endroit plus éloigné, il répond « Ma balle n’est pas ici ».
Bien que les Français aient pillé les villes russes et incendié Moscou, Paris ne subit aucun saccage : ceci est la version russe, bien sûr !
Barrière de Clichy. Défense de Paris, le 30 mars 1814 – Horace Vernet
Entré dans la capitale française, Alexandre ordonne, le 10 avril 1814, d’effectuer la liturgie des Pâques russes sur le lieu où fut exécuté Louis XVI (Place de la Concorde). Sa clémence touche également l’ancienne impératrice Joséphine et ses enfants.
La collection de tableaux du château de la Malmaison, appartenant à la première épouse de Napoléon, et acquise par Alexandre, va enrichir les trésors de l’Ermitage impérial.
L’Impératrice Joséphine reçoit à la Malmaison la visite du tsar Alexandre Ier et lui recommande ses enfants – Hector Viger
Après les Cent-Jours, au cours desquels Napoléon tente la restauration de l’Empire, l’armée russe occupe de nouveau Paris. Alexandre, cette fois encore, est chaleureusement accueilli par la foule parisienne.
Le 25 avril 1814, le Conseil d’Etat, le Synode et le Cabinet des ministres octroient à Alexandre le titre de « Béni par Dieu ».
En septembre 1814 s’ouvre le Congrès de Vienne qui doit refaire la carte politique de l’Europe et dure jusqu’au 9 juin 1815.
En septembre 1815, Alexandre Ier, l’empereur d’Autriche-Hongrie François et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, signent l’acte de création de la Saint-Alliance.
Congrès de Vienne – Jean-Baptiste Isabey
En 1816, cédant aux demandes d’Araktcheïev, l’empereur nomme Speranski gouverneur de la ville de Penza, puis gouverneur général de Sibérie.
En 1821, Araktcheïev, ami de l’empereur, réussit à le faire revenir à Saint-Pétersbourg, où il entre au Conseil d’Etat.
Alexis Araktcheïev – George Dawe – 1824
Après le 14 décembre 1825, Speranski est nommé membre du Tribunal suprême qui juge les Décembristes et prend une part active à la rédaction du verdict
Speranski consacre la fin de sa vie à la composition du Recueil complet des lois de l’Empire de Russie. Pour cet ouvrage, il est honoré du titre de comte et fait chevalier de l’ordre de Saint-André.
La politique européenne du gouvernement russe a pour objectif d’empêcher la montée des activités révolutionnaires et d’assurer la protection du pays.
Alexandre Ier est encore concerné dans les années 1820 par l’empire ottoman, le soulèvement de la Grèce…
Les dernières décennies du règne d’Alexandre Ier sont dominées en politique extérieure par une tendance conservatrice. Elles sont qualifiées « d’Arakceevscina », du nom de son inspirateur, le comte A.A. Arakcev (1769-1834) : elles visent à renforcer le pouvoir absolu et le servage, le développement de la centralisation, la « purification » des universités, une discipline de fer dans l’armée…
Tous ces évènements, ainsi que les remords de conscience liés au meurtre de son père, influent sur Alexandre qui se plonge dans le mysticisme.
Le 20 octobre 1825, Alexandre part en voyage pour la Crimée. Sa succession ne pose, apparemment, guère de problèmes : puisqu’il n’a pas de fils, son deuxième frère, Nicolas montera sur le trône. En effet, Constantin, l’aîné de ses frères, a épousé une Polonaise qui n’est pas de sang royal… et est aussi recalé pour incapacité. On appelle cette période « l’interrègne »…
Arrivé à Taganrog, Alexandre déclare vouloir y passer l’hiver. L’impératrice Elisabeth est atteinte de tuberculose et les experts pensent que le séjour dans une région méridionale lui serait bénéfique.
Une autre raison l’y pousse : il tient à mûrir dans le calme, loin de la capitale, son besoin d’abdication. Il s’est fixé une date butoir, le 25 décembre 1827, le jour de son cinquantième anniversaire. Il ne lui reste que deux ans pour mettre en ordre ses affaires et celles de l’Etat.
Il fait l’acquisition d’une propriété pour y vivre comme « un simple mortel » : rentré à Taganrog, il s’alite. Le 18 novembre 1825, il sombre dans un semi-coma et expire le lendemain. Deux mois plus tard, son épouse décède et est enterrée à côté de son mari.
« Palais » de Taganrog : en fait modeste demeure mise à la disposition du couple impérial
Alexandre Pavlovitch est inhumé le 13 mars 1826 dans la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul.
Tombeau d’Alexandre (à gauche) et de son épouse (à droite). Celui d’Alexandre serait vide
La mort subite de l’empereur et son enterrement nocturne en présence d’un cercle restreint de ses proches, engendrent plusieurs légendes.
Très vite, la rumeur se répand dans tout l’empire que l’empereur n’est pas mort et qu’il a renoncé au monde.
Est-il effectivement mort à Taganrog en 1825 ou a-t-il réalisé son rêve de fuir le monde temporel pour devenir ermite en Sibérie ?
Le fait que le peuple se voit interdire de défiler devant le corps placé dans la cathédrale de l’Archange au Kremlin et que l’impératrice douairière a du mal à reconnaître son fils plaide en faveur de l’hypothèse que son corps a été remplacé.
Le comportement de l’ermite sibérien Fiodor Kouzmitch peut corroborer les dires de ceux qui ne doutent jamais de ses origines
Dix ans après la mort d’Alexandre, durant l’automne 1836, dans la région de Perm (Sibérie) des paysans aperçoivent une tache blanche à la lisière d’une forêt : ils distinguent la silhouette altière d’un homme à la barbe blanche chevauchant une monture de robe gris clair.
A la police, il déclare s’appeler Fiodor Kouzmitch et n’avoir ni amis ni famille : loin de toute civilisation, il s’installe dans une masure… et un nombre croissant de visiteurs se rend jusqu’à sa retraite.
Un vieux soldat s’étant battu à Austerlitz le reconnait un jour formellement « C’est notre tsar ! C’est Alexandre Ier ! ». L’intéressé proteste, mais refuse cependant de dévoiler ses véritables origines.
A sa mort, il est enterré dans le cimetière local puis dans une petite chapelle.
Les années ont passé mais le nom de Fiodor Kouzmitch est toujours vivant dans la légende de Saint-Pétersbourg.
En 1830, commence la construction de la colonne d’Alexandre, érigée place du Palais à Saint-Pétersbourg. Dessinée par l’architecte français Auguste Ricard de Montferrand, elle commémore la victoire des troupes russes sur Napoléon. Sa construction s’achève le 30 août 1834.
Monobloc de granit rouge, elle culmine à 47,5 mètres du sol et elle est surmontée par la statue d’un ange tenant une croix. La statue a été dessinée par le sculpteur russe Boris Orlovski, et les traits de l’ange ont été modelés d’après le visage d’Alexandre Ier. Ici, la colonne Alexandre, place du Palais. (Merci à Pistounette)
Pistounette
20 août 2021 @ 01:50
Une petite explication pour ce portrait : il est « inspiré » d’un livre russe que m’ont offert mes amies de S-P… et j’en ai gardé l’esprit…
Donc : c’est Napoléon qui a incendié et pillé Moscou, Alexandre Ier a été bienvenu à Paris et les troupes russes n’ont commis aucun saccage ! Voilà pourquoi j’indique : « ceci est la version russe, bien sûr ! »
Je profite de l’occasion pour remercier les personnes qui mettent des messages bienveillants et celles qui complètent mes petits articles…
Cosmo
20 août 2021 @ 13:38
L’histoire n’est pas la même vu d’un côté ou de l’autre.
Merci pour vos articles.
Leonor
20 août 2021 @ 08:41
Houlà, c’est du lourd !
Lecture pour ce soir. Aujourd’hui, c’est dénoyautage et confiture de mirabelles.
L’incendie de Moscou, faudra qu’ça attende jusque là.
Beque
20 août 2021 @ 08:55
Pistounette, vous écrivez que la Grande Armée a dû traverser la Berezina les 14 et 17 novembre 1812. Mais, sur place, en Biélorussie, j’ai lu sur le monument français de Bryli : « Ici l’armée de Napoléon a franchi la Berezina, 26-29 novembre 1812. Hommage aux soldats qui disparurent alors », signé Fernand Beaucour. Celui-ci fut Directeur du Centre d’Etudes Napoléoniennes (il était Centralien, docteur en droit et en histoire, ancien professeur d’histoire à Kaliningrad et à Minsk, décédé en 2005).
HRC
20 août 2021 @ 12:19
Entre le 14 et le 26, il me semble qu’ii y l’écart entre le calendrier occidental et le calendrier russe. Le monument vu en Russie étant destiné aux Russes… 😊
On va demander à Sylvain Tesson ?
Merci infiniment à Pistounette.
Charlotte de L G
21 août 2021 @ 22:55
Ah vous aussi ?
HRC
22 août 2021 @ 09:37
Ah, vous aussi ?
?
Bonne journée à vous, Charlotte.
Charlotte de L G
23 août 2021 @ 07:03
Bonjour HRC, j’aurais du dire »Ah, vous aussi, lisez la BD de Sylvain Tesson dans le « Fig Mag » Pardon ! »
Bonne journée
HRC
23 août 2021 @ 12:31
Non au livre !
Pistounette
20 août 2021 @ 12:27
Beque, c’est l’éternel décalage entre les calendriers julien et grégorien ! Il peut y avoir un décalage allant jusqu’à 13 jours selon l’endroit.
Il en de même pour la Révolution d’Octobre en Russie, que nous situons dans la nuit du 24 au 25 octobre en calendrier julien. En Union Soviétique elle était fêtée en novembre, datée de la nuit du 6 au 7 novembre grégorien.
Beque
21 août 2021 @ 08:38
Vous avez sûrement raison, Pistounette. En tout cas, ce qui m’avait frappée lors de ce voyage en Bielorussie était de découvrir la Berezina : une petite rivière tranquille et non un fleuve bouillonnant mais je ne connais pas grand chose en matière de géographie, les cours d’eau peuvent être modifiés avec le temps.
HRC
21 août 2021 @ 08:45
Surtout differents selon les saisons, comme partout.
Beque
21 août 2021 @ 13:39
Le vrai problème, en fait, était que la Berezina était gelée (je l’ai vue au mois de mai, ce qui n’est pas comparable) et que cavaliers et chevaux se sont noyés. Les pontonniers ont monté des ponts comme ils ont pu mais ils n’ont pas eu le temps de faire grand chose vu le nombre de militaires qui se pressaient devant la rivière.
HRC
22 août 2021 @ 09:51
On ne se noie pas dans une eau gelée…
La rivière commençait à geler, s’étalait.
La géographie ça sert aussi à faire de l’histoire en plus de la guerre.
Laquelle histoire n’est pas un catalogue de personnes hors contexte et hors-sol.
Beque
22 août 2021 @ 20:18
HCR, je découvre votre commentaire. Que signifie votre dernière phrase : « Laquelle histoire n’est pas un catalogue de personnes hors contexte et hors-sol » ? Vous m’insultez ou quoi ? Je vous ai déjà écrit d’arrêter de me chercher des poux dans la tête.
HRC
23 août 2021 @ 12:38
L’épouillage est un rituel de socialisation chez les primates.
Quand on écrit, on risque le commentaire, vous comme moi.
Pascal
21 août 2021 @ 09:06
N’est-ce pas plutôt l’inverse ?
Julien vs Grégorien ?
Ciboulette
20 août 2021 @ 17:26
Merci , Pistounette .La version selon laquelle le tsar aurait fini ses jours en ermite est plausible .
Charlotte de L G
21 août 2021 @ 22:56
Ouh la ! vous m’inquiétez Ciboulette ! je sais bien que tout est possible, mais là tout de même non !
Bernadette
20 août 2021 @ 10:46
Il y a un documentaire très intéressant en dvd « le secret du tsar » évoquant la seconde vie du tsar ermite sous le nom de Fiodor Kousmitch
…les preuves apportées sont très troublantes ! L’enquête se regarde comme un policier …passionnant !
Pistounette
21 août 2021 @ 10:42
Merci Bernadette… je ne connaissais pas l’existence de ce dvd, mais je vais essayer de me le procurer. Sûrement très intéressant, en effet !
HRC
22 août 2021 @ 10:03
Et un autre sur Pougatchev, celui du roman de Pouchkine, qui serait le tsar Pierre ?
C’est un des mythes préférés des Russes que le tsar ou un prince qu’on croit mort réapparaisse. Souvent en ermite.
framboiz 07
20 août 2021 @ 12:11
Quand ils pillèrent les caves de champagne de la Veuve Pommery, celle -ci dit à ses employés : »Laissez les piller ,ils paieront après ! ». Effectivement , ils devinrent ensuite de gros consommateurs …qui payaient , mais Poutine vient de réserver le terme « Champagne » à ses mousseux …
Jean Pierre
20 août 2021 @ 12:36
La comtesse de Boigne décrit très bien cette popularité d’Alexandre à Paris et Nesselrode avec lui. C’était le roi de Paris.
Hebert
20 août 2021 @ 16:16
Merci Pistounette pour cette publication.
Kalistéa
20 août 2021 @ 19:25
Chère Beque , j’ai connu mr Fernand Beaucour : Il ne fallait pas espérer lui faire accroire quoi que se soit Un homme érudit et sûr de lui .Se souvenir de lui constitue un hommage .
Beque
21 août 2021 @ 08:41
Tant mieux, chère Kalistea. J’avais relevé son nom sur le monument en question, lors de ce voyage.