Alexandre Ier Pavlovitch est le fils de Paul Ier Pietrovitch et Maria Fiodorovna. Il nait le 12 décembre 1777 à Saint-Pétersbourg.
Ci-dessus, un portrait à l’âge de 40 ans par Robert Dowe. Dans ses lettres, Catherine II ne tarit pas d’éloges sur « Monsieur Alexandre, beau comme un ange ». En effet, l’enfant est grand, ses cheveux naturellement ondulés, d’un blond doré, dégageant un grand front, encadrant un visage à l’ovale parfait, aux yeux bleus, au menton à fossette.
Vers un an – Auteur inconnu
Tout jeune, il est éduqué dans des conditions spartiates : couché sur un lit de fer dans une chambre froide. Pour cette raison, il n’est presque jamais malade.
Son instruction et celle de son frère Constantin sont sous la surveillance personnelle de Catherine II.
Son éducation est contradictoire. Il est élevé dans une atmosphère de culture française. Toutefois, Catherine lui donne pour nourrice une Britannique : c’est ainsi que l’anglais est la première langue maternelle du petit prince.
Alexandre et Constantin enfants – Richard Brompton
Mais, quelques années plus tard, Catherine II elle-même commence son éducation d’une manière particulière : elle fait lire à Alexandre la Constitution française de 1791.
Elle rédige même sa propre méthode qui s’intitule « Instruction pour l’éducation de petits-fils ».
En tant que précepteur, l’auguste grand-mère désigne le Suisse Frédéric César de la Harpe, ancien avocat vaudois, plus tard Président du Directoire de la République helvétique. Hostile au servage, il l’éduque surtout dans l’esprit des Lumières, en s’appuyant sur Plutarque, Tacite… puis l’Emile de Jean-Jacques Rousseau.
Frédéric César de la Harpe – Pajou – 1803
Adolescent, Alexandre quitte souvent Saint-Pétersbourg, partageant son temps entre la cour raffinée de Catherine II et l’univers « militarisé » de son père (le futur tsar Paul Ier) dans son fief de Gatchina, dans les environs de la capitale. Il prend ainsi l’habitude de manoeuvrer : il dit que « pour vivre sereinement, il fallait dissimuler ses véritables sentiments ».
Cette inconstance lui vaut la renommée d’homme insaisissable
Alexandre Pavlovitch est un bel homme et possède beaucoup de charme. Napoléon écrivait à Joséphine « S’il était une femme, je crois que j’en serais tombé amoureux »
L’épouse d’Alexandre est aussi une très belle femme. Il se marie, le 9 octobre 1793 avec la princesse Louise-Marie-Augusta de Bade, qui après sa conversion à l’orthodoxie prend le nom d’Elisabeth Alexeïevna (1779-1826). Elle est la nièce de la tsarine Natalia Alexeïevna, la première épouse de Paul Ier.
De cette union naissent deux filles qui meurent en bas âge. Cependant Alexandre a quelques autres liaisons. La plus longue est celle avec Maria Antonovna Narychkina, née princesse Tchetvertinskaïa. Elle a de lui plusieurs enfants.
Élisabeth Alexeïevna – Elisabeth Vigée Le Brun – 1795 – Musée de l’Ermitage
Le 12 mars 1801 se déroule l’ultime coup d’Etat de l’Empire russe.
Les conspirateurs, membres de la haute aristocratie pétersbourgeoise soutenus par l’Angleterre, assassinent l’empereur Paul Ier, qui a conclu une alliance militaire avec Bonaparte pour détruire la Compagnie anglaise des Indes.
L’instigateur, le comte Pahlen, fait irruption dans les appartements de Paul Ier au château Saint-Michel et le frappe avec une lourde tabatière. Puis il rejoint Alexandre, fils aîné âgé de 22 ans, qui pleure dans les bras de sa femme. Au courant du complot, il prévoyait une abdication forcée et non un meurtre : il est donc mis devant le fait accompli. Le nouvel empereur est complexe et de nature contradictoire
Vers 23 ans – Vladimir Borovikovsky
En 1801, il installe le « Conseil infaillible », organe consultatif dans lequel entrent une grande partie des acteurs de l’époque de Catherine II.
Au cours de cette période, il est activement aidé dans sa mission gouvernementale par ses jeunes amis – le prince polonais Adam Czartoryski, le comte Pavel Stroganov, le comte Victor Kotchoubeï et le comte Nikolaï Novossiltsev – qui forment ce que l’on appelle le « Comité secret ».
Au cours des quatre années de travail le « Comité » publie des manifestes rétablissant les édits de Catherine II sur les privilèges de la noblesse et des villes, abrogeant les interdictions auxquelles étaient soumises les industries, réhabilitant les personnes disgrâciées au cours du règne précédent, autorisant l’achat de terres sans distinction du rang ou du titre de l’acquéreur, et d’autres encore. Il accorde en outre une large amnistie aux victimes des persécutions sous Paul Ier
Durant cette période, apparaissent un grand nombre d’établissements scolaires dont les universités de Kharlov, Kazan, Dorpat et Vilno. Ceux existant déjà reçoivent une nouvelle structure et de nouveaux programmes. Pendant le début du règne d’Alexandre Ier, on assiste à un puissant essor dans tous les domaines de la vie russe
« Les beaux jours du commencement d’Alexandre » (Pouchkine) ont même une influence fort positive sur la démographie du pays.
En 1802 sont créés les « ministères », ce qui renforce le pouvoir exécutif, le Sénat est réformé. Les affaires ecclésiastiques sont traitées par le Saint-Synode, dont les membres sont nommés par l’empereur. A sa tête se trouve l’oberprocureur, homme très proche de l’empereur.
L’un des plus actifs personnages de la première période du règne d’Alexandre Ier est Mikhaïl Speranski (1772-1839), fils d’un prêtre de l’épiscopat de Vladimir
Mikhaïl Speranski – Vassili Tropinine
Il reçoit son instruction au séminaire de Vladimir puis continue ses études au séminaire principal de Saint-Pétersbourg. Sur recommandation du métropolite Gavriil, il entre comme secrétaire personnel du prince Alexei Borissovitch Kourakine.
Kourakine, sous Paul Ier, a été nommé procureur général et Speranski commence à travailler dans sa chancellerie. Sous Alexandre Ier, Speranski reçoit le grade de secrétaire d’Etat et passe au ministère des Affaires intérieures.
Kotchoubeï, alors ministre de ce département, durant sa maladie l’envoit présenter ses rapports au souverain. Ce dernier sympathise avec Speranski et, en 1808, lui demande d’élaborer, à l’exemple de l’Europe occidentale, un plan de réformes gouvernementales dans l’esprit libéral, qui devra être adopté par la Douma et le Conseil d’Etat.
Speranski ne réalise qu’une partie de ce plan : il ne sait comprendre la dualité du caractère de l’empereur, effrayé par l’opposition de la noblesse et les nouvelles tendances libérales, et ne sait obtenir l’accord et le soutien des hauts dignitaires et autres personnalités de la cour.
Les réformes des années 1802-1811 ne changent pas l’essence autocratique du système politique russe : elles renforcent seulement la centralisation et la bureaucratie de l’appareil d’Etat.
De 1805 à 1807, la Russie entre dans la coalition contre la France aux côtés de l’Autriche, de la Grance-Bretagne et de la Prusse. Mais les victoires remportées par les Français à Austerlitz, Iéna, Eylau et Friedland l’incitent à négocier une paix séparée avec Napoléon.
Alexandre n’est pas un homme de guerre. Napoléon peut alors proposer ce qu’Alexandre préfère : promptement accepter un rendez-vous à Tilsit.
Napoléon a fait aménager un pavillon sur un radeau au milieu du Niémen, qui sépare alors les territoires occupés par les Russes et les Français. Les entretiens, commencés le 25 juin 1807, se prolongent sur la terre ferme, à Tilsit même.
La paix de Tilsit – Adolphe Roehn
Pendant les négociations, Alexandre manie avec aisance un français plus pur que celui parlé par Napoléon (qui garde l’accent et des tournures corses), mettant en exergue un certain vernis occidental. Les deux empereurs s’étreignent, s’embrassent et, en un clin d’oeil, signent la paix et même l’alliance le 7 juillet 1807. Ils tombent d’accord pour se partager le continent : à l’ouest, l’empire d’Occident tenu par Napoléon et à l’est l’empire d’Orient.
En réalité c’est un piège, car les Russes vont être obligés de se joindre au fameux Blocus continental par lequel Napoléon espère bien réduire à sa merci « la perfide Albion » : cela va être ruineux pour la Russie qui, en temps normal, commerce avec l’Angleterre.
Alexandre (plus insaisissable que jamais) achève sa première évolution : adversaire acharné de Napoléon, il devient son allié.
Il est vrai que Napoléon ne lui a pas ménagé les avances. En le voyant, il s’est, dit-on, écrié d’emblée « C’est Apollon ! ». Il l’écrit à Joséphine. Pendant la signature du traité de Tilsit, Alexandre offre une telle scène de séduction que Napoléon, loin d’en être dupe, l’a surnommé depuis le « Talma du Nord ».
Alors apparait un projet de mariage…
Napoléon, bien qu’aimant Joséphine, met en route une procédure de divorce : elle ne lui donne pas d’enfant et il veut fonder une dynastie.
En tête de liste, il place Catherine, la soeur d’Alexandre… comme l’affaire ne se fait pas, il revient à la charge en demandant la main d’une autre soeur d’Alexandre, Anna, âgée de 15 ans à peine. Sans plus de succès… et l’idée d’une alliance matrimoniale entre Paris et Saint-Pétersbourg est définitivement enterrée.
Catherine Pavlovna Romanova (1788-1819) – soeur d’Alexandre Ier
Le rêve de Tilsit va pourtant s’achever avec la grande guerre qui amène successivement et en armes les Français en Russie en 1812 et puis les Russes à Paris en 1814. A suivre… (Merci à Pistounette)
JAusten
19 août 2021 @ 07:07
Magnifique portrait en pied du tsar.
Ludovina
19 août 2021 @ 09:28
La 1ère épouse du père d’Alexandre, Wilhelmine, princesse de Hesse-Darmstadt (1755-1776), est décédée 2 jours après avoir mis au monde un garçon mort-né le 24/04/1776).
Alexandre était l’aîné d’une fratrie de 10 enfants (6 filles et 4 garçons) issus de l’union de Paul I avec sa seconde épouse Sophie-Dorothée, duchesse de Wurtemberg (1759-1828).
Son frère cadet Konstantin (1779-1831) n’a pas eu de postérité de ses 2 épouses, Juliane, duchesse de Saxe-Saalfeld-Cobourg (1781-1860) et Janina, comtesse Grudzinska Knjagina Lowiczska (1799-1831).
Son frère Nicholas (1796-1855) lui a succédé en 1825.
Son dernier frère Michel (1798-1849) a eu 4 filles et 1 garçon avec son épouse Charlotte, princesse de Wurtemberg (1807-1873).
Les sœurs d’Alexandre (à l’exception d’Olga morte à moins de 3 ans) ont contracté des mariages avec des membres (archiduc, grands-ducs, duc, rois) de maisons appartenant à la 1ère partie du Gotha : Autriche (Palatins de Hongrie), Mecklembourg-Schwerin, Saxe-Weimar-Eisenach, Oldenbourg, Wurtemberg, Pays-Bas.
cerodo
19 août 2021 @ 15:30
merci Ludovina
Beque
19 août 2021 @ 09:35
Pour l’Entrevue d’Erfurt, Napoléon est entouré de Murat, Berthier, Duroc et Caulaincourt. Le Tsar, de son frère le grand-duc Constantin. Le roi de Prusse reste sur la rive. L’entrevue dure 2 heures, 1 h ¾ entre les deux Empereurs et un quart d’heure entre les délégations. Le lendemain, le roi de Prusse s’associe aux deux Empereurs. Par le double traité, la Prusse doit céder ses territoires polonais qui forment le grand-duché de Pologne et évacuer les provinces ottomanes de Valachie et Moldavie (actuelle Roumanie). Jérôme Bonaparte sera roi de Westphalie. Restitution des prisonniers.
La reine Louise, arrivée le 6 juillet, n’obtint pas de Napoléon la restitution de Magdebourg. Ni l’impératrice Joséphine ni l’impératrice Elisabeth, princesse de Bade, n’ont accompagné leurs maris à l’Entrevue d’Erfurt et aux fêtes qui suivirent. Napoléon avait exigé la présence de Charles et Stéphanie de Bade. C’était une occasion pour elle de revoir son père adoptif et de faire la connaissance du Tsar Alexandre, son beau-frère, qui apprécie sa grâce et sa distinction.
Beque
19 août 2021 @ 09:44
Pardon, j’ai écrit des bêtises. C’est évidemment Tilsit et non Erfurt qu’il fallait lire.
On est très déçu quand on voit le pont dit de la reine Louise, construit entre 1904 et 1907 et nommé ainsi en l’honneur de la reine Louise de Prusse pour marquer le centenaire de la paix de Tilsit.. La Wehrmacht fit sauter le milieu du pont, en 1944 et Tilsit fut renommée Sovetsk. Pas de trace de la rencontre sur un radeau de Napoléon et le Tsar au milieu de la rivière Niémen, seulement une pierre commémorative en territoire russe (donc au-delà du pont quand on vient de l’actuelle Lituanie) avec, écrit en français, en allemand et en russe : « Paix de Tilsit »
Leonor
19 août 2021 @ 09:51
Pistounette, vous êtes irremplaçable.
Aldona
19 août 2021 @ 10:43
Passionnant ! J’aime ce détail savoureux » le Talma du Nord «
Robespierre
19 août 2021 @ 13:19
J’ai bien aimé, merci Pistounette.
Marie-Saintonge
19 août 2021 @ 13:47
Merci infiniment Pistounette.
Les aristocrates russes préféraient en effet être entourés de précepteurs / institutrices suisses veillant à l’éducation de leurs enfants. N’étant pas catholiques romains ni révolutionnaires, ils ne risquaient donc pas de contaminer l’orthodoxie russe.
On peut relire les mémoires de Pierre Gilliard, précepteur suisse des enfants de Nicolas II.
Beque
20 août 2021 @ 18:14
Marie-Saintonge, certains catholiques ont été accueillis favorablement en Russie. La Compagnie de Jésus avait été bannie et supprimée par les souverains de France, du Portugal, d’Espagne, en 1773. Alexandre 1er a confié aux Jésuites la direction à Saint Petersbourg d’un collège où sera élevée la noblesse russe. Il les a aussi chargés d’encadrer les colons allemands et de mettre en valeur le bassin de la Volga, d’où la présence à Saratov de religieux qui vivaient dans des conditions satisfaisantes, protégés par le tsar lui-même.
Paul de Magallon (qui, devenu religieux, restaurera l’Ordre de Saint Jean de Dieu en France), après la retraite de Russie, sera fait prisonnier à Saratov et deviendra le précepteur du fils du gouverneur.
Camille
20 août 2021 @ 22:02
Attention concernant les précepteurs »suisses » : tout le pays n’est pas devenu protestant, au contraire. Les catholiques sont aussi présents que les réformés.
Cosmo
19 août 2021 @ 13:55
Merci pour cet article, Pistounette !
Alexandre Ier était aussi le beau-frère de la reine Caroline de Bavière et l’oncle de l’archiduchesse Sophie et de toute la tribu Leuchtenberg, enfants d’Auguste de Bavière et d’Eugène de Beauharnais, dont le troisième fils Maximilien, 3ème duc de Leuchtenberg, prince Romanowsky, épousera la nièce d’Alexandre, la grande-duchesse Maria, fille de Nicolas Ier.
Voici ce que l’archiduchesse Sophie écrit à sa mère le 6 décembre 1814 :
« Je suis bien fâché qu’oncle Alexandre soit encore malade, je voudrais bien le guérir mais comme je ne suis pas médecin, et que ce n’est pas dans mon pouvoir, je ne peux rien que prier Dieu de lui rendre bientôt sa santé…”
Elle dit de lui qu’il est « un parfait homme du monde » et elle l’appelle « l’oncle de Russie ».
Mayg
19 août 2021 @ 16:03
Merci à Pistounette pour ce portrait.
On ne saura jamais ce qui de serait passé si Napoléon avait épousé une des sœurs d’Alexandre 1er.
Teresa2424
19 août 2021 @ 17:43
Gracias Pistounette
Leonor
19 août 2021 @ 17:45
C’est quand même fou, quand on pense que deux empereurs se sont amusés à faire du rafting tout en blablatant de guerre et paix !
Robespierre
20 août 2021 @ 13:51
Il n’y a pas que Pistounette pour faire d’excellents articles sur N&R. Il y a aussi nos amis Cosmo et Guizmo … Qui sans être irremplaçables fournissent leur contribution.
Pistounette
21 août 2021 @ 10:12
Tout à fait d’accord avec vous, Robespierre… et nul n’est irremplaçable ! Dès que je vois Guizmo ou Cosmo, je lis en priorité… je sais que je serai intéressée !
Il y a également d’autres contributeurs un peu moins réguliers, mais qui font d’excellents reportages… je pense à Benoit-Henri, Aristocrate et d’autres…
HRC
21 août 2021 @ 10:18
bien sûr !! mais on peut aussi remercier Pistounette quand c’est elle qui s’y lance tout en appréciant les autres.
Kalistéa
20 août 2021 @ 19:41
Alexandre était vraiment très séduisant. On a dit que la très jolie reine Louis de Prusse tomba amoureuse de lui lorsqu’il fit sa première visite à la Prusse.Il avait commencé par être très courtois et très aimable avec elle puis quand il s’aperçut qu’elle l’environnait trop et devenait coquette , il eut peur des conséquences possibles d’une étourderie et devint froid et distant au grand désespoir de la reine . Celle -ci écrivait ses états d’âme tous les soirs à sa chère soeur…( ce qui fait que nous aussi nous sommes renseignés!)