« Mademoiselle Manos était la fille de l’officier d’ordonnance du roi Constantin I. Sa beauté était merveilleuse. Elle possédait le profil d’une de ces nymphes des frises de la Grèce antique qui serait revenue à la vie. Le roi Alexandre la connaissait depuis le temps où enfants ils jouaient ensemble et avec les années leur amitié s’était transformé en amour » écrivait le Prince Christophe de Grèce dans ses Mémoires.

Aspasie Manos était d’origine noble de l’Empire byzantin. Au début de son adolescence, ses parents se sont séparés et ils ont envoyé Aspasie comme interne dans des écoles françaises et suisses. En 1915, Aspasie de toute beauté et rayonnante de jeunesse est revenue à Athènes et elle retrouve le Prince Alexandre lors d’une réunion amicale. Dès que le prince la vit, ce fut le coup de foudre. 

Le prince Alexandre avait la réputation d’un grand séducteur. Aussi Aspasie était-elle très hésitante à exprimer ses sentiments envers celui-ci. De son côté, le prince Alexandre lui exprimait des sentiments de plus en plus profonds. Leur idylle naquit tout secrètement dans l’île de Spetses (dans la même île où le prince Nicolas et la princesse Tatiana de Grèce se sont unis en août 2010).

Toutefois, les amoureux ne pouvaient pas se retrouver facilement. C’est pour cette raison que le prince avait demandé l’aide de sa sœur, la princesse Hélène (photo ci-dessous). C’est elle qui a organisé la rencontre au cours de laquelle le prince Alexandre a exprimé à Aspasie son intention de l’épouser. Le prince pensait que du moment qu’il n’était pas l’héritier de la Couronne, ses parents lui donneraient le droit d’épouser la femme de son choix.

Malheureusement, en 1917, après de graves événements politiques, le roi Constantin, père du prince Alexandre, a été forcé de quitter le trône et a été condamné à l’exil ainsi que toute sa famille. Alexandre est resté à Athènes sans sa famille. Il est devenu Roi à la place de son père. En tant que Roi, il pouvait très facilement retrouver la femme qu’il aimait. Pourtant, la perspective d’un mariage s’éloignait. 

Eleftherios Venizelos, qui était à l’époque le Premier Ministre de la Grèce, était très hésitant et ne voulait pas donner au Roi Alexandre la permission d’épouser Aspasie. Ainsi, il les a contraints à se séparer. Après cet événement, Aspasie Manos (ici à gauche sur la photo avec une amie) est partie de Grèce.

 Pendant la période de leur séparation, le Roi Alexandre a compris qu’il nourrissait des sentiments profonds pour Aspasie et qu’il ne voulait pas vivre loin d’elle. Il a donc pris, la décision d’épouser Aspasie secrètement.

« À une heure avancée dans la nuit au mois de novembre 1919, un prêtre d’un quartier pauvre d’Athènes fut éveillé par des coups violents frappés à sa porte. En bas, il trouva deux hommes qui lui dirent que l’on avait un besoin pressant de ses services. Ils se refusèrent à en lui dire plus long et le firent presque monter de force dans une voiture qui attendait dehors et le conduisit à une maison particulière. Là, on le mena dans une pièce où un petit nombre de personnes se trouvaient assemblées. Quelques instants après, le Roi Alexandre et mademoiselle Manos firent leur entrée et on lui expliqua qu’on l’avait demandé venir pour bénir leur union » écrit dans ses Mémoires le prince Christophe de Grèce.

Quand le gouvernement de Venizelos fut informé de la cérémonie du mariage secret, il a annoncé au Roi Alexandre (ci-dessus avec sa bande d’amis et Aspasie à Athènes) que son épouse ne pourrait jamais prendre le titre de Reine, et que, de plus les enfants qui viendraient à naître de ce mariage ne pourraient avoir de droit de succession au trône grec.

Sur les ordres de Venizelos, Aspasie est partie de nouveau à Paris. Alexandre (ici avec Aspasie sur l’île de Spetses lorsqu(ils étaient déjà mariés) est allé la chercher à Paris et le nouveau couple y a passé  une lune de miel extraordinaire. De son côté,  la famille royale grecque ne pouvait pas non plus accepter ce mariage morganatique. Elle accusait ainsi Aspasie d’avoir exploiter la solitude du roi dans le but de le séduire et devenir la reine.

Quand Aspasie  annonça à son époux la venue de leur premier enfant, le couple connut un bonheur extrême. Le roi Alexandre espérait un fils afin de lui donner le nom de ‘Philippe’, comme le nom du père d’Alexandre le Grand.

Le 2 octobre 1920, le roi Alexandre décide de faire une promenade sur les terres du domaine de Tatoi avec son chien-loup. En passant devant le pavillon du gérant des vignobles, un singe femelle dont le père d’Aspasie avait fait cadeau au gérant, attaque le chien du roi. Le souverain tente de séparer les deux animaux. Aussitôt, un autre singe mâle (le compagnon de l’autre) attaque Alexandre et le mord profondément à la jambe. La plaie du souverain semble légère et sans gravité. Mais deux jours après un empoisonnement du sang se déclara.

 

Le 25 octobre 1920, le jeune roi meurt. La douleur de son épouse était inénarrable. Aspasie raconte qu’elle a voulu suivre son époux dans la mort. Le 21 mars 1921, leur fille posthume prénommée Alexandra voit le jour.

En juin 1921, le prince André, oncle d’Alexandre, et son épouse la Princesse Alice de Battenberg ont un fils. En mémoire d’Alexandre, ils ont donné à l’enfant le nom de ‘’Philippe’’ auquel le défunt souverain tenait tant. Cet enfant est aujourd’hui le duc d’Edimbourg (ici enfant avec la princesse Alexandra).

En 1924, la princesse Aspasie, accompagnée par toute la famille royale, a quitté la Grèce. Elle y est revenue en 1940 avant de repartir lors de l’envahissement de la Grèce par les troupes allemandes. Le titre princesse de Grèce lui a officiellement été accordé en 1936.

La princesse Aspasie, après la mort de son mari, n’a jamais accepté aucune proposition de mariage, même si celles-ci furent, semble-t-il, nombreuses.  La seule fois qu’elle ait pensé sérieusement à la possibilité de se remarier fut en 1933 avec le prince Strabia. Malheureusement, encore une fois elle a été poursuite par sa fatalité : Strabia est mort d’une fièvre typhoïde soudainement apparue. Après cet événement, la princesse Aspasie s’est consacrée à sa fille la princesse Alexandra. Elle lui a toujours apporté un soutien financier et moral tout au long de son mariage avec le roi Pierre II de Yougoslavie.

Ses relations avec la famille royale grecque n’ont jamais été bonnes. C’est pour cette raison qu’en 1938, Aspasie, n’était pas présente au mariage du prince Pavlos –frère de l’Alexandre et succédeur au trône- avec la princesse Frederica de Hanovre.

La princesse Aspasie a mené une vie tranquille en Angleterre, en France et surtout en Italie. À Venise, elle a acheté une belle villa et elle l’a nommée « Le jardin d’Éden ».

En juin 1972, à Séville, son petit-fils, (aujourd’hui) Alexandre II de Serbie s’est marié avec la princesse Maria da Gloria d’ Orléans-Bragance. La princesse n’a toutefois pas pu être présente en raison de son état de santé. Un mois plus tard, le 7 août 1972, la princesse Aspasie de Grèce s’est éteinte.

En 1993, ses cendres et celles de sa fille, la princesse Alexandra, sont transférées au cimetière royal de Tatoi. Elle est la seule princesse grecque enterrée loin de la tombe de son mari, puisque la tombe d’Alexandre est placée à côte des tombes du Roi Constantin et de la Reine Sophie, qui étaient ses parents.

Paradoxe de l’Histoire, la princesse Aspasie et sa fille la princesse Alexandra étaient les seuls membres de la dynastie grecque qui avaient véritablement de sang grec.

L’histoire du roi Alexandre de Grèce et de la princesse Aspasie a touché les limites du mythe. Plusieurs livres qui contiennent des anecdotes historiques, des descriptions de leur vie et des critiques, ont déjà été écrits. Mais, est-ce que toutes ces informations sur ce couple sont avérées ? Peu importe… Il s’agit d’un couple dont l’histoire d’amour a toujours beaucoup ému.

Bien que le roi Alexandre soit enterré à quelques mètres de sa femme bien-aimée et de sa fille posthume, nombreux sont ceux qui estiment qu’ils sont unis dans l’Au-delà pour l’éternité. Désormais sans aucun obstacle à l’inverse que dans leur vie sur terre. (Un énorme merci à Tepi pour ses recherches et sa précieuse aide pour les traductions du grec vers le français, les photos et la collaboration par son entremise avec Monsieur Vassilis Koutsavlis, président du Tatoi Friends Association)