Huitième et dernière partie du portrait de Dorothée de Biron, Princesse de Courlande, comtesse Edmond de Talleyrand-Périgord, duchesse de Dino, Duchesse de Talleyrand par Patrick Germain.
“Je ne me rappellerai pas moins jusqu’à ma dernière heure qu’il a été mon bienfaiteur et que la fortune que je lègue à mes neveux vient en grande partie de lui. Mes neveux doivent non seulement ne pas l’oublier mais l’apprendre à leurs enfants et à ceux qui naitront d’eux…”
L’empereur avait été généreux avec lui et Talleyrand avait la grandeur de le reconnaître. Il y a chez lui de l’affection et de l’admiration pour Napoléon. Il dira, à propos de ceux qu’on l’accuse d’avoir trahis, comme l’empereur, “ Je n’en ai abandonné aucun avant qu’il se fût abandonné lui-même.”
Et c’est là, son secret. Il n’a abandonné Napoléon, voire après Erfurt aidé à précipiter sa chute, que quand il a compris que la politique impériale menait la France à la catastrophe. A Vienne, en 1815, il a sauvé les meubles. Ci-dessus, La duchesse de Sagan en 1850.
Valençay
Il devait à Napoléon Valençay et son immense domaine. Il lui devait aussi l’hôtel de Saint-Florentin. Il avait reçu des sommes énormes en traitements, remises de dettes et cadeaux.
Il laissait à Dorothée et à ses héritiers une fortune considérable. Elle eût été encore plus considérable si le prince de Talleyrand avait été économe. Mais a-t-on jamais vu un grand seigneur économe ? Il avait perdu beaucoup d’argent au jeu mais ce n’était rien par rapport à la dépense qu’il fit tout au long de sa vie pour tenir un train de vie qui correspondait à sa situation.
Il dépensait sans compter mais avec toujours le même but, assurer la grandeur de sa maison et de sa personne et à travers lui celle de la France. Des millions étaient passés par ses mains.
Plan de l’Hôtel de Saint-Florentin
En septembre 1837, à Valençay, il avait rédigé son testament. Il avait institué la duchesse de Talleyrand, Dorothée, sa légataire universelle. Elle recevait non seulement ses biens mobiliers et immobiliers mais aussi les Mémoires du prince qui ne devaient être publiées que 30 ans après sa mort. Il associait à ce legs des Mémoires, Adolphe de Bacourt, qui en devenait le dépositaire à la mort de Dorothée.
Le 3 juillet, soit quarante jours après les funérailles de Talleyrand, elle vendait l’hôtel de la rue Saint-Florentin. L’acquéreur en était le baron James de Rothschild, “un acquéreur très solvable et qui paye comptant” pour le prix de 1 181 000 francs.
C’était moins que ce qu’elle aurait obtenu, si elle avait eu la patience d’attendre. Il est difficile de faire une comparaison entre le prix de l’époque et ce qu’il serait aujourd’hui. La valeur marchande de l’Hôtel Saint Florentin serait plus proche de deux ou trois cent millions d’euros. Le 9 juillet, Dorothée vendait la bibliothèque.
Elle avait hâte de quitter Paris où elle n’avait plus aucune raison de résider. Toute princesse et duchesse qu’elle était, elle ne représentait plus rien pour une société qui la jalousait et la méprisait en même temps.
En réalité, Dorothée avait anticipé ce qui se passerait à la mort du prince. Elle avait quitté l’hôtel Saint-Florentin et s’était installé le 21 juin en l’hôtel de Gallifet, rue de Grenelle, aujourd’hui l’Institut Culturel Italien.
Le 27 juin, elle partait, avec Pauline, pour Bade, où elle retrouvait la grande-duchesse Stéphanie. Bacourt était là, en sa qualité d’ambassadeur. Elles y passèrent l’été avec une excursion à Heildeberg pour voir Whilihelmine, duchesse de Sagan, sa soeur.
Hôtel de Gallifet
Dorothée avait besoin de retrouver l’Allemagne de son enfance et de renouer les liens avec sa famille. De retour à Paris début septembre, elles n’y restèrent que peu de temps pour se réfugier à Rochecotte, le château cher à son coeur.
Elles passèrent par Valençay où régnait désormais son fils Louis de Talleyrand-Périgord, duc de Valençay. Bien avant sa mort, en 1829, le prince avait fait don du domaine, château, bois et terres, à son neveu Louis auquel le roi Charles X avait octroyé le titre de courtoisie de duc de Valençay.
Comme Talleyrand s’était réservé l’usufruit du domaine, Louis en devint le très riche propriétaire à 27 ans. Il avait épousé le 26 février 1829, suivant le conseil de son oncle, Alix de Montmorency, fille du duc de Montmorency et de la duchesse, née Goyon de Matignon.
Un Périgord épousant une Montmorency, il était difficile de faire mieux. Louis de Talleyrand-Périgord avait été un élève sérieux au lycée Henri IV. Il ne poursuivit pas d’études supérieures. Son frère Alexandre Edmond, réussit le concours d’entrée à l’école navale en 1827. Il sera un excellent officier de marine jusqu’au mois de juin 1838, suite à un duel qu’il eût, lui légitimiste, avec un officier orléaniste.
Pauline de son côté était loin d’être dépourvue. Elle avait reçue le domaine de Pont-de-Sains avec château, terres et forges que Talleyrand avait donné à son épouse en cadeau de mariage. Elle est un parti plus qu’enviable.
Tous les enfants largement pourvus à la mort de l’oncle ont aussi de grandes espérances du côté de leur mère. A 19 ans, il est temps de songer au mariage.
Les prétendants se pressent, un fils de duc, Jules de Clermont-Tonnerre, deux ducs, Saulx-Tavannes et, Guiche deux marquis, Biron et Castellane. Dorothée ouvrait la possibilité du mariage sans y forcer sa fille. Celle-ci tomba amoureuse d’Henri de Castellane, auditeur au Conseil d’Etat, député du Cantal. Il avait six ans de plus qu’elle, son père était maréchal de France, il était catholique, très lié au comte de Falloux. Tout convenait et Pauline convola rapidement, le 10 avril 1839, en l’église Saint-Thomas d’Aquin, à Paris. Il restait Edmond Alexandre à marier, ce fut fait le 8 octobre 1839 avec Valentine de Sainte-Aldegonde.
Il sera parlé plus loin de ce que furent les vies et la descendances des trois enfants légitimes de Dorothée.
Henri de Castellane
La duchesse de Talleyrand était désormais libre. Sa responsabilité de mère était dégagée, elle pouvait ne songer qu’à elle-même, après avoir vécu si longtemps dans l’ombre d’un grand homme, encombrée d’un mari peu encombrant dans son exil florentin.
1839 fut donc une année de profond changement pour elle. Adolphe, comte de Bacourt, en novembre partit occuper son poste d’ambassadeur de France à Washington. Le 29 novembre sa soeur aînée Whilhelmine, duchesse de Sagan, mourut. Sa soeur Pauline, princesse de Hohenzollern-Hechingen devant à son tour duchesse de Sagan.
1840 fut l’année du retour à sa patrie allemande. Son “allemanderie”, comme disait Talleyrand, ne l’avait en fait jamais quittée. Avec Louis, elle partit pour la Prusse. A Berlin elle retrouva son ami d’enfance, devenu le roi Frédéric-Guillaume IV, époux de la princesse Elisabeth de Bavière, sœur de l’archiduchesse Sophie. Puis ce fut la Silésie. Ils arrivèrent dans son fief de Günthersdorf, où tout lui appartenait. Elle redécouvrait la société féodale de son enfance, oubliée depuis 1807 dans une France qui l’avait abolie en 1789. Louis, la découvrant, en était plus qu’étonné.
“Günthersdorf – le 13 juin 1840 – Me voici dans mes états. C’est une impression très singulière que de trouver un chez-soi, à une distance si grande des lieux où on passe habituellement sa vie, et de trouver ce chez-soi tout aussi propre et aussi bien tenu, quoiqu’excessivement simple, que si on y habitait toujours !” (Duchesse de Dino)
Le régisseur du domaine était un ancien officier prussien, Mr de Wurmb gentilhomme westphalien, marié à une amie d’enfance de Dorothée du temps de Berlin, “la fille de Mr de Goecking, conseiller d’état au service de la Prusse, auquel le feu roi avait spécialement délégué ma tutelle.”
Château de Günthersdorf
Dame de Günthersdorf, elle se doit de connaître ceux qui se dévouent pour elle. “Après le déjeuner Mr de Wurmb m’a priée de recevoir tous les employés de mes propriétés, qui de différents points, s’étaient réunis pour me saluer. Alors a commencé une longue défilade. C’est un véritable état-major, tout cela à ma nomination, et recevant des traitements de ma bourse. C’est ainsi que cela se pratique ici dans les grandes propriétés. Un architecte, un médecin, deux baillis, deux fermiers généraux, un régisseur en chef, un garde général, quatre prêtres catholiques, trois pasteurs protestants, le maire de la ville, mais tous de vrais messieurs, très bien élevés, parlant et se présentant parfaitement. J’ai fait de mon mieux pour que chacun fût content de moi.”
Dorothée et Louis découvrirent tout ce qui dépendait d’elle, les fermes, les églises, les temples, les villages. Ils visitent d’autres propriétés au-delà de l’Oder qui lui appartiennent aussi.
Château de Günthersdorf aujourd’hui
Le 21 juin 1840, ils découvrirent enfin Sagan, “vraiment beau…l’habitation est grandiose.”
“ Quelle impression singulière cela me cause ! Ici où ont demeuré mon père, ma soeur, où j’ai tant été dans mon enfance, être à l’auberge.” Elle n’est pas descendue au château car les raisons qui l’amènent à Sagan ne relèvent pas d’une visite familiale. En fait, les affaires de Pauline, nouvelle duchesse de Sagan, sont compliquées et il y a comme un air de liquidation de biens.
Dorothée, sans intervenir directement, s’intéresse à ce qui doit revenir à ses fils, si le fils de Pauline décède sans postérité. “ J’ai reçu avant-hier, à Günthersdorf, une lettre qui m’a décidée à venir ici. Mr de Wolff ( homme d’affaires de Whilhelmine) m’écrivait de Berlin qu’il se passait ici des choses très irrégulières et opposées à l’intérêt de mes enfants, qu’il fallait s’y rendre pour les faire rectifier, et qu’il m’engageait à y aller de mon côté….J’ai tout reconnu, excepté ce qu’on s’est un peu empressé d’enlever et qu’on sera peut-être obligé de rapporter. Le vieux homme d’affaires de ma soeur pleurait à chaudes larmes. Il est au plus mal avec celui de ma soeur, la princesse de Hohenzollern…” (Duchesse de Dino)
Sagan tel que l’a connu Dorothée
Dans son testament, Whilhelmine a laissé ses biens et ses droits seigneuriaux à Pauline mais avec une clause de substitution au profit de Louis et Alexandre de Talleyrand-Périgord, pour le cas où leur cousin Constantin, prince de Hohenzollern n’aurait pas d’héritier légitime. Il est marié à la princesse Eugénie de Leuchtenberg, fille du prince Eugène et d’Auguste de Bavière, mais le couple n’a pas d’enfant.
Il y a de grandes chances pour que la substitution soit effective. Elle donc constate que l’on enlève des meubles et que l’homme d’affaires de sa soeur vend tout ce qu’il peut vendre. Elle y remédiera en temps utiles.
Elle y retrouve “une comtesse Dhona, qui a été élevée d’abord chez ma mère, puis chez ma soeur aînée, mariée dans le pays à un homme très comme il faut. Cette jeune femme était comme l’enfant de la maison.” Et pour cause ! Elle est la fille illégitime de sa soeur Pauline de Hohenzollern et de son ex beau-frère, Louis de Rohan. Elle est donc sa nièce.
Château de Sagan aujourd’hui
La Prusse, l’Autriche, la Silésie l’appellent. Ce sont ses pays d’élection. Après en être partie depuis trente cinq ans, avoir vécu la vie plus plus brillante qui soit en France, sur les marches du pouvoir, elle découvre que l’Europe orientale est sa patrie. Sagan, le lieu d’un rêve qu’elle n’avait pu atteindre jusque là, devenir la maîtresse incontestée de ce qui fut un duché souverain et qui allait être à elle.
Salle du trône à Sagan
Le château de Sagan avait, entre autres, appartenu à Wallenstein, figure illustre de la Guerre de Trente Ans, puis aux princes Lobkowitz, illustre famille de Bohème il fut acheté en 1786 par le père de Dorothée. Le duché de Sagan est issu de la partition de la Silésie à l’époque du démembrement territorial du royaume de Pologne appartenant à la dynastie des Piast soit au XIIème siècle.
Il est impossible de raconter ici l’histoire de ce duché de Basse-Silésie. Au XIXe siècle, il était encore un duché souverain, comme l’était le duché de Teschen en Haute-Silésie, appartenant à l’archiduc Charles d’Autriche.
Sagan au XVIIIe
La princesse de Hohenzollern avait accepté de céder à sa sœur la propriété du duché de Sagan, château, terres, bois, villages, soit 23 000 hectares dont 20 000 hectares de forêts. Il lui fallut attendre un peu pour que son neveu lui cède ses droits féodaux.
Le 8 janvier 1845, Pauline décédait à Vienne. Par une ordonnance du 19 juin 1846, le roi de Prusse, en sa qualité de duc de Silésie confirmait le titre de duchesse de Sagan à Dorothée de Biron, duchesse de Dino et duchesse de Talleyrand, avec dévolution à ses descendants mâles par ordre de primogéniture.
Plan du parc de Sagan
Mais avant de devenir duchesse de Sagan, de 1841 à 1843, elle sera un peu partout en Europe. En France, il y a Paris où elle a acheté un hôtel au 73 rue de Lille car il lui fallait bien un pied-à-terre, Rochecotte, son lieu de prédilection et Nice où elle soigne sa fille Pauline. Elle se rend aussi fréquemment chez ses amis, dont les châteaux sont près du sien.
Elle est proche des princes d’Orléans, ce qui lui vaut un surcroît d’inimitié de la part de la vieille société légitimistes. Elle est en Prusse où la famille royale la considère comme l’un des leurs. Les souverains lui ont fait l’honneur de venir à Günthersdorf.
Elle est en Autriche où elle retrouve Metternich, le vieil ami de sa famille, les Esterhazy, le maréchal Marmont, vieille figure de la période impériale. Elle est, là-aussi, reçue à la cour : “Je suis depuis quelques jours ici. J’ai eu avant-hier l’honneur de faire ma cour à l’archiduchesse Sophie, que j’avais connue avant son mariage. Elle m’a reçue à merveille. Il est impossible d’être plus gracieuse, plus aimable, plus animée, facile et spirituelle de toutes manières. Elle m’a beaucoup questionné sur notre famille royale, et en a parlé dans des termes très convenables, avec beaucoup de mesure et de bienveillance. J’ai été charmée de cet entretien.” (Vienne le 14 novembre 1843 )
L’archiduchesse Sophie en 1850
Elle a quitté la France définitivement le 23 mai 1843. Elle a 50 ans et elle étonne encore par sa beauté. Elle y reviendra faire des séjours pour voir ses enfants et ses amis. Rochecotte n’est plus son lieu favori, c’est désormais Sagan. Elle y a installé une partie de ses meubles et tableaux de Rochecotte. Elle y mène une vie princière, sans avoir à répondre de quoi que ce soit à qui ce soit. Son seul souverain est son ami le roi de Prusse. C’est peut-être cette amitié qui l’a décidée à s’installer en Silésie. “Avant-hier, j’ai été à la chasse en traîneau; on a tué deux cent quatre vingts pièces de gibier…Ma vie ici est simple, tranquille et, je l’espère utile. “( Sagan le 24 janvier 1844)
Hôpital Dorothée à Sagan
Pour l’utilité, elle fera construire un hôpital qui existe toujours. Elle exerça aussi une action bienfaisante. Le terrible hiver de 1847-1848, suivi du typhus, avait répandu misère et faim dans ses Etats. Elle multiplia les secours. Elle donna du travail aux chômeurs.
Elle provoqua en février 1848 la réunion à Sagan des principaux seigneurs catholiques de la Silésie, sous la présidence du cardinal évêque de Breslau. Un refuge pour 4 000 orphelins fut créé.
Comme à Rochecotte et à Valençay, elle était aimée par ceux qui dépendaient d’elle. Son autorité morale et son ascendant sur ses sujets étaient incontestables. Elle tient cour, donne des audiences à ses sujets. Mais pour la tranquillité, on peut avoir des doutes.
Salon à Sagan
Elle a un train de vie somptueux, riches équipages, avec une voiture à six chevaux pour elle, domesticité innombrable, table luxueuse. Elle reproduit la grande vie qu’elle a mené avec Talleyrand. Les hôtes de la duchesse de Sagan repartent éblouis après un séjour chez elle. Elle détonne dans le milieu rigoriste, et économe, de l’aristocratie prussienne. Mais nul ne fait de reproche. A Paris, elle n’était que duchesse sans pouvoir ni influence, depuis la mort du prince. Ici elle règne, et qui commettrait un crime de lèse-majesté en critiquant une souveraine.
Autre salon avec le portrait de Talleyrand
Mais Dorothée n’aurait pas été elle-même si un nouvel homme n’était pas entré dans sa vie. Adolphe de Bacourt n’était plus qu’un ami très cher. Ses amants ont jusque là été des hommes modérés et, mis à part Talleyrand, appartenant à la moyenne noblesse. En 1843, elle rencontre le prince Félix Lichnowsky. Grande famille de Silésie par son père, grande famille hongroise par sa mère, une Zichy, cousine de la princesse Metternich.
Prince Félix Lichnowsky
C’est un aventurier qui a 20 ans de moins qu’elle. Officier prussien, il se battit aux côtés de don Carlos, prétendant au trône d’Espagne, et fut blessé. De retour en Prusse, il se bat en duel contre le duc de Nassau, ce qui lui vaut d’être exilé en Belgique.
Il étonne. “Une espèce de fou qui fait ici les cent coups” écrira le 31 janvier 1841, la reine Louise à sa mère. Il courtise une Ligne, puis une d’Arenberg. Dorothée et lui se rencontrent en août 1843. Tout les rapproche, un catholicisme intransigeant, une vision cosmopolite du monde, l’intelligence, l’ambition. Ils sont à leurs yeux bien au-dessus des membres de leur classe. Le roi de Prusse est leur ami à tous les deux, la reine un peu moins.
Etrangement dans ses Mémoires, Dorothée n’en parle pas. Et pourtant elle est tombée sous le charme de cet homme beau, spirituel, élégant avec une grande connaissance du monde. Il aime la politique, elle aussi. Il sera élu en 1847 à la Diète qui préparait l’unification de l’Allemagne sous l’égide de la Prusse. Puis en 1848, à l’Assemblée de Francfort.
Le 18 septembre, pris dans une émeute populaire, il est sauvagement battu et meurt le soir même dans de grandes souffrances. Lui qui avait défié en duel les grands noms d’Europe était assassiné par ceux qu’ils devait considérer comme “la canaille.”
Mort du Prince Félix Lichnowsky
Dorothée aura du mal à se remettre. Sur l’image mortuaire de Félix, elle écrivit : “ Que Dieu l’ait en sa Sainte Garde et me le rende bientôt dans l’éternité qui approche.”
1848 vit aussi la révolution en France qui mit fin à la Monarchie de Juillet. Ses amis Orléans étaient sur les routes de l’exil après “le coup de foudre de l’abdication de Louis-Philippe…La pauvre Madame Adélaïde est morte à temps et Dieu a récompensé sa tendresse fraternelle en lui évitant cette amère douleur”. ( Berlin le 28 février 1848)
Puis c’est au tour de Metternich d’être chassé du pouvoir. L’Europe entière tremble. “Les choses se gâtent, ici, de plus en plus. On a fait l’autre nuit, sauter méchamment des pétard près du château. Nos précautions sont prises, ma défense armée organisée, et, s’il faut périr, ce ne sera pas sans lutte. Je ne m’enfuirai pas, je n’ai aucune peur personnelle, parce que j’ai une grande indifférence pour moi-même; et puis, le courage et la détermination en imposent toujours.” ( Sagan-1er octobre 1848)
Elle le prouva car quand le peuple de Sagan attaqua la caserne et l’hôtel de ville, c’est à elle que l’on fit appel pour rétablir l’ordre. Et elle réussit.
Le réveil des peuples comme sont qualifiées les émeutes et révolutions partout en Europe changèrent beaucoup de choses. Le règne de la Sainte-Alliance était fini, le Traité de Vienne de 1815 déchiré. Le monde dans lequel Dorothée avait vécu mourait.
Toutefois, les évènements passés et l’Autriche revenu à une situation autocratique sous le règne de François-Joseph, la Prusse voyant son étoile monter dans le monde allemand, la France s’étant donné un empereur, Dorothée ne changea rien à son train de vie.
Ses Mémoires sont pleins d’évènements mondains, d’anecdotes, de noms d’amis royaux ou princiers. Ils sont passionnants car ils nous livrent une vision riche et vivante du monde aristocratique et princier avant 1870, date qui fit basculer l’équilibre établi entre les puissances européennes, donnant à la chère Prusse de Dorothée une ascendance dans la vie internationale, qui se terminera par la catastrophe de 1914.
Sagan vu du parc
Mais Dorothée, avec amis et amants, avait aussi une famille qui comptait pour elle, ses enfants, ses petits-enfants, ses neveux. La sémillante duchesse de Dino était devenue, tout en restant aussi belle, la duchesse de Sagan, à la tête d’un clan où tout n’allait pas toujours bien.
Son immense fortune, que l’on a du mal à imaginer et à évaluer, ne pouvait pas être sans poser de problèmes. Elle était bien gérée et malgré son train de vie quasi royal, elle n’était en rien diminuée. Mais elle avait des enfants avec des besoins et des souhaits qui venaient la contrarier. Au féodalisme prussien s’opposait l’égalitarisme français.
Les biens les plus visibles de la fortune de Dorothée, en France, étaient sa propriété de Rochecotte et son hôtel particulier de Paris, Valençay appartenant à son fils Louis.
En Silésie, il y avait Günthersdorf et Sagan, deux châteaux, des dizaines de milliers d’hectares de terre et de bois, des villages entiers. Des milliers de personnes dépendaient directement ou indirectement d’elle. Et il y avait les collections de tableaux, de meubles, et probablement des comptes bancaires un peu partout.
Louis de Talleyrand-Périgord
L’aîné de ses enfants, Louis, fut maire de Valençay de 1836 à 1875. Il fut créé Pair de France en 1845. Enfant sérieux, élève appliqué, il se révèle dans la vie un mondain prodigue au point que sa femme, Alix de Montmorency, se sépara de lui par jugement en date du 28 août 1846. On le dit « petit, mal fait, mais ayant plus grand air qu’un souverain, d’une politesse exquise, d’une élégance raffinée ».
Alix de Montmorency, Périgord par Calude Marie Dubufe
Il était duc de Valençay par courtoisie, il sera duc de Talleyrand à la mort de son père, en 1872. Conformément aux vœux de sa mère, il sera prince de Sagan du vivant de cette dernière, puis duc de Sagan. Il fut membre de la Chambre des Seigneurs de Prusse, à laquelle il ne mit jamais les pieds.
Alexandre de Talleyrand-Périgord, duc de Dino
Le second, Alexandre, filleul de l’empereur de Russie, Alexandre Ier, sorti de Navale, restera dans la marine jusqu’en 1835. On le retrouve engagé comme officier d’état-major à la suite de l’armée sarde, en 1848, puis capitaine au ler régiment de la Légion étrangère en 1855. Il participe à la campagne de Crimée et se trouve présent au siège de Sébastopol.
Valentine de Sainte-Aldegonde
Son épouse et lui défraient la chronique à Florence. Valentine de Sainte-Aldegonde, belle, intelligente mais ambitieuse et cupide, avait été courtisée, avant d’épouser Alexandre, par le fastueux et extravagant prince Demidoff qui n’en voulut pas aux mariés car pour leurs noces il offrit deux fourgons de bonbons, remit à l’église un vase en or, dota six jeunes filles, fit distribuer 6.000 francs aux pauvres, châles et dentelles aux paysannes.
A la mariée, il offrit une parure en diamants de 30.000 francs. En 1840, il avait épousé la princesse Mathilde Bonaparte, fille du roi Jérôme et de Catherine de Wurtemberg. Dire que le couple ne s’entendait pas est un euphémisme.
Le prince Demidoff eut des maîtresses, sa femme des amants. Et parmi les maîtresses se trouvait Valentine de Talleyrand-Périgord, à qui la princesse Mathilde fit une scène violente au cours d’un bal, ce qui lui valut en retour, de la part de son mari, une paire de gifles administrées en public. A la mort de son père, en 1872, Alexandre devint troisième duc de Dino.
Prince Demidoff
Pauline de Talleyrand-Périgord, marquise de Castellane, n’était pas dans une situation plus brillante que ses frères. Elle avait épousé un jeune homme bien sous tout rapport, elle se retrouvait avec un mari qui la ruinait.
Il fit construire, entre autres, comme il était député du Cantal, un château au milieu de nulle part. Pauline, amoureuse et inconsciente, n’en était pas moins heureuse avec lui. Mais il mourut d’une chute de cheval le 16 octobre 1847.
Pauline, dès lors, vivra à Rochecotte, dans la dévotion, liée au catholicisme libéral représenté par le comte de Falloux et Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, qui avait obtenu la rétraction de Talleyrand.
La décision de Dorothée de donner Sagan à Louis mit le feu aux poudres. Alexandre et Pauline s’opposèrent à la décision leur mère. En fait, la duchesse de Sagan n’avait pas le choix car le duché devait revenir à son fils aîné, selon les termes mêmes du protocole l’investissant comme souveraine, à la suite de ses soeurs.
Mais à la loi féodale germanique s’opposait la loi française qui imposait l’égalité entre les héritiers. Sagan représentait à lui tout seul une très grande part de l’héritage de Dorothée. Le héritiers du duc Robert de Parme se trouveront également dans la même situation en 1906, à sa mort. Une fortune colossale répartie entre plusieurs états aux lois différentes. Les princes Sixte et Xavier de Bourbon-Parme intentèrent un procès à leur frère aîné, qui était considérablement avantagé du fait des conflits de lois.
Le 14 septembre 1847, la mère et ses enfants signèrent un pacte de famille, pour mettre fin à cette querelle d’héritage. Louis, qui avait déjà Valençay, mais non du fait de sa mère mais de son grand-oncle, reçut Sagan avec ses droits patrimoniaux et seigneuriaux. Alexandre reçut Günthersdorf. Pauline eut Rochecotte.
Adolphe de Bacourt avait aidé à cette transaction car il avait considéré que l’aîné recevait bien trop et les cadets pas assez. Il y avait aussi de sa part un certain ressentiment contre Dorothée. Elle avait choisi la Prusse pour s’installer définitivement et avait un amant flamboyant, le prince Félix Lichnowsky.
Françoise de Bernardy, la biographe reconnue de la duchesse de Sagan, rapporte une lettre écrite par Dorothée à l’été 1846. A défaut de ses enfants, fâchés contre elle, elle recevait à Sagan “ma soeur (Jeanne, duchesse d’Acerenza), mes nièces et neveux (les Biron, descendants du frère cadet du duc de Courlande), mon beau-frère (Schulemburg, veuf de Whilhelmine), des voisins (dont Lichnowski)… m’apportent assez de mouvement et de diversité pour que ma vie retirée ne soit pas solitaire.”
La tourmente passée, Dorothée pouvait à nouveau recevoir sa famille, à l’exception d’Alexandre qui ne renoua pas avec elle.
Dorothée avait onze petits-enfants, cinq chez son fils aîné, Louis, quatre chez Alexandre et deux chez Pauline. La première, Valentine, était née en 1830, le dernier, Archambaud, en 1845.
Elle eut la joie de voir se marier certain de ses petits-enfants, Valentine de Talleyrand-Périgord en 1852 avec le vicomte Etchegoyen, Boson de Talleyrand-Périgord en 1858 avec Jeanne Seillière, à l’occasion duquel Napoléon III l’autorisa à porter en France le titre de prince de Sagan, Clémentine de Talleyrand-Périgord en 1860 avec le comte Orlowski et enfin Marie de Castellane en 1857 avec le prince Radziwill.
Marie de Castellane
Le mariage de Marie de Castellane fut une grande joie pour Dorothée. Sa petite-fille Clémentine en épousant le comte Orlowski, de 25 ans son aîné, faisait un beau mariage car son mari était noble et très riche.
Mais le 3 octobre 1857, à Sagan, Marie faisait un mariage rêvé. Son mari était Antoine, prince Radziwill. Il devait servir dans l’armée prussienne, être général d’artillerie, aide de camp de l’empereur d’Allemagne, Guillaume Ier. Il sera le chef de la maison princière de Radziwill. Il avait tout pour plaire à Dorothée. Il était d’une famille non seulement richissime mais de rang souverain comme elle, les Radziwill étant une des familles les plus importantes de Pologne-Lituanie, mais il était surtout le petit-fils de sa marraine, la princesse Louise de Prusse, épouse du prince Antoine Radziwill.
Il ne déplaisait pas à Marie mais l’idée de se marier pour aller vivre si loin de la France ne lui convenait pas. Elle finit pas être conquise par les manières et la gentillesse du prince et de sa famille. Marie n’eut pas à regretter ce mariage célébré en présence du roi de Prusse, son union fut heureuse. Sa descendance s’est alliée avec les premières maisons de Pologne : princes Czetwertynski, Czartoryski, Lubomirski, comtes Palffy et Tyskiewicz, et bien d’autres Radziwill. Elle mena une vie mondaine de premier rang à Berlin. En Silésie, elle avait le château de Klienitz, offert par sa grand-mère, situé au nord de Sagan.
Château de Klienitz
Françoise de Bernardy rapporte la lettre écrite par Dorothée le 24 septembre, avant le mariage : “ J’ai beau être occupée ici de tous les arrangements matériels d’une noce, ayant ma grosse maison à diriger, ma fortune à gouverner, celles des autres à sauvegarder; du monde à recevoir, à amuser, le roi à attendre…” Tout était en l’air au château de Sagan.
La bibliothèque
Un salon
Un cabinet
Un autre cabinet
Dorothée connut de son vivant quatre de ses arrières petits-enfants, dont Hélie de Talleyrand-Périgord (1859-1937) duc de Talleyrand, duc de Sagan qui épousera la richissime Anna Gould, divorcée d’un autre arrière-petit-fils de Dorothée, le célèbre Boniface de Castellane (1867-1932).
La descendance de Dorothée est nombreuse. Elle est tout un Bottin Mondain à elle seule, qui a fait et aurait encore fait le bonheur de Marcel Proust.
Stéphanie de Beauharnais
Il y eut aussi les grands amis. Stéphanie de Beauharnais, grande-duchesse de Bade, était de son premier cercle. Elle se retrouvaient en Allemagne et à Nice. Stéphanie ne séjourna jamais dans une aucune des résidences de Dorothée.
A la mort de la grande-duchesse en janvier 1860, la duchesse de Sagan écrivit : “Elle était bonne, aimable. Elle était restée pure dans les circonstances difficiles de sa jeunesse ; elle était restée fidèle, elle avait goût et confiance en moi, elle m’avait souvent défendue, c’était une contemporaine, bien des souvenirs agréables ou intéressants se rattachaient à elle ; ses défauts qui n’étaient que des faiblesses ne m’ont jamais fait souffrir. Enfin, j’ai des larmes dans les yeux et dans le coeur.”
Il faut rappeler que Stéphanie de Beauharnais, princesse impériale de France, avait été marié au grand-duc de Bade, de par la volonté de Napoléon. Mal reçue à Bade, au début, elle avait su conquérir toute la famille de son mari, dont sa belle-soeur, la reine de Bavière. Elle était une figure majeure et respectée de la société royale de l’époque, sans avoir aucune participation aux évènements politiques.
Baron de Barante par Ary Scheffer
Il y avait le baron de Barante (1782-1866), son ami depuis 1817. Anatole France disait de lui « Homme de beaucoup de tact, de sens et de finesse, homme de second plan mais qui a bien son originalité : c’est un janséniste aimable.”
Il ne fut jamais son amant. “Personne dans ce qu’on est convenu d’appeler mes amis ne m’inspire confiance suffisante pour que j’accepte absolument leur avis. Vous seul m’auriez trouvé docile car vous seul m’auriez trouvée confiante et sans réserve. ”
Il dit d’elle “Je vous écrit d’Orléans où je suis venu passer deux jours avec Mme de Talleyrand. Elle se conserve merveilleusement et ne vieillit pas. Elle aime mieux sa vie princière et féodale de Sagan que le séjour en France, et en vérité cela se conçoit” .
François Guizot par Nadar
Il y eût François Guizot (1782-1874), l’homme d’état de la Monarchie de Juillet. Elle a été amoureuse de lui mais il lui avait été enlevé par l’amie rivale, la princesse de Lieven.
Il écrivit : “Je l’ai beaucoup vue. Elle s’est prise ou reprise de goût pour moi. Encore belle à 65 ans, les mêmes yeux, la même taille. Toujours Circée. Et le même esprit : toujours grand, libre, ferme, simple, sympathique… C’est dommage qu’elle soit devenue une grande dame allemande et qu’elle vive presque toujours en Silésie.”
Il se sont échangé des centaines de lettres. La princesse Lieven morte, il retourna à Dorothée. Il avait 70 ans, elle en avait 64. A sa mort, il dit d’elle “C’était un esprit supérieur, une grande âme à travers tous ses emportements, et d’une société charmante. Après nous être beaucoup rencontrés, elle et moi, dans le cours de notre vie, et avec goût l’un près de l’autre, vie bien incomplète et bien courte » (du 24 septembre).
“J’ai une peine infinie à me persuader que je ne verrai plus ces yeux tour à tour si brillants et si profonds, que je ne jouirai plus de cette conversation, riche, simple, ferme, qui avait la grâce dans la forme et laissait toujours entrevoir plus qu’elle ne disait. Le coeur est comme les yeux. Il ne croit pas tout de suite, au vide qui l’attend” (du 30 septembre). “Toute incomplète qu’a été ma relation avec elle, la trace est profonde”
Bacourt, son ami amant, lui resta fidèle jusqu’à la fin. Il ne se maria jamais. Il aida Dorothée à mettre de l’ordre dans ses affaires, à la veille de sa mort.
Le 9 septembre, elle lui remit la garde des papiers de Talleyrand et en particulier de ses Mémoires, dont Bacourt était co-dépositaire. Le prince avait prescrit d’attendre trente ans après sa mort pour les publier. Selon ses ordres, il réunit ses textes et correspondance à publier. Il fut son exécuteur testamentaire.
Il y eut bien d’autres amis. Il y eut aussi bien des amants, connus ou inconnus.
La duchesse de Sagan allait bientôt quitter la scène de ce théâtre dont elle avait été la prima donna si longtemps.
En 1857, déjà, au moment du mariage de Marie de Castellane, elle sentait sa santé décliner. “Ma santé me laisse dans une continuité de souffrances qui, jusqu’à présent, ne vont pas à l’état d’infirme proprement dit…”.
La foi de sa fille Pauline l’édifiait et l’aidait à se préparer à mourir : “Elle voit plus clair au-delà de ce monde que dans ce monde. Ma vie est bien moins sérieuse, plus exigeante, l’avenir est, pour moi, à la fois certain et obscur. J’y crois, mais je n’y vois pas.” (6 mars 1861)
Aujourd’hui, on dirait qu’elle n’a que 68 ans, mais à l’époque, elle appartenait à la catégorie de ceux qui ont vécu vieux. Elle appelle sa vie “mon pèlerinage”.
Mais il fallut un accident pour abattre la duchesse de Sagan. Fin 1861, sa voiture versa et il fallut un long moment pour porter secours à Dorothée, prise sous un orage de grêlons.
Pour se remettre de ses contusions, elle partit prendre les eaux à Ems, la station de cure des têtes couronnées, puis à Schlagenbad, dans le grand-duché de Hesse, aux eaux connues pour leur vertus contre les rhumatismes depuis le XVIIIe. “Ems m’a fait grand mal. Je ne pense pas que Schlangenbad fasse merveille. Je ne vois aucune issue ; mais il y a une fin et peut-être est-elle proche. J’ai encore quinze jours à passer ici, puis je rentrerai dans mes foyers plus malade que je n’en suis sortie. Il ne me reste plus qu’à me cacher, à souffrir, à me souvenir, et à attendre en me préparant le mieux que faire se peut. J’y mets beaucoup de bonne volonté. Cela suffit-il ?” Ecrivit-elle à Barante, dans sa dernière lettre.
Avant de partir en cure, elle avait écrit dans ses Mémoires : “Voici le joli mois de mai arrivé tout plein de soleil, de verdure et de parfum. Eh bien ! Tout cela me semble une dérision car ce soleil n’éclaire pour moi que des souffrances qui augmentent à chaque instant de cruauté. Je n’ai, pour ainsi dire, plus un moment de vrai répit. Cependant voici deux jours que je suis sortie; mais hier après une tournée d’une demie-heure dans le parc, je suis rentrée pour être torturée avec une arme incessante qui vient de me ressaisir”.
Ses Mémoires prennent fin là.
Elle ne fit pas appel à sa famille bien qu’elle sentît la fin approcher. La nouvelle de sa maladie ayant été divulguée par la presse allemande, ils arrivèrent à Sagan. Mais Dorothée était morte dans les bras de Bacourt le 19 septembre 1862, après lui avoir remis ses Mémoires – un monument où sont commentés et décrits les dessous de la politique européenne, le commérages mais aussi les secrets des cours et des salons, trente ans de lectures et voyages, visites et réceptions, hommes et monuments – pour les transmettre à sa petite-fille Marie, princesse Radziwill, qui les fit publier en 1909, témoignage monumental de trente ans d’Histoire, de la vie de la France, sous la Restauration en particulier, mais aussi de la vie dans toutes les cours, petites et grandes de l’Europe.
Elle souhaitait que son cœur repose près de la tombe de Talleyrand à Valençay. Cela ne fut pas respecté. Elle est inhumée dans le caveau de l’église Kreuzkirche à Sagan.
Kreuzkirche où sont enterrées Dorothée et Whilhelmine
Que reste-t-il de l’immense fortune de la duchesse de Sagan, aujourd’hui ? Rien par rapport à ce qu’elle a été mais sa descendance en vécut certainement très bien avec les aléas de l’effondrement du monde aristocratique en France en 1918 et en Europe orientale en 1945.
Sagan avant la Deuxième Guerre Mondiale
En 1951, l’état polonais accorda une indemnité de six millions de dollars pour la nationalisation du domaine constituant l’ancien duché de Sagan. Cette indemnisation, qui donna lieu à différents procès et jugement quant à sa répartition entre Jean Morel, héritier de Boson de Talleyrand-Périgord (1867-1952) duc de Sagan et Violette de Talleyrand-Périgord, nièce de ce dernier, fit l’objet d’un recours devant la cour de cassation en en 1976.
Hélie de Talleyrand-Périgord, 5ème duc de Sagan
Il n’existe plus de Talleyrand-Périgord. Boson de Talleyrand-Périgord (1867-1952) frère d’Hélie que Dorothée avait connu, 6e duc de Talleyrand, 5e duc de Sagan, dit “duc de Valençay” reconnut le 10 mai 1947 et légitima par mariage subséquent en 1950 Jean Morel (1929-2014), fils de sa troisième épouse, Antoinette Morel, qui porta le nom de Talleyrand-Périgord.
Sur demande d’Hélie de Talleyrand-Périgord (1882-1968), 7e et dernier duc de Talleyrand, 7e et dernier duc de Dino (1952), dernier duc de Sagan (1952), cousin issu de germain des précédents, la reconnaissance et légitimation furent annulées par jugement rendu par le Tribunal Civil de la Seine en date du 26 mars 1953 et décision de la cour d’appel de Paris en janvier 1955.
Jean Morel resta néanmoins héritier universel du duc de Talleyrand et de Sagan.
Hélie de Talleyrand-Périgord mourut sans descendance. Sa cousine, Violette, fille du 5ème duc de Sagan et d’Anna Gould, reprit le titre de duchesse de Sagan, par courtoisie, mariée en premières noces au comte James de Pourtalès puis à Gaston Palewski, président du Conseil Constitutionnel de 1965 à 1974, par ailleurs amant de Nancy Mitford.
Violette de Talleyrand-Périgord fut la dernière à porter le nom sans avoir à en demander l’autorisation. Son fils, Hélie de Pourtalès, né en 1938, fut autorisé par décret du 13 octobre 2005, à ajouter à son nom patronymique celui de Talleyrand-Périgord, afin de s’appeler Pourtalès de Talleyrand-Périgord.
Que reste-t-il de Dorothée dans la mémoire universelle ? Elle continue d’exister grâce à Marcel Proust qui fut fasciné par elle. Il connut et rencontra ses petits-fils dans le monde avec une gaffe monumentale, le jour où confondant le duc de Sagan et le duc de Brissac, fit, se croyant spirituel, au premier une remarque sur la dot de sa femme née Anna Gould. Sagan, outré, ne l’oublia pas.
Enfin, Françoise Sagan n’est Sagan que d’emprunt mais le nom résonne encore grâce à elle.
Dorothée de Biron, princesse de Courlande, comtesse Edmond de Talleyrand-Périgord, duchesse de Dino, duchesse de Talleyrand et enfin duchesse de Sagan, fut une femme libre, libre dans sa pensée et libre dans ses amours. Profondément attachée à la société aristocratique qui était la sienne, elle n’en respectait les règles que tout autant qu’il lui convenait de le faire. Elle fut certainement une des plus grandes figures du XIXe siècle.
Violette de Talleyrand-Périgord.
Un grand merci à Patrick Germain qui nous a fait vivre en 8 épisodes toute la destinée de Dorothée de Courlande, un travail colossal d’écriture, recherches et iconographie.
Régine ⋅ Actualité 2020, France, Portraits, Prusse 63 Comments
Mary
27 avril 2020 @ 09:02
Merci Patrick Germain !
Très intéressant mais un peu triste,tous ces écroulements de sociétés, les unes après les autres.
Dorothée ne s’est pas ennuyée !
Jean Pierre
27 avril 2020 @ 09:03
Je ne peux que féliciter l’auteur pour ce travail qui non seulement retrace la vie d’une femme mais aussi tout une époque faite d’intrigues, de voyages et de bouleversements.
On y croise beaucoup de monde mais bizarrement peu de la colonie polonaise de Paris de cette époque mis à part Adam Czartoryski bien sûr.
Cela m’a aussi permis d’apprendre que la princesse de Lieven était l’égérie de Guizot, je ne voyais pas l’austère calviniste avec une magouilleuse.
Proche de Stéphanie de Beauharnais, je me demande si Dorothée avait reçu des confidences sur Kaspar Hauser.
Encore bravo Patrick/Cosmo.
Robespierre
27 avril 2020 @ 11:47
J’ai l’impression que Kaspar Hauser était un sujet tabou, pcq trop douloureux, dans cette famille. Mais moi j’y crois à cette histoire.
Damien B.
28 avril 2020 @ 13:25
Alors que je ne suis vraiment pas adepte des théories survivantistes, je crois également que Kaspar Hauser était bien le fils de Stéphanie de Beauharnais officiellement mort en 1812 deux semaines après sa naissance, mais qui a survécu jusqu’en 1833.
Robespierre
29 avril 2020 @ 09:44
Ah, vous me faites plaisir. La preuve de la survivance, pour moi, c’est qu’on l’a assassiné.
Patrick Germain
27 avril 2020 @ 14:38
Vous avez raison. La communauté polonaise de Paris est absente de la vie de la duchesse de Sagan. J’y vois comme raison que les Polonais de Paris y vivaient en exil, à la suite des différents soulèvements de la Pologne contre l’autorité russe. Talleyrand et Dorothée étaient bien trop proches du pouvoir à Paris et à Saint-Petersbourg pour fréquenter des insurgés.
Céline du Québec
27 avril 2020 @ 14:57
Il faudrait nous parler de l’énigme de Kaspar Hauser. Ce serait très intéressant.
Robespierre
29 avril 2020 @ 09:46
Je propose que Damien B nous l’explique. Il le fera mieux que moi, car je n’ai pas les noms et les dates en tête, et en plus je ne suis pas historien.
Damien B, svp, faites-nous une rubrique Kaspar Hauser.
Damien B.
29 avril 2020 @ 15:43
Oh c’est trop d’honneur Robespierre, d’autant plus que je n’ai pas accès en ce moment aux documents qui corroborent cette thèse.
Je vais quand même vous donner un scoop : une petite-fille de Stéphanie de Beauharnais et donc nièce potentielle de Kaspar Hauser, avait lu l’histoire de son « oncle » et trouvait cela étrange. Elle n’a pas rejeté cette thèse et en a parlé à ses proches.
Patrick Germain
30 avril 2020 @ 10:14
Cher Robespierre,
Voici ce que l’on sait de l’énigme
Le 26 mai 1828, un jeune homme est découvert dans les rues de Nuremberg, en Bavière. Il s’agit de Kaspar Hauser. Il semble avoir environs 16 ans. Il dit avoir vécu enfermé dans un cachot depuis sa naissance avec pour seule visite un homme vêtu en noir. La légende se répand qu’il serait un fils de grande famille, voire d’une famille royale. Dès lors, certains voient en lui le fils du grand-duc de Bade, Charles et de la grande-duchesse Stéphanie de Beauharnais, qui aurait été enlevé par des membres de la famille morganatique du grand-duc afin de lui succéder à défaut de descendant mâle. En effet l’enfant, mis au monde par la grande-duchesse le 30 avril 1812, est mort quelques jours après. Selon la rumeur, il aurait été enlevé et un enfant mort aurait été mis à sa place, que Stéphanie n’a pas été autorisée à voir. La reine Caroline de Bavière, née princesse de Bade et belle-sœur de la grande-duchesse Stéphanie, s’intéressa à cette affaire qui la touchait de près, en sa qualité de tante supposée de l’enfant. Kaspar Hauser fut assassiné le 17 décembre 1833, après avoir déjà été victime d’une tentative d’assassinat le 17 octobre 1829. Le grand-duché de Bade, après les morts successives de Charles et de Louis Ier son oncle, passa dans les mains de Léopold Ier, demi-frère de Charles, comme issu de la seconde union, morganatique, de son père avec la comtesse de Hochberg. Léopold fut marié à Sophie, princesse de Suède, nièce de Caroline de Bavière, comme étant la fille de sa sœur Frédérique, un temps reine de Suède, le 25 juillet 1819.
La grande-duchesse Sophie de Bade voyant son mari accéder au trône en 1830 aurait été dépitée de constater qu’il existait un risque de mise en cause de cette accession, s’il était prouvé que Kaspar Hauser était bien le fils de Stéphanie et s’il était reconnu par elle car la grande-duchesse Stéphanie, après l’avoir vu de loin, en fut même persuadée mais par dignité et sens du devoir n’en souffla mot. La rumeur prêta l’assassinat du garçon à Sophie. Consterné, le grand-duc Léopold sombra dans l’alcoolisme et s’éloigna de sa femme qui prit un amant. On doute donc fort de la légitimité de la princesse Cécile qui naquit en 1839. En 1848, le couple grand-ducal dut s’enfuir devant la Révolution avant d’être rétabli par les troupes prussiennes. Léopold mourut en 1852. Son fils régna sous le nom de Louis II mais avait déjà sombré dans la folie, nourrissant une haine incontrôlable envers sa mère qu’il traitait publiquement de sorcière. Son frère cadet, Frédéric de Bade, fut déclaré régent puis accéda au trône en 1858. La populaire et discrète grande-duchesse douairière Stéphanie s’éteignit dignement en 1860, à Nice.
Dans deux lettres successives une du 23 décembre 1833 et l’autre du 4 janvier 1833, la reine Caroline de Bavière évoque l’assassinat en le condamnant fermement : “ L’horrible assassinat du pauvre Kaspar Hauser est aussi une chose qui intéresse généralement. Quelle atrocité de poursuivre ce malheureux sans relâche jusqu’enfin les scélérats réussirent à le détruire ”. (Document 770-3) puis : “ Imaginez-vous que malgré une fin si chrétienne et malgré une vie pure et innocente, on eut la méchanceté de répandre qu’il s’était tué lui-même (avec l’intention de se blesser seulement) pour se rendre intéressant…. D’après l’avis de tous les médecins et chirurgiens, que la chose était physiquement impossible. Enfin hier au bal d’après une foule de nouveaux renseignements lui (Lord Stanhope qui s’était occupé de Kaspar Hauser) et d’autres commencèrent à abandonner cette injurieuse supposition. Mais malgré la promesse de dix mille francs, je crains bien qu’on ne découvrira jamais cet abîme d’iniquité. ” (Document 777-3) Elle déclare en être touchée aux larmes, bien qu’elle évite de se prononcer sur un lien familial éventuel entre elle et Kaspar Hauser. Son intérêt est pour le moins troublant. Dans les réponses qui suivent cette lettre, l’archiduchesse Sophie ne fait pas allusion à Kaspar Hauser. Il est possible que cette affaire ennuyeuse pour sa famille maternelle n’ait pas été de son goût et qu’elle ait préféré l’ignorer.
Amicalement
Patrick
Pierre-Yves
27 avril 2020 @ 09:56
Cher Patrick, vous méritez de chaleureux remerciements et éloges pour ce voyage biographique mouvementé, baigné d’un tourbillon personnages, d’évènements et de lieux, que vous nous avez offert et qui, je le sais, représente un travail considérable.
S’il m’est arrivé de me sentir un peu dépassé par la foultitude de personnalités et de noms qui peuplent votre récit, j’ai finalement toujours réussi (enfin, je crois …) à retomber sur mes pieds.
Mais au bout du bout, et malgré cette existence hors normes dont on suit les rebondissements avec étonnement, je reste partagé à propos de Dorothée. Parfois, elle m’a été sympathique, d’autres pas vraiment.
Chaque fois que je lis la biographie de quelqu’un, je ne peux m’empêcher de me poser la question suivante: aurais-je aimé le/la connaître ? En ce qui concerne Dorothée, je reste avec mes doutes. La réponse qui me vient est: peut-être, mais alors de loin. Il me semble en revanche que vous, en travaillant sur elle, vous l’avez beaucoup appréciée.
Merci encore, cher Patrick.
Patrick Germain
27 avril 2020 @ 14:48
Cher Pierre-Yves,
Dorothée est un personnage fascinant, comme j’ai essayé de le montrer. Mais ce n’est pas un personnage sympathique, trop grande dame pour éprouver ou susciter ce sentiment. Elle a aimé et été fidèle à ses amis, pas forcément, à ses amants, mais elle avait peu d’amis. Elle suscitait des sentiments plus forts comme l’admiration ou le respect, parfois l’antipathie. Mais je crois qu’il en est de même pour tous les personnages à ce niveau de pouvoir. On s’incline beaucoup devant eux, avec parfois beaucoup d’hypocrisie car on n’en pense pas moins.
Cela dit, oui j’ai apprécié quelques semaines en sa compagnie, mais n’étant pas de son monde, si je l’avais approchée, elle ne m’aurait même pas remarqué. Je serais resté le vers de terre, pas forcément amoureux de l’étoile…
Amicalement
Patrick
JAY
27 avril 2020 @ 09:59
Quel destin, quelle fortune, quelle triste descendance.
Antoine
27 avril 2020 @ 10:05
Déjà fini ! Les bonnes choses s’achèvent toujours trop tôt. Cette Marie-Madeleine a eu une vie bien agitée mais semble avoir été bonne avec ses inférieurs. Une femme aimable qui ignorait la fidélité en amour ce qui lui a permis de faire davantage d’heureux (et de malheureux)… De nos jours il n’y aurait plus grand monde pour se formaliser de ses écarts. Doit-on s’en féliciter ?
Robespierre
27 avril 2020 @ 10:12
Les affaires d’héritage finissent souvent en brouilles irrémédiables. Le fils Alexandre qui cessa de parler à sa mère, c’est quand même raide.
Dorothée préféra régner comme une souveraine à Sagan que vivre parmi ses enfants et petits-enfants. J’ai l’impression qu’elle n’avait pas tellement la fibre maternelle, mais je peux me tromper.
Claude
27 avril 2020 @ 10:25
Terrible décès, à 20 ans, de Howard, frère de Violette, qui aurait pu perpétuer la lignée.
Robespierre
27 avril 2020 @ 10:35
Le mariage de Gaston Palewski, sexagénaire, avec Violette de Talleyrand-Perigord fut quelque chose de douloureux pour Nancy Mitford. Gaston Palewski avait eu une brève liaison avec Nancy Mitford pendant la dernière Guerre, en Angleterre. Et elle était tellement amoureuse de lui qu’elle alla s’installer en France à la Libération. En fait, c’était une passion à sens unique, Palewski continua à la fréquenter, parce qu’il aimait entendre toutes sortes de commérages mondains, et la romancière l’amusait. Nancy était pour lui une amie mais pas plus. Comme il était célibataire et Nancy divorcée depuis longtemps, elle espera toujours un mariage avec lui. Mais elle n’était pas assez riche, elle vivait de sa plume et ne représentait pas pour l’homme politique une alliance prestigieuse. Violette de T-P était l’épouse idéale, et quand Palewski se maria, ce fut très dur pour Nancy Mitford. Sa soeur, la duchesse de Devonshire dit à sa mort que finalement Nancy avait eu une vie « so sad ». Ce n’était pas faux. Etre une « chère amie » quand on aurait voulu être davantage, c’était triste en effet.
Nancy Mitford transpose Palewski dans son roman « the pursuit of love » .
Jean Pierre
27 avril 2020 @ 13:14
Moi je dis tant pis !
Qu’est ce que c’est que ces femmes dépendantes qui attendent l’homme toute leur vie ?
Oui Nancy a souffert, oui Palewski était un coureur mais oui Violette était belle !
Charlotte (de Brie)
28 avril 2020 @ 07:21
Fabrice de Sauveterre ?
On a souvent dit qu’il y avait chez Palewski un côté proustien et que Violette de Talleyrand Périgord était sa duchesse de Guermantes.
Prenez soin de vous Robespierre et soyez prudent même si les masques arrivent, ils ne suffiront pas si les gestes barrière ne deviennent pas automatiques. mais je suis convaincue que vous l’êtes… convaincu de leur utilité.
Robespierre
28 avril 2020 @ 11:50
Merci Charlotte, je porte des masques depuis le début du mois de mars et je fais très attention à moi.
Oui, Fabrice de Sauveterre, mais avec un titre ronflant, était le Palewski du livre. On dit que la bio sur Madame de Pompadour qu’a commise N. Mitford s’étale sur les sentiments intenses de la dame, et que l’auteur en filigrane compare Louis XV à Palewski. Ce livre est divertissant.
Robespierre
28 avril 2020 @ 12:58
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Palewski réfugié à Londres avec d’autres hommes qui avaient suivi le général de Gaulle, fut flatté d’être l’objet des attentions d’une aristocrate anglaise, amusante et pleine de fantaisie. Mais après la Libération, étant devenu un personnage important en France, Nancy Mitford ne faisait plus le poids. Elle n’avait pas d’argent, tout en ayant bcp d’entregent. Au lieu de faire une rupture nette avec elle et lui enlever ses illusions, il resta un ami et un visiteur, se régalant des anecdotes anglaises et françaises qu’elle lui racontait sur ces gens importants qui invitaient la romancière, tout de même bien apparentée. Nancy Mitford était coutumière des illusions sur les hommes de sa vie. Avant la guerre, avant son premier mariage éclair, qui ne dura pas, elle resta des années attachée à un compatriote qui se moquait d’elle et refusa un homme de valeur, de son milieu. Elle avait le chic pour perdre du temps avec des hommes indifférents.
Sa vie m’intéresse, mais comme personne, elle ne me plait pas. Trop snob, et aussi raciste.
LPJ
27 avril 2020 @ 10:50
Petite curiosité généalogique : Hélie de Pourtalès de Talleyrand-Périgord a épousé en secondes noces Marie-Eugénie de Witt, descendante des Bonaparte par sa mère née Princesse Clotilde Napoléon. Le couple n’a pas eu d’enfant.
Leonor
27 avril 2020 @ 11:46
Alors,mon cher Cosmo,…
Je n’ai encore rien lu de votre travail.
Certes pas par dédain, bien au contraire.
Parce que je vais me le tirer sur papier, proprement agrafer les feuillets, et en savourer la lecture au fond de mon canapé ,d’abord au grand galop, et ensuite la relecture à petites gorgées . Puis l’archiver très soigneusement auprès de mes autres ouvrages sur la Courlande .
C’est un vrai cadeau que vous nous avez fait, à nous lecteurs du site de Dame Régine.
Chapeau bas, et moult remerciements.
**********
Annexe :
– L’un de mes fils , féru d’histoire militaire comme nous sommes plusieurs à l’être dans la famille, est en train de se pencher très précisément sur l’histoire de la Poche de Courlande , WW II , un drame poignant, entre autres bien sûr .
– Et moi, sur l’histoire des pays baltes aux XXe s. et en ces débuts du XXIe s.
Entre autres raisons, parce que j’ai été amenée à travailler avec des Estoniens, en Estonie à une époque de ma carrière .
– Un autre de mes fils était allé voir jusqu’à Tobago . Un peu par hasard, certes, mais…
L’histoire de ces pays est complexe et dramatique. Comme pour nombre de pays ou régions de petite taille, frontaliers ou en position géographique stratégique, constamment disputés, et trop petits pour pouvoir se défendre et faire entendre leur voix, donc contraints de se soumettre à la loi du plus fort, cf.La Fontaine.
Oui, bien sûr, cela me parle…
*******
Encore merci, cher Cosmo.
Cosmo
28 avril 2020 @ 12:33
Cher Leonor,
Avez-vous lu la Saga de Youza?
Bonne lecture en compagnie de la duchesse.
Amicalement
Cosmo
Brigitte - Anne
28 avril 2020 @ 13:01
Leonor , ces articles demandent à être relus . Alors je vais faire comme vous , les imprimer !
ciboulette
27 avril 2020 @ 12:09
Merci encore , cher Patrick Germain , pour ce récit qui m’a tant appris sur cette époque mouvementée . Un beau portrait de femme .
Nuage Pâle
29 avril 2020 @ 17:11
Trop impatiente, je n’aime pas les feuilletons, mais maintenant je vais me régaler d’une seule traite . Je pressens que ça va être passionnant. !
Aramis
27 avril 2020 @ 12:31
Merci merci Cher Cosmo pour nous avoir conté avec le brio qui vous caractérise et multiples documents à l’appui cette aventure qui croise, avec le congrès de Vienne, le destin de la France. Mais Dieu que les mœurs pouvaient être libres….!
Alinéas
27 avril 2020 @ 12:35
Encore grand merci Patrick Germain pour la dernière partie de ce portrait ; votre travail considérable vous a permis de retracer la vie de cette femme à une époque très mouvementée pleine d’intrigues et de voyages !
Mer déchaînéead
27 avril 2020 @ 12:39
Très intéressant , bon à savoir .
Merci pour ces articles .👀
Avel
27 avril 2020 @ 12:49
Merci beaucoup à Patrick Germain.
C’est un détail mais je trouve fascinant la capacité de tous ces gens à voyager en Europe comme si de rien n’était. Il fallait en avoir les moyens bien sûr, mais pas seulement , du temps aussi, des châteaux pour vous accueillir, des transports adaptés…
Galetoun
27 avril 2020 @ 13:25
Formidable ! Merci beaucoup!
Mayg
27 avril 2020 @ 13:39
Merci pour ce récit qui fut passionnant à lire. On peut dire que la vie de Dorothée fut riche en rebondissements.
Severina
27 avril 2020 @ 14:13
Merci beaucoup, Patrick Germain et Régine, pour une lecture qui a accompagné très agréablement ces tristes journées de lockdown à Milan.
Patrick Germain
27 avril 2020 @ 14:30
Un grand merci à tous ceux qui ont pris la peine de lire ces articles et pour certains de les commenter. Personnage peu connu du public aujourd’hui, Noblesse et Royautés a permis d’en savoir un peu sur Dorothée de Biron, princesse, duchesse etc..Un grand merci à Régine d’avoir eu la patience de les mettre en ligne. A bientôt pour d’autres articles !
Brigitte - Anne
28 avril 2020 @ 13:02
Ah oui , à bientôt pour d’autres articles ! D’avance Merci .
Actarus
27 avril 2020 @ 14:44
« Encombrée d’un mari peu encombrant » ? ;-)
Cosmo
28 avril 2020 @ 12:34
Cela m’a amusé de l’écrire.
Diane d’Ottawa
27 avril 2020 @ 15:07
Déjà terminé….Merci Patrick Germain pour ce portrait si bien documenté et si intéressant à lire.
Olivier Kell
27 avril 2020 @ 15:54
Merci beaucoup Patrick Germain
J’avoue que le parcours historique m’a beaucoup plus passionné que la vie en elle-même de cette Dorothée de Biron .
Brigitte - Anne
27 avril 2020 @ 18:37
Oui déjà finie ! Et si merveilleusement et finement racontée par Patrick Germain , joli plume . J’ai adoré vous lire . J’ai appris à mieux cerner Monsieur de Talleyrand et découvrir l’histoire ô combien riche et mouvementée et plus que » légère » de la Duchesse de Sagan , Dorothée de Biron et plus encore . Merci infiniment .
Caroline
27 avril 2020 @ 23:40
Très intéressant ! J’ avais quand même du mal à suivre toute la descendance de cette famille.
Merci à Patrick Germain pour son talent d’ historien et sa documentation précise !
Charlotte (de Brie)
28 avril 2020 @ 07:33
Merci infiniment Patrick Germain pour cette biographie d’une femme que je connaissais mal.
Voyage à travers une Europe en ébullition, destins qui s’entrecroisent, intrigues amoureuses et politico financières, votre commentaire richement documenté et l’iconographie qui l’accompagne m’ont enchantée. Mais à présent que le clap de fin a retenti je vais reprendre depuis le début, tranquillement voire un crayon à la main pour fixer tous les évènements, les lieux, les personnages.
Votre « reportage » ne pouvait pas mieux tomber qu’en cette période de confinement où nous pouvons prendre un peu plus de temps.
Merci encore.
Robespierre
28 avril 2020 @ 07:41
Je me demande si Jean Morel était le fils biologique ou non du mari de sa mère . L’auteur sait-il selon quels arguments la reconnaissance en paternité en faveur de Jean Morel fut annulée. Le cousin devait aussi avoir de bons avocats.
Jean Morel avait 18 ans quand il fut reconnu par un Talleyrand-Périgord. La partie adverse put peut-être prouver qu’à sa naissance sa mère et son dernier mari ne se connaissaient pas, enfin, je ne sais pas…
Iankal21
28 avril 2020 @ 09:13
Un condensé d’histoire, d’époques, de gens, de mœurs. Je reste admiratif devant votre travail, qui mérite d’être lu et relu, tellement la densité des évènements et la finesse des descriptions sont impossibles à saisir dans une seule lecture.
tristan
28 avril 2020 @ 10:28
Très intéressante série sur des personnages qu’on croyait connaître. Merci à Patrick Germain
Robespierre
28 avril 2020 @ 11:54
Je remercie Patrick Germain pour ce travail énorme. Nous avons mieux vécu le confinement en sachant que tous les matins la belle Dorothée serait au rendez-vous.
(et merci encore pour la dédicace).
Un autre travail c’est la recherche de l’iconographie, qui nous a permis de nous représenter les lieux. On n’a pas ça dans les biographies qu’on trouve en librairie. On a deux ou trois photos et c’est tout. Donc, une série de 8 chapitres sur N&R nous fait mieux voyager que dans les livres. Cela devait être souligné.
Damien B.
28 avril 2020 @ 13:18
Merci cher Patrick pour votre belle saga en huit épisodes de cette princesse de Courlande liée à un panorama géographique et politique dense et du plus haut intérêt.
juliepotdecolle
28 avril 2020 @ 13:43
Les trois filles de la princesse Diane d’Orléans descendent de Dorothée de Biron, par leur père, le vicomte Alexis de Noailles, petit-fils de Georges de Castellane, lui-même petit-fils de Pauline de Talleyrand, fille de Dorothée.
Patrick Germain
28 avril 2020 @ 14:49
Voici un complément d’information sur le litige qui a opposé Jean Gustave Morel et le duc de Talleyrand
« Boson duc de Talleyrand passe un acte notarié le 10 mai 1947, par lequel il déclare reconnaître comme fils, Jean Gustave, né le 29 septembre 1929, fils de père inconnu et de Antoinette Morel, qui devient la troisième épouse du duc en 1950. À l’occasion de ce mariage, Boson duc de Talleyrand légitime Jean Gustave, né Morel, comme son fils et le fait légataire universel de ses biens. Cette légitimation est contestée par Hélie, duc de Dino, marquis (puis 7e et dernier duc) de Talleyrand, par assignation en justice car mademoiselle Morel et le duc Boson ne se connaissaient pas à la date de la conception de Jean Gustave. La 1re chambre du Tribunal de la Seine, le 24 Nov 1950, déclare recevable la demande en raison du droit moral à la défense du nom de famille et le 26 mars 1953, ce tribunal constate le caractère frauduleux de la reconnaissance et annule les effets de la légitimation par mariage, ordonnant que Jean Gustave Morel cesse d’user du nom de Talleyrand-Périgord. Le tribunal relève dans les motifs de sa décision qu’à l’époque de la naissance de cet enfant, mademoiselle Morel vivait en concubinage avec un certain monsieur F…, avec lequel elle continue de vivre ensuite et signe de son nom. Des témoins établissaient que mademoiselle Morel avait rencontré le duc pour la première fois en 1941, lors d’un dîner chez un industriel lyonnais. Ce jugement est confirmé par la Cour d’appel de Paris en janvier 1955. Toutefois, ces actions en justice ne pouvaient faire obstacle à ce que Jean Gustave Morel restât le légataire universel des biens de Boson duc de Talleyrand, mort sans postérité en 1952. Le titre de duc de Talleyrand échut alors à Hélie de Talleyrand-Périgord, 6e duc de Dino, il devient le 7e et dernier duc de Talleyrand et de Sagan et meurt veuf et sans enfant en 1968, éteignant la race des ducs de Talleyrand. (source : journal L’Aurore du 21 février 1953) »
Robespierre
29 avril 2020 @ 09:59
merci pour ce post, drôlement intéressant. On peut se demander quelle emprise avait cette dame sur un vieillard libidineux de 80 ans pour lui faire reconnaitre un enfant qu’il n’avait pas engendré. Finalement, la sentence du Tribunal est juste. La demoiselle Morel avait tout de même réussi à se faire épouser par ce vieux fou, et faire coucher son fils sur son testament. Après avoir couché elle-même utilement et sans doute talentueusement. J’ai l’air pudibond ici, mais je ne suis jamais indulgent avec les vieux fous qui croient être aimés pour eux-mêmes et abdiquent tout bon sens.
Les grandes différences d’âges entre époux, je peux comprendre entre un grand artiste et une élève, genre Pablo Casals qui se maria à 70 ans, je crois, avec une jeune musicienne. L’admiration et l’Art rabotent les différences d’âge.
Maria
28 avril 2020 @ 23:15
Jean Morel ha avuto discendenti ?Se si e c ‘è ne sono ancora oggi potrebbero fare il test del DNA
Robespierre
29 avril 2020 @ 10:01
chiediamolo al nostro amico Patrick Germain o all’altro amico, Gerard.
Cosmo
29 avril 2020 @ 12:06
Maria,
Non credo che Morel ha avvuto discendenti. Lo controlo et Lo farvi sappere.
Maria
30 avril 2020 @ 16:22
Molto gentile Cosmo
Cosmo
1 mai 2020 @ 10:14
Maria,
Ho cercato ma non si parla mai d’un matrimonio o discendenti.
Robespierre
1 mai 2020 @ 14:18
Intéressant. A moins d’avoir dilapidé son argent comme maints héritiers, on se demande qui a finalement hérité du magot Talleyrand. Ou alors il est peut-être parti à l’étranger. Avec un bon viatique.
Cosmo
2 mai 2020 @ 09:51
Une fortune, aussi importante soit-elle, ne peut se maintenir que si elle est parfaitement gérée. Un château comme Valençay a dû couter une fortune avant 1952 et encore plus après. Jean Morel a certainement du consacrer une partie de cet argent à l’entretien de la propriété. Il l’a ensuite donnée au Conseil général de l’Indre, je crois, afin que le domaine reste ouvert au public. Il aurait pu le vendre à un riche étranger, amis son choix a été autre. Il semble qu’il ait été quelqu’un de bien, apprécié de tous…sauf des Talleyrand-Périgord, bien entendu.
Bon weekend
Robespierre
3 mai 2020 @ 12:13
merci pour votre recheche, Cosmo, ça n’a pas dû être facile. Si Morel a laissé le château au Département de l’Indre, c’est qu’il n’avait pas de descendance, et il a choisi le meilleur parti . Donc c’est grâce à lui que ce beau château peut se visiter. Finalement, il a fait honneur à son père »légal ».
Maria
7 mai 2020 @ 22:11
Merci Cosmo per la sua ricerca e merci per questi articoli storici che ogni tanto ci propone, spero ce né siano altri molto presto
ML
29 avril 2020 @ 16:43
Passionnant , encore merci en espérant que vous ayez le temps de nous présenter d »autres personnages assez peu connus .Je me souviens avoir lu dans la revue Historia , dans les années 60 un article concernant la duchesse de Dino , certainement édulcoré car j’avais eu l’autorisation de le lire !
Corsica
30 avril 2020 @ 05:56
Mon cher Cosmo,
En cette période de confinement vous avez réussi le miracle de nous faire chevaucher à travers l’Europe d’une époque révolue et ce, en compagnie de personnages hors du commun. Je me permets de vous saluer chapeau bas, plumes au plancher car je sais qu’une succession d’articles aussi denses et remarquablement illustrés, nécessite beaucoup de recherches et de travail, soyez-en sincèrement remercié.
Cordialement
Corsica
Pierre Stéphane
5 mars 2021 @ 19:03
Bonjour à tous
Quelques précisions concernant Jean Morel, (décédé en 2014). Ce dernier n’a pas » donné » le château de Valençay, les terres et la forêt de Gâtines au département. L’ensemble a été vendu en 1979. Le château a été acheté par le conseil général de l’Indre et la commune de Valençay. Terres et forêt ont été vendus notamment au travers d’une caisse de réassurance agricole et du Crédit agricole. Depuis, la forêt de Gâtines (1.800 hectares) a été revendue à plusieurs propriétaires. Château, terres et forêt ont été vendus à l’époque pour 25 millions de francs.
La vente était devenue inéluctable car Jean Morel n’avait plus les moyens d’entretenir un si vaste patrimoine (au moment de la vente il a même attenté à sa vie). D’autre part il a dû subir de nombreux procès de la part de la famille Talleyrand, concernant par exemple l’héritage de la principauté de Sagan (à l’issue de la guerre l’Etat polonais avait indemnisé la France pour les propriétaires ayant des possessions dans ce pays, par des livraisons de charbon… La France devant se charger de payer ces ex-possesseurs de biens en Pologne). Il a dû également faire face à des procès intentés par sa mère (duchesse de Valençay) qui, elle, n’avait hérité de rien à la mort de Boson de Valençay, Jean étant légataire universel. D’autre part, le « petit duc » comme l’appelaient les habitants de Valençay, a longtemps vécu sur un grand pied, sans bien gérer sa fortune et en faisant trop confiance à certains de ceux qui l’entouraient. Il roulait en Rolls, possédait une villa à Port-Grimaud, chassait à courre, skiait à Courchevel, effectuait des safaris en Afrique, avait fait édifier une piscine dans le parc de Valençay…
Jean-Gustave Morel a bien des descendants. De son premier mariage il a eu un fils, âgé d’une soixantaine d’années ; et deux filles de son second mariage.
Après la vente du château de Valençay, Jean-Gustave a gardé pour lui de nombreux « souvenirs » des lieux, dont certains sont passés dans des ventes aux enchères au cours des dernières décennies (citons les aquarelles représentant le château de Sagan, vendues par Sotheby à Monaco en 1989 pour deux millions de francs).
Le « petit duc » était un homme très sympathique, très abordable, apprécié des gens de Valençay… Lorsqu’il est décédé il a été inhumé dans la crypte de la chapelle où repose Talleyrand, à Valençay (puisqu’il en était resté le propriétaire). Il repose également ainsi auprès de sa mère, Antoinette Morel, devenue duchesse de Talleyrand-Périgord et de Valençay (décédée en 2000), et de son beau-père, Louis Archambaud Marie Boson, duc de Talleyrand et de Valençay (décédé en 1952). La crypte accueille également le prince de Sagan (père de Boson), célèbre dandy de la fin du XIXe siècle et son épouse, née Seillière, connue pour les fêtes grandioses qu’elle donnait dans son hôtel particulier parisien (devenu ambassade de Pologne), non loin des Invalides…
N’hésitez à me demander pour d’autres précisions. Si je peux être utile…