Dernière fille, et sans doute la favorite, de Pierre le Grand, Elisabeth Petrovna naît le 18 décembre 1709 (29 décembre dans le calendrier grégorien) à Kolomenskoïe (près de Moscou).
Ici, Elisabeth Ière par Georg Christoph Grooth au Musée de Gatchina.
Elle parle couramment l’italien, l’allemand et le français. Par ailleurs, elle danse avec grâce et se tient très bien en selle.
Portrait équestre d’Elisabeth Ière – Lucas Conrad Pfandzeit – 1757 – State Russian Museum
A partir du 6 mars 1711, elle est reconnue tsarevna et, à partir du 23 décembre 1721, césarevna, c’est-à-dire héritière du trône.
Sous le règne de sa mère et de son neveu, Pierre II, elle est considérée comme une des plus belles femmes de l’empire.
Le duc de Liria écrivait : « La Princesse Elisabeth… est très belle, je n’en ai jamais vu de pareille. La couleur de son visage est étonnante, ses yeux comme deux flammes, sa bouche parfaite, son cou d’une blancheur éclatante et un port de déesse. Elle est de haute taille et extrêmement vive. Elle danse très bien et monte à cheval sans la moindre peur. Dans sa conversation il y a beaucoup d’esprit et de charme »
Très beau portrait d’Elisabeth – Louis Tocqué – Galerie Tretiakov (Moscou)
Elle a plusieurs prétendants : le prince George d’Angleterre, l’infant Manuel de Portugal, l’infant don Carlos d’Espagne, le duc Ernst-Ludwig de Brunswick, le comte Maurice de Saxe et même… le shah de Perse, Nadir.
Au début du 18è siècle, Pierre le Grand échoue dans son projet de marier la future tsarine Elisabeth avec Louis XV : cette idée lui était venue lors de son voyage à Paris en 1717.
Mais aucun ne devient son mari…. son coeur appartient au fils cadet du duc Karl-Friedrich de Holstein, Karl-August de Holstein, mais il meurt de la variole en 1727.
Karl-August de Holstein – Balthasar Denner
Elle garde le souvenir de cet amour toute sa vie, protège la dynastie des Holstein, en faisant venir en Russie, non seulement le neveu de Pierre, mais aussi sa fiancée Sophie d’Anhalt, dont la mère était une cousine germaine de Karl-August.
L’absence de mari est compensée par des liaisons amoureuses : parmi ses amants on nomme le général Alexandre Boutourline, le grand-maître de la cour, Semion Narychkine et le page Alexeï Choubine.
Frivole, à l’humeur joyeuse, elle organise de fastueux bals et mascarades au palais impérial. Elle aime, par exemple, voir les homme déguisés en femmes et vice-versa : à Saint-Pétersbourg, elle s’amuse d’observer les vieux dignitaires aux bras et aux mollets poilus, déguisés en bergères ou en fées.
Deux jours par semaine, elle donne de grands bals masqués…. ne se couche pas avant 6 heures du matin..
Elle signe des oukazes qui déterminent la manière d’arborer les bijoux. Personne n’a le droit de porter une coiffure pareille à la sienne.
Elle possède 15000 robes, des milliers de chaussures, un nombre important de bas de soie et elle change de robe deux à six fois par jour.
Elle a aussi hérité de son père une véritable passion pour les feux d’artifice.
Elisabeth Petrovna à Tsarskoïe-Selo – Eugène Lanceray
L’ambassadeur français, le marquis de La Chétardie, utilise à merveille ce penchant en organisant des fêtes somptueuses qui font jaser le tout Saint-Pétersbourg.
Pour émerveiller la cour, il demande à Versailles de lui envoyer cent mille bouteilles des meilleurs crus français : ces précieux flacons ont vite détrôné le tokay hongrois des réceptions officielles et deviennent rapidement aussi prisés que la vodka.
Jacques-Joachim Trotti de La Chétardie – Johann Martin Bernigeroth
Mais il est surtout préoccupé par la situation politique à Saint-Pétersbourg
L’impératrice Anna Ivanovna (1693-1740) n’aime pas sa cousine et, lors de son règne, Elisabeth est obligée de se tenir dans l’ombre.
Anne Ivanovna – Peintre anonyme – Ermitage
Surnommée « la moche », elle charge son favori Ernst Johan Biron (duc de Courlande depuis 1737) de la gestion de l’Etat, avec tous les postes aux mains des Allemands : Ostermann, Burckhardt von Münnich, Sumakher… Biron disait avec dédain aux anciens compagnons de Pierre le Grand « Vous, les Russes…. »
Le symbole de son gouvernement reste la Chancellerie secrète, qui compte près de 10000 personnes chargées de recueillir tout ce qu’on peut faire et dire contre l’impératrice : d’où la célèbre formule « Slovo i delo » (« Le dit et l’acte »)
N’ayant pas d’enfant, elle fait venir auprès d’elle sa nièce Anna Leopoldovna et son époux Antoine-Ulrich, prince de Brunswick-Lunebourg. Elle proclame leur fils, Ivan, héritier du trône.
Le 28 octobre 1740, elle s’éteint en laissant la Régence à son amant Biron « jusqu’à la majorité d’Ivan VI » : un tsar âgé de deux mois et un régent d’origine allemande… la Russie est bien mal lotie.
Le matin du 9 novembre 1740, il est accusé de corruption et condamné à l’exil perpétuel à Pely (Sibérie). Il sera grâcié par Catherine II qu’il servira loyalement jusqu’à sa mort en 1772.
Anna Leopoldovna devient régente à son tour.
Alors l’ambassadeur français prend l’initiative d’organiser, dans la discrétion la plus totale, un complot pour placer la grande-duchesse Elisabeth sur le trône des tsars..
Elisabeth est surtout populaire parmi les soldats de la Garde, régiment formé par son père Pierre le Grand. Elle vient régulièrement leur rendre visite, fête avec eux les anniversaires du régiment, est marraine de leurs enfants. Et les Gardes la glorifient.
Dans la nuit du 25 novembre 1741 (6 décembre dans le calendrier grégorien), Elisabeth, âgée de 32 ans, accompagnée de quelques proches et d’un groupe de grenadiers, se dirige vers l’état-major du régiment Preobrajenski où se trouvent environ 300 soldats. Sur sa robe, elle a revêtu une cuirasse et tient dans sa main une croix en argent.
Elle lève la croix et s’adresse en ces mots aux soldats : « Qui voulez-vous servir fidèlement ? Moi, souveraine naturelle ou les autres, qui, illicitement, ont volé mon héritage ? »
Prise de pouvoir d’Elisabeth Petrovna – Eugène Lanceray
Tous les soldats présents lui prêtent serment en lui embrassant les mains et la croix, après quoi tous se mettent en marche vers le Palais d’Hiver. Là, ils arrêtent le petit empereur, sa mère la régente et son père, le généralissime et, en même temps, le comte de Münnich.
Le coup d’état se passe dans un calme relatif. Au cours de cette action, Elisabeth jure que, si elle arrive à reprendre le trône, elle ne signera jamais aucune condamnation à mort. Elle tiendra parole
Le lendemain paraît un manifeste sur l’élévation au trône d’Elisabeth Ière. Cette déclaration explique que le règne précédent a ruiné la Russie, que le peuple russe est opprimé par les ennemis de la foi orthodoxe, et pour cette raison souffre, et qu’elle le délivrera de l’humiliante emprise des étrangers.
Effectivement, la société russe est en colère contre cette affluence d’Allemands dans tous les domaines de la vie. Elisabeth exile les plus impopulaires personnalités dirigeantes : Ostermann (à Berezovo où il meurt 6 ans plus tard), Münnich (à Pely jusqu’en 1761), Lewenvold, Menglen et Golovkine.
Le sacre d’Elisabeth se déroule, le 25 avril 1742, dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin de Moscou. Elle place elle-même la couronne sur sa tête.
Le jeune Ivan et ses parents sont enfermés à Kholmogory, près d’Arkhangelsk et en 1756 Ivan est enfermé au secret à Chlisselbourg où il meurt le 16 juillet 1764. (Merci à Pistounette)
agnes
15 septembre 2021 @ 06:22
Passionnant, merci.
Mademoiselle Heloïse
15 septembre 2021 @ 07:57
Très intéressant
Merci Pistounette !
Aldona
15 septembre 2021 @ 08:04
Merci Pistounette, pour cette fresque historique, les femmes russes ont du caractère
Beque
15 septembre 2021 @ 09:23
Jean des Cars écrit dans « La saga des Romanov » : Depuis des mois le marquis de La Chetardie agissait dans l’ombre et sans aucune instruction de Versailles (…) La Chetardie faisait valoir le péril suédois imminent – c’était exact – et la nécessité d’un monarque efficace devant ce danger, tout en évitant de sortir de sa réserve diplomatique. Il fallait agir d’urgence, profiter de la popularité d’Elisabeth en révélant – ce qui était vrai – qu’on la menaçait du couvent… Elle était sommée de choisir entre le voile et la couronne.
(…) En dépit d’un froid diplomatique de dix années avec la France (toujours à cause de la Suède !), la fille de Pierre le Grand se fait peindre par Van Loo, le portraitiste de Louis XV (…) De même elle commande à la manufacture de Sèvres plusieurs services d’un vert splendide ».
Pistounette
15 septembre 2021 @ 11:58
Vous avez raison, Beque, elle a dû manoeuvrer habilement pour ne pas être envoyée d’office au couvent : c’était la « punition »…
C’est un peu dans ce but qu’elle a fait construire Smolny… au cas où ! J’y avais fait une petite allusion dans mon sujet du 9 mars 2021
Mary
15 septembre 2021 @ 09:41
Pauvre Ivan .
Mais bon, elle s’est défendue, elle a bien fait.
Merci Pistounette !
Hervé J. VOLTO
15 septembre 2021 @ 10:06
Élisabeth Petrovna (en russe : Елизавета Петровна, Ielizaveta Petrovna),née à Kolomenskoïe le 18 décembre 1709 (29 décembre dans le calendrier grégorien) et morte à Saint-Pétersbourg le 25 décembre 1761 (5 janvier 1762 dans le calendrier grégorien), Fille de Pierre le Grand, fut impératrice de Russie et régna de 1741 jusqu’à sa mort.
Une fois sur le trône, elle s’appuya fortement sur le comte Alexis Pétrovitch Bestoujev-Rioumine, son chancelier, pour contrebalancer l’influence germanique par celle de la France.
L’image de sa cour est brillante et francisée, c’est le début de la francophilie et de l’usage de la langue française dans la noblesse qui allait durer jusqu’à la révolution de 1917. Les bals de la Cour sont renommés dans toute l’Europe.
Élisabeth fera venir son neveu, Pierre de Holstein (futur tsar Pierre III) et arrangera son mariage avec Sophie d’Anhalt-Zerbst, qui devint ensuite la tsarine Catherine la Grande.
Elle est la dernière des Romanov de pure souche russe. La dynastie suivante sera de souche germanique et est appelée « Romanov-Holstein-Gottorp ».
Pistounette
15 septembre 2021 @ 14:38
Désolée de vous contredire, mais Elisabeth Ière ne s’appuya pas du tout sur Bestoujev-Rioumine pour aller vers la France, bien au contraire : « il considérait la France comme un ennemi naturel de la Russie. Pour lui, l’Angleterre et l’Autriche étaient les véritables alliées de la Russie »… wikipedia !
En outre, son déclin se precipita quand il y eut le rapprochement entre la France et la Russie en 1756.
Hervé J. VOLTO
15 septembre 2021 @ 10:07
Pour approfondir :
Élisabeth Ire (impératrice de Russie)
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Ire_(imp%C3%A9ratrice_de_Russie)
Pascal
15 septembre 2021 @ 11:10
Moi qui croyait qu’elle avait succédé directement à son père !
Elle fut bien compliquée la succession de Pierre le Grand …
particule
15 septembre 2021 @ 11:27
Son histoire est passionnante merci à N£R. La » plus belle femme de son temps » … voilà qui démontre que les canons de la beauté ont eux aussi une histoire. J’aime beaucoup découvrir à travers les modes vestimentaires et les critères de beauté les changements d’époque et ce qu’ils disent de nos sociétés.
Pistounette
15 septembre 2021 @ 11:45
Bonjour Hervé J. Volto,
Je n’ai pas vraiment besoin de Wikipedia pour approfondir, merci. Quelques-uns ont assez reproché de faire le perroquet en recopiant cette base de données…
Le propre des reportages que nous faisons, Guizmo, Cosmo, d’autres et moi… est de faire de « vraies » recherches !
J’ai mon livre russe « РУССКИЕ ЦАРИ », merci, que j’utilise à 90% en complétant avec deux livres d’histoire français, sur l’Histoire de la Russie.
HRC
15 septembre 2021 @ 12:13
Vous allez traumatiser Volto , Pistounette.
dans ses rêves il est le meilleur…
Merci à vous. Je découvre aussi la transmission de pouvoir difficile.
Cosmo
15 septembre 2021 @ 12:16
Bravo Pistounette et merci pour votre travail. Certains lecteurs ne réalisent pas la somme de travail et de temps consacrée à la recherche et à l’écriture. Nous en éprouvons du plaisir à écrire et à être lus mais l’effort est là.
Gatienne
15 septembre 2021 @ 17:52
N’accordez pas d’importance au sieur Volto qui pollue les fils de commentaires avec ses copier-coller d’articles sans guillemets, faisant passer tout cela pour des marques d’érudition…
En revanche, on continue de lire vos productions avec plaisir, Pistounette.
Brigitte Anne
15 septembre 2021 @ 20:51
Pistounette , je ne sais pas qui est ce monsieur Hervé J Volto mais j’ai remarqué qu’il met son grain de sel en permanence et souvent mal à propos ! Il doit être » autiste » car il ne tient pas compte des remarques que l’on peut lui faire . En tout cas merci beaucoup pour votre article .
Baboula
15 septembre 2021 @ 13:01
Merci sincèrement, Pistounette ,de nous expliquer la tumultueuse succession de Pierre le Grand .
Mayg
15 septembre 2021 @ 13:53
Merci à Pistounette pour cet article fort intéressant.
Cecicela
15 septembre 2021 @ 14:09
Pistounette,
Les infos que vous donnez sur la parenté de Karl-August de Holstein sont fausses.
Wikipédia n’est peut-être pas la plus fiable des sources mais vos bouquins ne le sont pas davantage. Quel intérêt de faire de « vraies » recherches (c’est vous qui le dites) et de se targuer de consulter de meilleures ressources documentaires, pour finir par écrire des bêtises?
Le père de Karl August ne s’appelait pas Karl-Friedrich mais Christian August et il n’en était pas le fils cadet mais l’ainé.
Christian August, oncle maternel de Sophie d’Anhalt-Zerbst (qui deviendra Catherine II de Russie), était le frère du duc Friedrich IV de Holstein-Gottorp, lui même grand-père du futur Pierre III.
Cecicela
15 septembre 2021 @ 18:35
Rectificatif : Christian August de Holstein était le grand-père maternel de Sophie d’Anhalt et non son oncle, ce qu’était, en fait, Karl August. Si Elisabeth avait épousé ce dernier, elle aurait été aussi la tante de Sophie/Catherine.
Teresa2424
15 septembre 2021 @ 17:34
Muchas gracias Pistounette
Annemaule
15 septembre 2021 @ 17:48
A vous Guizmo,Cosmo,Pistounettes et tous ceux qui nous enchantent de leurs « reportages »…laissez les dire,ne changez rien !!copiez s il faut copier,
Je suis une lectrice interessee et attentive de l ensemble de vos sujets, surtout ne vous decouragez pas..
Merci pour les efforts deployes dans vos recherches..
Nous sommes nombreux a vous apprecier..
Veillissez bien vous les grincheux..et essayez de faire mieux..
Cosmo
16 septembre 2021 @ 21:24
Merci beaucoup Annemaule !