Nicolas Ier Pavlovitch (ici portrait par Franz Kruger) est le fils de l’empereur Paul Ier Petrovitch et Maria Fiodorovna.
Il naît le 6 juillet 1796 à Tsarskoïe-Selo et est baptisé le 17 juillet 1796, avec pour parrain son frère Alexandre et pour marraine sa soeur Alexandra.
Il naît au cours de la dernière année de vie de Catherine II qui, ayant vu son troisième petit-fils, écrit à l’un de ses correspondants : « Long de deux pieds et des bras pas moins que les miens, avec une forte voix basse : je n’ai jamais vu pareil chevalier. S’il continue de grandir de cette façon, ses frères paraîtront des nains à côté de ce colosse. Il me semble qu’il possède le destin d’un vainqueur, bien qu’il ait deux frères aînés »
L’allure de l’empereur est imposante. Il est haut de taille, avec un beau visage du type classique. Un de ses contemporains écrit que ce type est « plutôt germanique que slave ». Rien d’étonnant à cela.
Les Romanov, à cette époque, sont russes par leur nom de famille, mais le sang slave ne coule presque plus dans leurs veines.
Portrait de Vassili Golike
Imitant les célèbres commandants d’armes, Nicolas vit comme eux d’une manière fruste : il dort sur un lit de camp, se couvre d’une capote, mange une nourriture simple, ne boit presque jamais d’alcool. C’est un militaire dans l’âme et les traits de son caractère le soulignent : rigoureux, ponctuel, discipliné, ordonné.
Pour ne pas laisser l’impression qu’il n’est qu’un militaire borné, on peut ajouter qu’il dessine très bien, que comme Frédéric II il joue de la flûte et qu’il apprécie hautement le ballet et l’opéra.
Portrait de George Dawe
Avec ses subordonnés, il est parfois rude mais essaye d’être objectif dans l’estimation de leurs actes. On le respecte, mais on ne l’aime pas. Dans toute chose, le principal est pour lui un comportement réaliste et pratique. Ses familiers sont étonnés de sa capacité de travail : il peut travailler jusqu’à 18h par jour.
Il danse avec plaisir lors des bals donnés par la cour, aime l’humour et les dames ne le laissent pas indifférent.
En 1817, entre dans la famille impériale des Romanov une princesse prussienne. Nicolas se marie avec la fille du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II, la princesse Frédérica-Louise-Charlotte-Wilhelmine (1798-1860) qui, après conversion, prend le nom d’Alexandra Fiodorovna. Nicolas, comme son père Paul Ier, se sent proche de la Prusse
Impératrice Alexandra Fiodorovna – Christina Robertson
Elle est la petite-nièce du roi de Prusse, Frédéric II. La jeune épouse du grand-duc étudie le russe sous la direction du poète Vassili Joukovski.
Le couple a eu 10 enfants, dont Alexandre, futur empereur Alexandre II, dit « Le Libérateur ». Outre ses enfants légitimes, Nicolas a plusieurs enfants nés d’unions libres.
Au couronnement de son mari – 1826 – George Dawe
Le 14 janvier 1822, l’empereur Alexandre Ier signe un manifeste déclarant Nicolas héritier du trône. Seul un cercle restreint de personnes connait l’existence et la teneur de ce manifeste. Mais Nicolas n’en est pas averti.
C’est pourquoi, lorsque, le 27 novembre 1825, une dépêche lui apprend la mort d‘Alexandre Ier, il prête serment à Constantin et, à son exemple, l’armée, le Conseil d’Etat et le Sénat.
Dans les mêmes jours, Constantin, qui se trouve à Varsovie, prête serment à Nicolas et le royaume de Pologne fait de même. Il s’en suit un interrègne
En fait, Nicolas n’était pas préparé à prendre le gouvernement de la Russie.
Lorsque la situation s’élucide, on décide que la cérémonie solennelle du serment à Nicolas se déroulera le 14 décembre 1825.
Bien que, le 10 décembre, Nicolas soit informé qu’un complot, auquel participeraient de nombreux officiers de la Garde, se fomente contre lui, il décide de ne pas changer la date du serment politique.
Le 14 décembre, à 7h du matin, Nicolas rassemble au Palais d’Hiver ses généraux et les commandants de régiments et leur explique la situation
Au moment où, au palais, se déroule la cérémonie du serment, sur la place du Sénat, une partie des soldats, incitée par les conjurés, refuse de prêter serment. Nicolas réagit d’une manière simple et rigoureuse. Il fait encercler les contestataires par ses fidèles soldats et ordonne d’ouvrir le feu.
Le soulèvement est vite et cruellement réprimé. Cinq des comploteurs sont condamnés à mort par pendaison. 120, parmi les officiers les plus actifs, sont envoyés au bagne ou déportés en Sibérie, et les soldats et matelots qui ont pris part au désordre sont transférés dans les points chauds du Caucase.
Ce soulèvement est connu sous le nom de « Insurrection des décabristes ou décembristes« .
Insurrection décabriste sur la place du Sénat – Karl Kollman
Le règne de Nicolas Ier, qui se passe sous la devise « Autocratie, Orthodoxie et Génie national (narodnost) », est l’apogée de l’épanouissement de la monarchie absolue
Il définit lui-même son programme « La Révolution est sur le seuil de la Russie, mais je le jure, elle n’y entrera pas tant que j’aurai un souffle de vie, tant que je serai empereur »
Dans le pays s’effectuent une russification massive et une christianisation des peuples non-russes et la persécution des Vieux-Croyants. La préférence est donnée à tout ce qui touche la noblesse. Une très stricte censure est établie. Les dépenses pour les fonctionnaires et l’armée dévorent presque tout le budget de l’Etat : plus de 70000 fonctionnaires dont la moitié est des militaires.
Le souverain ne réclame à son entourage que l’obéissance, ce qui engendre autour de lui un système de mensonges officieux, d’obséquiosité et d’hypocrisie. Ne faisant pas confiance à ses fonctionnaires,
Par oukase du 3 juillet 1826, Nicolas Ier instaure le IIIè département de la Chancellerie personnelle de sa Majesté impériale, police politique secrète qui contrôle tous les principaux secteurs gouvernementaux. Elle est dirigée par le général Benkendorff, en récompense de sa fidélité lors du coup d’Etat du 14 décembre 1825.
Alexandre von Benckendorff – George Dawe
Toutefois, il y a une légère ouverture en direction d’autres couches sociales : en 1832, il crée l’Institut des citoyens destiné à offrir à tous les gens compétents des postes au service des organes centraux et locaux de l’Etat.
Il entreprend une codification de la législation russe, travail confié à Speranski (revenu d’exil) : le nouveau code est publié en 1830 dans le Recueil complet des lois de l’Empire russe en 45 tomes, suivi en 1832 par le Code des Lois.
Les paysans, très dépendants de leurs propriétaires, manifestent leur mécontentement. En 1837-1841, sous la conduite du comte Pavel Kisselev, une série de mesures est prise en faveur des paysans d’Etat, environ 1/3 de la population paysanne, afin d’améliorer leur bien-être. Ces mesures sont le socle sur lequel s’appuiera 25 ans plus tard Alexandre II pour ses réformes.
Pavel Kisselev – 1851 – Franz Krüger
En 1826 est créé le Comité pour l’organisation des établissements scolaires, dont le but est de contrôler tous les statuts des établissements d’enseignement, dispositions consolidées par le décret de 1828 pour les établissements primaires et moyens.
Le code de 1835 liquide de fait l’autonomie des universités et les place sous le contrôle des curateurs des cercles scolaires, de la police et des autorités locales.
En 1826, Nicolas Ier publie un nouvel oukase appelé par les contemporains « La Fonte » : un comité central de censure exerce une sévère censure sur toute la production imprimée. Il est interdit de publier la moindre critique contre le système autocratique et le servage ou l’orthodoxie. Cette censure lui vaut le surnom de Nicolas Ier la Trique
La fin du règne, les années 1848-1855, « le Sombre Septennat, est marquée par le renforcement de la ligne réactionnaire et répressive : elle s’explique par des facteurs internes, les révolutions européennes de 1848-1849 qui eurent de profondes influences sur Nicolas Ier, et bien sûr la guerre de Crimée.
Question finances, à partir de 1843, les assignats sont peu à peu échangés sur la base de 1 rouble-argent pour 3,5 assignats par des billets de crédit, qui, eux, peuvent s’échanger librement pour de l’argent.
La réforme consolide pendant quelque temps le système financier de la Russie. Toutefois, la guerre de Crimée engendre de nouvelles difficultés financières. A l’intérieur comme à l’extérieur, la dette de l’Etat augmente plusieurs fois.
Dans la 1ère moitié du 19è siècle, le commerce russe continue de se développer, stimulé par le développement de l’industrie, la croissance des villes et la spécialisation des régions.
La balance du commerce extérieur est positive aussi, et la structure des exportations a changé : plus de production agricole (blé, bois, chanvre, lin..) que de métaux noirs (fers et alliages). Les premiers bénéficiaires de ces exportations (vers l’Europe et surtout l’Angleterre) sont les riches propriétaires fonciers qui investissent dans les produits de luxe et les oeuvres d’art.
Le développement de l’économie monétaire, du commerce extérieur et intérieur implique une réorganisation et un réaménagement du systèmes des transports. La création des chemins de fer est une nécessité pour la Russie, la « voie d’eau » ne suffisant plus.
La gare Nikolaïevski à Saint-Pétersbourg (future gare Vibetsk) – Auguste Pettsolt
En 1837 est mis en service le premier train permettant à Nicolas Ier d’aller de la gare de Vitebsk à Tsarskoïe Selo, et en 1851 est ouverte la 1ère ligne de chemin de fer reliant Saint-Pétersbourg à Moscou.
Le rôle dirigeant dans la construction des chemins de fer en Russie est alors joué par l’Etat, à la différence de l’Occident où ce rôle est confié à des sociétés privées. C’est à cette époque que commence à se mettre en place dans le pays ce que l’on appelle le « capitalisme d’Etat ». (merci à Pistounette – Sources bibliographiques : РУССКИЕ ЦАРИ » (les tsars russes) édité en 2017, « Une histoire de la Russie » de Jean-Pierre Arrignon et « Les Romanov » d’Hélène Carrère d’Encausse.)
Pistounette
6 septembre 2021 @ 03:59
Mon « inspiration » est à 90% du livre russe, avec 10% pour les « compléments français ».
Je profite de l’occasion (merci Régine) pour joindre le lien que m’a envoyé mon amie de Pouchkine, qui montre les aménagements apportés au Palais Alexandre qui vient de réouvrir (article d’Alberto le 18 août)
https://tsarnicholas.org/category/alexander-palace/page/2/
Teresa2424
6 septembre 2021 @ 05:13
Muchas gracias Pistounette
Pascal
6 septembre 2021 @ 05:59
Merci , c’est très intéressant.
Je suppose que le comte Benckendorff qui était maréchal de la cour au temps de Nicolas II est apparenté à celui que vous évoquez.
Il a écrit ses souvenirs ” last days at Tsarskoië Selo ” ,quelqu’un les a-t-il lus ?
Pistounette
6 septembre 2021 @ 13:36
En effet, Pascal : Paul (1853-1921) dont vous parlez est le petit-fils de Constantin (1785-1828), frère d’ Alexandre (1781-1844) von Benckendorff, fidèle de Nicolas Ier
Robespierre
6 septembre 2021 @ 07:49
Intéressant. On s’y perd entre les Nicolas et les Alexandre. Règne autoritaire, mais developpement économique de la Russie.
Robespierre
6 septembre 2021 @ 07:50
ou plutôt « on s’y perdAIT »…
aphie
6 septembre 2021 @ 18:06
Merci , Pistounette . Henry Troyat a décrit le drame des décembristes , et bien d’autres auteurs aussi .
Ciboulette
6 septembre 2021 @ 18:19
Lire » Ciboulette » à la place de » aphie » !
Camille
7 septembre 2021 @ 10:41
Henri Troyat ça date… Je suppose qu’il s’agit du passage sur les Décembristes dans sa biographie consacrée à Alexandre II, qui est sortie en… 1990 (!). Je me demandais justement s’il n’y avait pas des références plus directes et plus récentes à cet événement.
mousseline
6 septembre 2021 @ 12:09
merci Pistounette pour cet article. Bien des choses intéressantes à lire ce jour
Camille
6 septembre 2021 @ 14:14
C’est en voyant les sources biographiques qu’on se rend compte à quel point c’est le parent pauvre des amateurs francophones d’Histoire russe. J’espère vraiment un renouvellement du côté des chercheurs/biographes/Historiens, car on est encore à citer Troyat (décédé), Ferro (décédé) et Hélène Carrère d’Encausse (plus tout jeune).
Pistounette
7 septembre 2021 @ 08:41
Relisez bien, Camille… où voyez-vous Troyat et Ferro ? Mon livre russe est de 2017 et « l’Histoire de la Russie » de J-P Arrignon date de septembre 2020 !
Camille
8 septembre 2021 @ 09:43
Justement vous citez une source russe qui n’est visiblement pas traduite, je sais très bien que les biographies et livres de référence modernes sont abondantes mais rares sont les traductions. Histoire de la Russie me semble pas mal du tout en référence moderne, même si encore un ouvrage généraliste (comme il en existe trop). Lorsque je parle de Troyat et Cie, je parle des titres disponibles en français depuis des lustres sans beaucoup de renouvellement (hors journalistes qui ne figurent pas parmi les meilleurs).
Camille
8 septembre 2021 @ 09:51
J’essaye au mieux de suivre l’actualité des sorties francophones et germanophones (même si en Allemagne, la bibliographie sur l’Histoire russe est extrêmement pauvre), mais il est possible que d’autres sources accessibles en français m’aient échappée ces dernières années. La dernière que j’ai repérée est celle d’Alexandre Sumpf sur Raspoutine en 2016.
Mayg
6 septembre 2021 @ 15:56
Intéressant.