C’est le 18 avril 1890 que la grande-duchesse Maria Pavlona de Russie, premier enfant du grand-duc Paul Alexandrovitch de Russie et de la princesse Alexandra de Grèce, fille du roi George et de la reine Olga, voit le jour à Saint-Pétersbourg.
Alors qu’elle a à peine 1 an et demi, la grande duchesse Maria Pavlovna perd sa mère la princesse Alexandra de Grèce (voir dans les archives de la rubrique « portraits ») qui décède une semaine après avoir mis au monde prématurément son deuxième enfant le grand-duc Dimitri après avoir fait une chute au moment de monter à bord d’une barque. La mort inopinée de la jeune femme âgée de 21 ans, plonge son époux le grand-duc Paul dans une profonde dépression. Ravagé par le chagrin, il est incapable de veiller sur sa fille et son fils nouveau-né.
La grande-duchesse Maria Pavlovna et son frère le grand-duc Dimitri sont confiés aux bons soins de leur oncle et de leur tante le grand-duc Serge et la grande-duchesse Elisabeth, née princesse de Hesse et du Rhin, sœur de la tsarine Alexandra. Maria Pavlovna sera toujours très proche et très protectrice à l’égard de son frère. Après quelques années de veuvage, le grand-duc Paul entame une liaison avec Olga Karnovitch, ce qui scandalise la Cour impériale. Maria Pavlovna aura trois demi-frères : Vladimir en 1897, Irina en 1903 et Natalia en 1905. Le couple se marie en 1902 et Olga est titrée princesse Paley de même que ses enfants.
La grande-duchesse Maria Pavlovna grandit donc privée de l’amour maternel et paternal car le grand-duc a été banni de la Cour et s’est installé en France.
La population russe voue une affection particulière aux deux enfants, qui sont la descendance de la jolie princesse Alexandra de Grèce, trop tôt disparue. Un jour, alors que le grand-duc Serge et la grande-duchesse Elisabeth effectuent avec les enfants une sortie en troika, un homme tente de tuer le grand-duc, gouverneur militaire de Moscou mais au dernier moment se rétracte à la vue de Maria Pavlovna et de Dimitri.
Maria Pavlovna reçoit une éducation raffinée et polyglotte. A l’instigation de sa tante la grande-duchesse Elisabeth, elle se fiance avec le prince Guillaume de Suède de 6 ans son aîné. Le prince est le deuxième fils du roi Gustav V Adolph de Suède et de la reine Viktoria, née princesse de Bade.
Le mariage est célèbré avec fastes à Tsarskoie Selo le 3 mai 1908. La grande-duchesse Maria Pavlovna de Russie devient princesse de Suède. Elle a tout juste 18 ans.
Elle quitte le faste et le decorum de la Cour impériale pour la Cour royale suédoise qu’elle trouve d’emblée provinciale. Maria Pavlovna, désormais duchesse de Södermanland, ne parvient pas à s’intégrer à la Cour même si elle apprend avec aisance le suédois. Son beau-père le roi Gustav V Adolph lui voue une affection sincère.
Maria Pavlovna donne naissance au prince Gustaf, Lennart, Nicolaus, Paul le 8 mai 1909 à Stockholm. Maria n’a pas la fibre maternelle et ne s’intéresse pas plus que cela au bébé. Avec son époux, elle ne partage aucun centre d’intérêts.
La vie à Stockholm devient de plus en plus pesante pour elle. En 1914, elle décide de quitter le prince Guillaume et retourne vivre en Russie. Le scandale est énorme, surtout que Maria Pavlovna laisse derrière elle son fils le prince Lennart. Le divorce est prononcé la même année.
En 1917, la grande-duchesse se remarie avec le prince Sergei Poutiatine à Pavlovsk. Ils ont un fils Roman qui naît l’année suivante. La révolution russe brise à jamais la famille impériale. Son demi-frère le prince Vladimir Paley est exécuté à Alapaevsk en juillet 1918, son père le grand-duc Paul est exécuté le 30 janvier 1919, sa tante la grande-duchesse Elisabeth périt dans une fosse,…
La grande-duchesse et son époux ont quant à eux réussi à quitter le pays. Ils fuient vers la Roumanie puis gagnent Paris et Londres. Leur bébé qu’ils ont préféré laisser en Russie auprès de la famille Poutiatine décède avant qu’ils aient eu l’occasion de le revoir.
Maria Pavlovna s’établit ensuite à Paris où ses talents artistiques et créatifs ne tadent pas à attirer l’attention. Ses broderies séduisent Coco Chanel qui demande à la grande-duchesse de travailler à ses côtés pour plusieurs collections. Le succès est au rendez-vous. Elle fonde alors la société Kitmir qui dirige plusieurs ouvrières. Son talent est recompensé à l’exposition des arts décoratifs de Paris en 1924. La même année, elle divorce du prince Serge Poutiatine qui décèdera en 1966 en Caroline du Sud.
Son frère le grand-duc Dimitri est toujours dans son sillage, il a une liaison avec Coco Chanel puis épouse Audrey Emery. Dans les années 30, la grande-duchesse décide de s’installer aux Etats-Unis et d’y recommencer une nouvelle vie. Elle se met à l’écriture et publie en 1933 ses mémoires qui connaîtront un grand succès. Elle travaille pour le magazine Vogue où ses talents de photographe sont très appréciés.
Sa grande douleur sera de perdre son frère le grand-duc Dimitri qui décède des suites de la tuberculose en mars 1942 à Davos en Suisse. C’est la douleur de trop pour Maria Pavlovna qui est alors âgée de 52 ans. Elle s’expatrie en Argentine où une nouvelle fois, elle repart à zéro et utilise ses talents artistiques pour gagner sa vie. A Buenos Aires, elle se met à la peinture et confectionne des marionnettes pour des films d’animations pour enfants.
Son fils le prince Lennart de Suède qui a grandi sans la connaître, a renoncé à ses droits au trône pour se marier en 1932. Il est installé sur l’île de Mainau au lac de Constance où il gère le château et ses superbes parcs, héritage de sa grand-mère la reine Viktoria de Suède, née princesse de Bade.
Le comte Lennart Bernadotte af Wisborg propose à sa mère de venir vivre avec lui et sa famille. Epuisée par la vie, la grande-duchesse accepte. Elle y connaîtra une fin de vie douce et apaisée, et se découvrira une fibre familiale qu’elle ignorait auprès de ses petits-enfants. La grande-duchesse Maria Pavlovna, petite fille du tsar et du roi de Grèce, qui avait connu les fastes de la Cour impériale à Saint-Pétersbourg, puis la vie à la Cour royale de Suède, avant de connaître l’effroi de la révolution et son cortège de souffrance, qui s’est réinventée à plusieurs reprises pour gagner sa vie aux quatre coins du monde, est décédée à l’âge de 78 ans dans la sérénité de la superbe île de Mainau. Son fils le comte Lennart fera ériger une chapelle où la grande-duchesse est inhumée auprès de son frère adoré le grand-duc Dimitri. (Merci à Tepi pour ses recherches de photos – Copyright photos : DR)
June
6 septembre 2012 @ 06:41
Une vie qui ne fût pas un long fleuve tranquille…
Masha
6 septembre 2012 @ 07:54
Magnifique portrait. Très belle iconographie. MERCI.
corentine
6 septembre 2012 @ 10:04
merci Tepi, vraiment superbe , les photos sont splendides
quelle vie que celle de cette princesse russe !
Clémence
6 septembre 2012 @ 10:30
Voilà qui distingue le site de N&R d’autres blogs aux multiples photos: des articles fouillés sur des personnalités méconnues ou oubliées de l’histoire. Merci à Régine et ses nombreux correspondants pour leurs recherches et leur engagement!
Tepi
6 septembre 2012 @ 10:47
Vraiment magnifique portrait. Une femme de caractere , tres intelligente mais malgres ses malheurs n’a jamais oublie ses origines . Elle voulait que ses amis , ses domestiques jusqu’ a la fin de sa vie, l’ applellent avec ses titres …. Mlle Chanel lui a dit un jour » Tu esseyes de provoquer la sympathie des autres en presentant une image de toi mal soignee. Tu gagnes le contraire …. » . Une vraie Romanov jusqu’ a la fin de sa vie. Ses proches en Grece et ailleurs lui ont ferme la porte , considerant son frere responsable de la chute de la dynastie de Romanov. Au contraire la cour de Suede l’a beaucoup soutenue.
MoniqueDN
6 septembre 2012 @ 10:47
J’aime beaucoup cette rubrique historique. Triste vie dans l’ensemble que celle de de la Grande-Duchesse Maria Palovna, qui très tôt privée de l’amour de ses parents, ne sut pas le moment venu le transmettre à ses enfants. Merci Régine pour cette très belle évocation. Les photos sont magnifiques.
Pierre-Yves
6 septembre 2012 @ 10:48
Merci à Tepi pour cette belle évocation.
La famille Romanov fournit un imposant contingent de grands ducs et grandes duchesses qu’on a parfois du mal à distinguer les uns des autres, mais qui ont en commun d’avoir eu une vie a bouleversée par les évènements politques, drames, errances, etc ….
Frappant tout de même que cette grande-duchesse Marai Pavlova, grandie sans parents, ait connu ensuite une vie voyageuse et assez solitaire, quittant son pays d’adoption( la Suède), ses deux maris, vivant loin de son fils….
Cela donne l’impression d’une femme à laquelle les blessures de la vie ont appris à ne compter que sur elle-même.
Pierre-Yves
6 septembre 2012 @ 12:53
Pardonnez-moi Régine de ne pas avoir étendu jusqu’à vous mes remerciements pour ce beau travail. J’en suis confus !
Anais
6 septembre 2012 @ 11:51
Quelle destinée de St Petersbourg à l’île de Mainau et que de drames. Je pense que la grande-duchesse fait partie de ses personnes qui parviennent malgré les coups durs à rebondir et à aller de l’avant. Merci pour ce portrait si bien documenté.
aggie
7 septembre 2012 @ 07:23
Anaïs, vous avez raison et je crois, qu’en psychologie, on appelle ça la résilience.
Et toute mon admiration au prince Lenart qui a assuré à sa mère une fin de vie apaisée sans lui tenir rigueur de son abandon.
Palatine
7 septembre 2012 @ 09:04
Aggie, je pense comme vous.
jul
6 septembre 2012 @ 12:23
Merci pour ce portrait Tepi. La conclusion est ravissante !
beji
6 septembre 2012 @ 12:46
Bien sûr,l’île de Mainou n’est pas la Cour de Russie,mais il y a pire que ce petit paradis pour finir ses jours!Son fils a été bien gentil de la recueillir alors qu’elle l’avait
abandonné et s »était peu soucié de lui.
Dimitri faisait partie du complot contre
Raspoutine.
beji
6 septembre 2012 @ 12:48
Mainau,bien sûr.Peut-on voir les tombes de Mainau?
Mayg
6 septembre 2012 @ 13:04
Merci Tepi pour ce beau reportage.
C’est vrai qu’on s’y perd un peu avec tous ces grands ducs et grandes duchesses de Russie, il y en a quand même pas mal.
Mais c’est toujours un plaisir de faire la connaissance d’un nouveau.
*gustave
6 septembre 2012 @ 13:16
Inconsciente la grande-duchesse, abandonne maris et enfants, deux mariages qui n’ont duré que 6 et 7 ans respectivement.
Jean Pierre
6 septembre 2012 @ 13:50
Une vie identique (fastes, honneurs, errances, débrouille…)à beaucoup de membres de la famille impériale.
La différence c’est que son fils était riche avec l’héritage badois de sa grand mère. Si on compare son sort à celui de la princesse Paley sa demi-soeur qui finit dans l’oubli à New York, elle s’en sort plutôt bien.
agnes
6 septembre 2012 @ 13:50
Quel article passionnant, merci
JAY
6 septembre 2012 @ 14:02
C EST UN VRAI ROMAN CA VIE!
j ai bcp lu sur cette princesse.. tres libre, tres independante, un veritable DESTIN
agnes
6 septembre 2012 @ 14:06
Du coup, je suis allée lire l’excellent article sur sa mère Alexandra, daté du 5 avril 2012 (et que j’avais loupé pour cause de vacances de Pâques).
val
6 septembre 2012 @ 15:41
Finalement après avoir délaissé ses enfants , c’est son fils qui la consolera, normalement c’est le contraire qui doit se passer, mais il me semble que c’est cet homme qui a eut différentes vies maritales , en divorçant plusieurs fois. Me trompais je ? a part qu’il n’a pas abandonné ces enfants .
COLETTE C.
6 septembre 2012 @ 16:04
Très beaux portrait et photos. Je découvre enfin qui était la mère du Comte Lennart!
Maria Edite
6 septembre 2012 @ 16:13
MERCI!!!
chaton
6 septembre 2012 @ 19:08
très belle biographie ou présentation de cette Maria en question,je le trouve jolie comme femme
Jean I
6 septembre 2012 @ 20:21
Merci pour ce portrait détaillé. J’en ai profité pour relire les portraits d’Alexandra de Grèce (mère de Maria Pavlovna) et d’Elisabeth de Hesse, grande duchesse Serge de Russie (tante de Maria Pavlovna)
Kalistéa
6 septembre 2012 @ 20:50
Vie exceptionnelle qui fut tout sauf terne et sans relief,on dirait.
erwan
6 septembre 2012 @ 21:40
Merci Régine. Joli portrait, d’une femme libre et intelligente, qui s’achève au paradis des fleurs. Merci Tepi.
shandila
6 septembre 2012 @ 22:28
Une très belle évocation qui fait toute la richesse du site. Une vie pas si facile que cela, mais avec une fin que beaucoup aimeraient connaître.