Bien qu’attaché à son pays, le roi Gojong n’était nullement équipé intellectuellement pour relever tous ces défis. Dès le début de son règne, il reconnut que les qualités de son épouse dépassaient très largement les siennes et se reposa essentiellement sur la reine dans la conduite des affaires du Royaume.
Loin de les éloigner, cela souda petit à petit le couple royal qui avait jusque-là vécu à part : elle, en compagnie des intellectuels et des philosophes ; lui, en compagnie de ses concubines et des courtisans.
Cette influence sur le roi et son sens des affaires politiques firent de la reine la personne à éliminer tout au long du règne. Ja-yeong, pro-chinoise depuis 1884, se retrouva malgré elle la cible des luttes sino-japonaises.
A la suite du traité de Hanseong, la Chine et le Japon s’étaient lancés dans une lutte d’influence pour le contrôle de la Corée. Une révolte paysanne, la rébellion du Donghak, donne dans un premier temps l’avantage à la Chine, qui est la première à envoyer des troupes rétablir l’ordre.
Le Japon décide immédiatement d’envoyer le double d’hommes armés et demande à Gojong d’engager des réformes pro-japonaises : fin du système des castes coréennes, rénovation complète des administrations et du système judiciaire, fin de l’alliance avec la Chine.
Face au refus du roi de conduire ces réformes qui heurtent la souveraineté nationale, les japonais envahissent Séoul, nomment un nouveau gouvernement et mettent fin à l’alliance coréano-chinoise. Le Japon met fin à des siècles de relation avec la Chine et devient le nouveau protecteur du royaume coréen. Un régiment pro-japonais, la division Hullyeondae, est créée à cette occasion.
Nous retrouvons alors une vieille connaissance, que les japonais tentent d’ériger en dirigeant fantoche : l’ancien régent, le Daewongun (photo ci-dessus). Trop heureux de récupérer le pouvoir, il accepte volontiers l’offre des japonais et annonce à son fils que, soutenu par les nouveaux vainqueur, il le « décharge » des affaires. En réalité, le Daewongun se contente de purger l’opposition et de suivre les ordres du gouverneur japonais Miura Gorô.
Le gouverneur japonais Miura Gorô
Le gouverneur Miura souhaite éliminer toute résistance à l’expansion japonaise. La victoire du Japon sur la Chine en avril 1895 confirme la fin de la suzeraineté chinoise sur la Corée. Or une personne tente encore de contrebalancer le pouvoir japonais : la reine Moonseong. Moonseong réactive l’alliance russo-coréenne et, peut-être dans le but de préparer l’intervention armée des russes, ordonne la dissolution de la division Hullyeondae. Miura prend alors la décision de supprimer la reine.
Le 8 octobre 1895, au matin, les mille hommes de la division Hullyeondae attaquent le Palais royal, massacrent les gardes royaux et laissent entrer un détachement de soldats japonais. Entendant les cris des gardes, la reine tente de s’échapper comme elle l’a fait en 1882 et se déguise en dame d’honneur.
Lorsqu’ils pénètrent dans le palais, les soldats japonais menacent et battent violemment les dames de cour ainsi que le prince héritier et son épouse. Repérée, la reine est alors tuée par les soldats japonais. Son corps est ensuite transporté dans une forêt alentour, aspergé d’essence et brûlé.
L’impératrice Myeongyeong
L’empereur Gwangmu
L’assassinat de la reine Min déclencha une onde de choc en Corée : alors que l’empereur Gojong et le prince héritier se réfugiaient au sein de la légation russe, une large partie du pays se souleva contre les forces japonaises.
En 1897, dernier sursaut d’un royaume au bord de l’épuisement, le roi Gojong proclame l’Empire coréen et devient l’empereur Gwangmu. La reine Min est proclamée « Impératrice Myeongseong » à titre posthume. Son enterrement rassemble des dizaines de milliers de personnes, venues rendre hommage à sa lutte contre l’ennemi japonais.
Les funérailles de la reine Min
En 1909, la Corée deviendra une colonie japonaise. Revirement de l’histoire, en 2005, un descendant de l’un des assassins de la reine présenta ses excuses devant la tombe de la souveraine. La Corée attend encore les excuses officielles du gouvernement japonais. (Merci à Raphaelle pour ce portrait)
Anne-Cécile
31 janvier 2022 @ 05:57
La reine ne fut pas tuée. Elle fut violée, massacrée et son corps brûlé.
Le sadisme japonais dans des gants d’aristocrates a le même visage que la cruauté fruste des bolcheviks quelques années plus tard à l’égard des Romanov. Le Mal.
Auberi
31 janvier 2022 @ 15:53
Merci à Raphaëlle de ne pas avoir donné les détails de son assassinat 😊
Teddy
1 février 2022 @ 20:24
La reine dragua de Serbie aussi
Et son mari le roi Alexandre Ier de Serbie des obrenovitch
Transpercés de coup d épée et jetés par la fenêtre
Teddy
1 février 2022 @ 20:25
https://fr.wikipedia.org/wiki/Draga_Ma%C5%A1in
DEB
31 janvier 2022 @ 07:16
Un tout grand merci.
Les récits étaient clairs.
Auberi
31 janvier 2022 @ 07:34
Un régal votre récit parfaitement structuré et illustré de photos historiques des plus intéressantes. Mille mercis Raphaëlle ! Vous avez peut-être d’autres sagas historiques à nous proposer ? Ce serait super 😊
Teddy
31 janvier 2022 @ 18:17
L empereur gwangmu s est réfugié aux légation pour régner
Aldona
31 janvier 2022 @ 10:06
Une vie exceptionnelle, quelle force de caractère il a fallu à cette jeune personne pour affronter ce destin, la photo des funérailles de la reine est impressionnante, on se retrouve projetée dans un passé qui nous apparaît si lointain.
Merci encore à vous Raphaëlle, j’attendais impatiemment la suite, car le récit me tenait en haleine !
Guy Coquille
31 janvier 2022 @ 10:18
Cet assassinat fut une faute politique car les diplomates japonais perdirent la face sur la scène internationale. De surcroît l’annexion de la Corée en fut irrémédiablement souillée alors que les traditions des deux peuples avaient beaucoup de traits communs. Par la suite les japonais tentèrent de donner une place à la famille royale coréenne dans la hiérarchie de cour nippone, mais cela ne permit ni l’assimilation des Coréens aux Japon, ni la conservation d’une dynastie coréenne de nature à catalyser le nationalisme coréen. Aujourd’hui les deux prétendants (Yi Won et Yi Seok) ont contre eux leur filiation japonaise sur deux générations.
Pastelin
31 janvier 2022 @ 15:06
Merci pour ce complément.
Teddy
31 janvier 2022 @ 18:20
Princesse yi bangja
Teddy
1 février 2022 @ 13:18
Cousine de l impératrice kojun
HRC
31 janvier 2022 @ 10:18
Elle a essayé… C’était un peu perdu d’avance.
Léa 33
31 janvier 2022 @ 10:54
Bonjour
C’est une histoire passionnante, la Corée a été l’objet de bien des convoitises au fil des siècles. Merci pour ce récit.
Singh
31 janvier 2022 @ 11:31
Encore une fois, un grand merci pour ce récit Raphaëlle passionnant. Vraiment fascinant, on sent la tragédie arriver.
Je connaissais cette partie de l’histoire de la Corée mais pas la suite. Du coup, vous m’avez trop donné envie d’aller me documenter et un 6ème épisode sous forme d’épilogue n’aurait pas été de trop car que de rebondissements.
Trianon
31 janvier 2022 @ 11:49
Merci à nouveau, Raphaëlle, très instructif pour moi qui méconnaissait cette reine ,et plus largement cette période chaotique .
Quelle femme de trempe! Elle me rappelle certaines femmes du Moyen Âge .
Sigismond
31 janvier 2022 @ 12:19
En Autriche aussi ils ont eu un Daewongun, l’archiduc Franz Karl (1802-1878) chef de la Maison de Lorraine de 1875 à 1878, père du Kaiser Franz Joseph
Actarus
31 janvier 2022 @ 13:46
LOL
Mais l’archiduc François-Charles ne fut pas nocif pour son fils.
Teddy
31 janvier 2022 @ 18:19
Il y eu des empereurs retirés au Japon avant l ère meiji qui tiraient les ficelles mais c étaient les shogun qui gouvernaient
Gérald
2 février 2022 @ 21:02
@Teddy
Au XIIe siècle, il y a eu en même temps deux générations d' »empereurs retirés » (cf. « Le dit des Heike »)
Pastelin
31 janvier 2022 @ 13:31
Merci Raphaëlle pour vos articles . Je ne connais pour ainsi dire rien de l’histoire de ce pays, je me suis régalé à cette lecture.
CAMOMILLE
31 janvier 2022 @ 14:11
Encore merci! Quel courage, quelle volonté, quelle intelligence , elle y a laissé sa vie .
Jean Pierre
31 janvier 2022 @ 14:25
Le Japon n’a jamais eu la repentance facile.
Trianon
31 janvier 2022 @ 14:39
Contrairement à la France qui pratique le martifouettage plus qu’elle ne devrait .
Ciboulette
31 janvier 2022 @ 17:28
Tout à fait de votre avis , Trianon .
Merci à Raphaëlle pour cette histoire de bravoure qui finit tristement .
Trianon
31 janvier 2022 @ 22:25
Merci Ciboulette ! Bonne soirée
JAY
31 janvier 2022 @ 16:58
Malheureusement la suite fut compliquée pour cette dynastie.
Les membres de la famille royale et de la haute aristocratie furent obligés de se fondre comme vassal avec l’aristocratie japonaise « salissant » à tout jamais leur dynastie.
Vassili
31 janvier 2022 @ 17:30
Très intéressent, merci Raphaelle.
JAusten
31 janvier 2022 @ 17:58
Merci Raphaëlle !
Marie-Saintonge
1 février 2022 @ 14:15
Récit passionnant merci Raphaëlle.