La princesse Pauline, Marie, Laure de Broglie est née dans le 8ème arrondissement de Paris le 6 février 1888. Elle est la seconde fille et le 4ème enfant du prince Victor de Broglie, 5ème duc de Broglie (1846-1906) et de Pauline de la Forest d’Armaillé (1851-1928). Avant elle, sont nés Albertine future marquise de Luppé, Maurice le futur physicien et Philippe (décédé à l’âge de 8 ans d’une crise d’appendicite). Elle a 4 ans lorsque nait son petit frère Louis, futur prix Nobel de Physique en 1929.

La princesse Pauline passe son enfance entre Paris dans l’hôtel particulier de ses parents, rue de la Boétie; Dieppe où sa famille possède une villa mais où elle n’a pas le droit d’aller sur la plage car à l’époque on « craignait l’air de la mer pour la santé des enfants« , et le château de Saint Amadour en Anjou. La famille aime particulièrement la vie de campagne dans ce château hérité d’une vieille tante, la comtesse Pauline d’Armaillé. Mais la jeune Pauline souffre de solitude, ses parents sont souvent absents, très occupés par la vie politique, (le duc de Broglie a été élu député de la Mayenne), sa soeur ainée Albertine est mariée, son frère Maurice poursuit des études et Louis est trop jeune. Elle se retrouve donc seule avec sa nurse et en souffre. « Sans amies, sans personne à qui se confier », dit-elle dans ses mémoires.

En janvier 1901, un changement dans sa vie, son père Victor de Broglie devient le 5ème duc de Broglie et Pauline découvre le château de Broglie. C’est aussi l’époque où sa famille commence à se soucier de ses études jusque là fort négligées. Des professeurs viennent lui apprendre l’anglais, l’allemand, le piano et un peu de culture générale qui consiste en un peu d’histoire, de littérature, de latin et de grec. Elle apprend aussi l’équitation, le seul sport qui lui est permis et qu’elle aime.

 

A l’adolescence elle passe de longues heures, toujours seule, à lire dans l’impressionnante bibliothèque du château de Broglie et elle découvre les mathématiques et surtout les sciences, une passion qu’elle partagera avec ses frères. Elle visite le Museum d’Histoire Naturelle et obtient l’autorisation de s’inscrire à des cours de paléontologie.

En 1904, autre changement dans sa vie. Son frère Maurice épouse Camille Bernou de Rochetaillée. Madame de la Rochetaillée, la belle-mère de son frère va lui faire découvrir les voyages et le « monde », mais avant de faire son entrée dans le monde, la jeune Pauline doit apprendre à danser, ce qui ne lui plait guère.

C’est pourtant lors d’un bal qu’elle va rencontrer son futur mari, Jean de Pange. Le comte Jean, Marie, Louis, Clément Thomas de Pange est né en 1881. Il est le 5ème fils du marquis de Pange et de la marquise née Amélie Grasset. Jean de Pange a suivi des études de Lettres et de droit. Il est Lorrain, et est très marqué par la double culture française et allemande. Il passera sa vie à « combattre » pour l’union des peuples et portera très tôt l’idée européenne.

 

Pauline de Broglie devenue comtesse de Pange va désormais se consacrer à la littérature et à l’histoire. Elle animera un cercle d’études sur Madame de Stael, écrira ses mémoires « Comment j’ai vu 1900 » où elle nous fait découvrir toute une époque : celle du début du monde actuel. Publié en trois volumes, il dépeint avec beaucoup d’humour et de finesse la société aristocratique à la Belle époque.

Voici un extrait de ses mémoires : « Il m’est difficile de dire en quelle année, on installa le téléphone à la maison. Je crois que c’était vers 1896 ou 1898. Mes parents firent ce sacrifice à l’esprit moderne en grande partie pour remédier à l’éloignement et à la solitude de ma soeur qui habitait depuis son mariage avec le marquis de Luppé un bel hôtel entre cour et jardin, solennel et triste au bout de la rue Barbet de Jouy. On la plaignait. Cela paraissait très loin presque à la campagne. L’idée de pouvoir bavarder tous les matins, sans se déranger entre la rue Barbet de Jouy et la rue de la Boetie, parut si séduisante qu’on n’hésita plus. L’appareil fut posé chez nous dans un salon de passage. Il était en bois de palissandre et fut cloué au mur. Il ressemblait assez par sa forme aux petites boites distributrices de papier dans les toilettes. Il y avait deux écouteurs pendus à des crochets de chaque coté et au centre, un bouton sur lequel on appuyait pour obtenir la communication avec le poste central. La sonnerie était déchirante et s’entendait dans toute la maison. Mais on ne courait pas au téléphone. Un domestique était préposé à ce soin, décrochait l’écouteur, s’informait de ce qu’on désirait et allait chercher la personne demandée.

Le plus curieux est que le téléphone ne semblait absolument pas destiné aux affaires sérieuses. Le secrétaire de mon père qui occupait le bureau politique au rez de chaussée ne s’en servait jamais. Mon père non plus. On continuait à atteler la voiture (calèche) pour porter des lettres en ville ou faire des commissions. On considérait le téléphone comme une invention de luxe ne pouvant convenir qu’aux bavardages de dames et personne n’y attachait d’importance. »

Le couple a eu quatre fils : Maurice né en 1911 et décédé en 1927, Philippe né en 1913 et décédé en 1914, François né en 1918 (sans alliance), Victor né en 1923 et décédé en 1984, est le seul à avoir une descendance. De son mariage avec Isabelle Costa de Beauregard, il a trois enfants : Eveline née en 1956, mariée au comte Aubert de Proyard de Baillescourt d’où Laure-Victoire (1985), Henry (1988) et Olympia (1993) ; Christian né en 1958 (sans alliance) et Alain, né en 1961 et décédé en 1999 (sans alliance).

Le comte et la comtesse de Pange compteront parmi leurs amis Robert Schuman, Konrad Adenauer, le General et Madame de Gaulle et entretiendront des relations d’amitié avec l’archiduc Otto de Habsbourg. Le comte est décédé en 1957.

La comtesse de Pange fut membre du jury du Prix Femina. En plus de ses célèbres mémoires, elle publiera plusieurs livres dont : Madame de Staël et François de Pange, lettres et documents inédits (1925), Mme de Staël et la découverte de l’Allemagne (1929, Monsieur de Staël, Le dernier amour de Madame de Staël, d’après des documents inédits (1944); Lettres de femmes du XIXe siècle : Choisies et présentées par la comtesse Jean de Pange (1947)..

En 1970, elle sera décorée de la cravate de commandeur de la Légion d’Honneur. La princesse Pauline de Broglie, comtesse de Pange est décédée à Paris le 29 février 1972 , elle est enterrée à Pange en Moselle. (Copyright photos : DR – Merci à Corentine pour cet article)