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Le trésor des Habsbourg est l’une des plus fascinantes collections d’art sacré et profane du monde. Si l’empereur François-Joseph goûtait la vie simple et le confort bourgeois de ses appartements de la Hofburg, il était le dépositaire des trésors de ses ancêtres, conservés à quelques mètres de son bureau…

Les emblèmes du Saint Empire gardés dans les salles du trésor de la Hofburg sont le seul trésor royal qui ait été (presque) intégralement conservé depuis le Moyen Âge. Ils comprennent la Couronne impériale, le costume de sacre, l’orbe et le sceptre, l’épée impériale, l’épée de cérémonie, le crucifix de l’Empire, la Sainte Lance et d’autres reliques, la bourse de saint Étienne, l’évangéliaire du sacre et le « sabre de Charlemagne« .

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La couronne du Saint-Empire était, depuis le haut Moyen Âge, la couronne des rois et empereurs du Saint-Empire romain germanique. Elle est parfois appelée à tort « couronne de Charlemagne » et certaines représentations du Moyen-Age coiffent le souverain carolingien de cet emblème.

En réalité, la couronne du Saint-Empire a été fabriquée au plus tôt en 960 pour l’avènement d’Othon Ier et au plus tard pour l’avènement de Conrad II au début du XIe siècle. À partir de l’avènement de Conrad II, la plupart des souverains germaniques l’ont ceinte.

Lors de la cérémonie du couronnement, l’archevêque de Mayence remettait solennellement au nouveau monarque le sceptre et l’orbe. Ainsi la couronne devint-elle le symbole du pouvoir des empereurs : un couronnement sans ces insignes était généralement considéré comme illégitime.

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La couronne impériale de Vienne possède une forme caractéristique, qui la distingue de la plupart (pour ne pas dire de toutes) les autres couronnes : elle n’est pas circulaire, mais octogonale. En guise de diadème, on trouve huit plaques arrondies à leur partie supérieure assujetties l’une à l’autre par des charnières. L’ensemble, raidi par deux anneaux de fer retenant les plaques par des soudures à l’or, est parvenu jusqu’à nous en conservant une forme d’octogone quasi-régulier.

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Les plaques ornant la couronne sont d’or, serti de perles et de gemmes. Ces pierres sont fixées dans des logements exactement adaptés à leur taille ; les grosses perles sont enchâssées dans des rangs de perles plus petites, traversées par un fil d’or, ce qui fait qu’elles paraissent flotter librement, et reçoivent la lumière de tous côtés. Il y a au total 144 gemmes et à peu près autant de grandes perles.

Les quatre plaques d’émail ont des motifs d’inspiration byzantine représentant des scènes de l’Ancien Testament, à savoir l’effigie des rois David, Salomon, et Ézéchias avec le prophète Isaïe, ainsi qu’une scène du Nouveau Testament (Jésus entouré de deux anges).

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L’Orbe impérial est composé d’or, de perles et de diamants. Sa fabrication est évaluée au début du XIIe siècle.

A l’origine, les regalia impériales n’étaient pas conservées dans un lieu fixe, mais accompagnaient l’empereur dans ses voyages à travers le Saint Empire romain germanique ou étaient gardées dans des lieux sûr, par exemple des châteaux forts ou des forteresses. Ce n’est qu’en 1423 que l’empereur Sigismond Ier ordonna que les emblèmes du Saint Empire romain germanique (hormis la bourse de Saint Étienne, l’évangéliaire du sacre et le sabre de Charlemagne qui étaient conservés à Aix-la-Chapelle) soient confiés à la ville de Nuremberg, où ils arrivèrent en 1424 et demeurèrent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; durant cette période, les insignes impériaux ne quittèrent Nuremberg qu’à l’occasion des cérémonies de couronnement.

Après la Révolution Française, l’insécurité n’eut de cesse d’augmenter en Europe. Lorsque les troupes françaises traversèrent le Rhin en 1796, les emblèmes gardés à Nuremberg furent déplacés, jusqu’à Vienne, où les emblèmes apportés d’Aix-la-Chapelle les rejoignirent en 1801.

Lorsque le Saint Empire romain germanique fut dissout par son dernier empereur François II en 1806, les regalia du Saint Empire se trouvaient toujours à Vienne et y sont restées.

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L’épée impériale fut réalisée au deuxième tiers du XIe siècle. Pendant le couronnement, elle est donnée à l’empereur avec le sceptre et l’orbe.

Elle comporte sur chaque face du fourreau sept plaques d’or travaillées en repoussé qui représentent : Charlemagne, Louis le Pieux, Louis II de Germanie, Charles III le Gros, Arnulf de Carinthie, Louis IV de Germanie, Conrad Ier de Germanie, Henri Ier de Germanie, Otton le Grand, Otton II, Otton III, Henri II, Conrad II le Salique et Henri III.

L’épée de cérémonie (posée à plat) est composée d’une lame et d’un fourreau daté du début du XIIIe siècle, fabriquée en Sicile, et retravaillée au XIVe siècle.

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Conrad II (1027-1039) fit confectionner un reliquaire d’or en forme de croix gemmée pour y loger la Sainte Lance et un morceau du bois de la Vraie Croix. Le « crucifix de l’Empire » est recouvert d’or, de perles et pierres précieuses. Datant de la première moitié du XIe siècle, c’est le plus ancien reliquaire conservé à Vienne.

A gauche de la croix, est exposée la Sainte Lance du Saint-Empire romain germanique.

Elle est entrée en possession de Rodolphe II de Bourgogne, puis passa ensuite aux divers empereurs et devint le symbole de leur investiture et du transfert de pouvoir. Elle fut intégrée au rituel de leur sacre. On considérait à l’époque que cette lance avait été forgée avec un clou de la Passion.

Les souverains font de la lance un instrument de la sacralisation de leur pouvoir et en tant que successeurs du Saint-Empire romain, ils sont à l’origine de la légende de la Sainte lance en possession de Charlemagne (enchâssée dans le pommeau de son épée Joyeuse ou arborée comme étendard à la tête des bataillons) qui aurait remporté 47 victoires grâce à elle.

A droite est exposée la relique de la Vraie Croix qui était à l’origine contenue dans la croix reliquaire.

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L’ Évangéliaire du couronnement est un manuscrit enluminé contenant les Évangiles.

Le manuscrit a sans doute été produit aux environs des années 800 sans doute commandé par Charlemagne lui-même. Selon la légende, le manuscrit aurait été retrouvé par Otton III du Saint-Empire, alors qu’il avait ordonné l’ouverture du tombeau de son ancêtre dans la chapelle palatine, aux environs de l’An Mil. Le manuscrit a été considéré comme une relique de l’empereur. Il est intégré aux joyaux de la couronne au plus tard au XIIIe siècle. Le manuscrit sert de support au serment effectué par l’empereur du Saint-Empire lors de son intronisation. Celui-ci touchait alors de son doigt la première page de l’Évangile de Jean.

Vers 1500, sa reliure est refaite et recouverte d’une plaque en argent doré représentant Dieu sous les traits de Charlemagne, réalisée par l’orfèvre d’Aix Hans von Reutlingen.

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Le Sabre dit « de Charlemagne » est une arme, de type hongrois datant de la première moitié du Xe siècle. Elle était portée par le roi des Romains lors de son couronnement. Le sabre est distinct d’une autre arme attribuée à Charlemagne, Joyeuse dite aussi « épée de Charlemagne ».

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La Bourse de Saint Étienne est un reliquaire en forme de sac de pèlerin. Il était destiné à contenir des reliques. Selon la tradition, il aurait contenu de la terre imprégnée du sang du martyr Étienne qui est mort lapidé.

Le reliquaire, créé dans la première moitié du IXe siècle, est plaqué d’or incrusté de cabochons de pierres précieuses. Lors du couronnement des empereurs à Aix-la-Chapelle, il était placé dans une  niche aménagée dans le trône de marbre blanc de Charlemagne.

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Le manteau du couronnement est l’une des regalia dites d’Heidelberg, ville où il fut conservé de 1424 à 1796. Du XIIIe siècle à la fin du Saint-Empire, il est utilisé pour le sacre des souverains. De facture arabo-normande, il est produit par un atelier de Sicile vers 1133-1134, en velours et soie ornés d’or, perles, saphirs et verre.

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Parmi les trésors médiévaux de la Hofburg, celui de la Toison d’Or est sans conteste l’un des plus précieux. Il entra en possession de la maison d’Autriche grâce au mariage, en 1477, de la duchesse Marie de Bourgogne, unique héritière de la maison de Bourgogne de la dynastie des Valois, avec le futur empereur des Romains, Maximilien Ier (1459-1519).

Ce trésor de Bourgogne est de nos jours réparti, en raison des différents héritages, partages et événements familiaux et politiques, à Vienne, Bruxelles et Madrid.

Devenus ducs titulaires de Bourgogne, les Habsbourg devinrent également chefs et souverains de l’ordre de la Toison d’Or. Le trésor fut conservé à Bruxelles, capitale des Pays-Bas autrichiens, mais lorsqu’ils furent évacués à la suite de la victoire française de Fleurus (1794), les Autrichiens transportèrent ce trésor à Vienne.

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L’ordre habsbourgeois de la Toison d’Or a conservé le caractère religieux et aristocratique que lui avait donné Philippe le Bon. Son rituel d’admission demeure, avec adoubement par l’épée et serment solennel. Le français est resté sa langue officielle.

L’ordre espagnol a pour grand maître le roi d’Espagne. Le décret royal de 1847 qui en fit un ordre royal à caractère civil précisait qu’il continuerait à être régi par ses anciens statuts, avec les mêmes insignes et le même nombre de chevaliers.

Il existe donc aujourd’hui deux ordres de la Toison d’Or, chacun contestant la légitimité de l’autre (la France ne reconnaît que l’ordre de la branche espagnole).

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Les chevaliers étaient obligés de porter en toutes circonstances et en particulier en public un collier d’or, composé d’une alternance de fusils et de pierres à feu auquel était suspendue la toison d’un bélier. Le fusil (terme d’époque pour désigner les « briquets », sortes de petites masses d’acier servant à produire des étincelles par friction avec des silex), avec ses flammèches, rappelait les rabots que le duc de Bourgogne Jean sans Peur avait adoptés comme devise dans son conflit contre les Armagnacs. Certains historiens insistent sur le fait que les briquets sont représentés avec une poignée en forme de B évoquant le mot « Bourgogne ». Mais en raison du poids important des colliers, on prit l’habitude de porter le pendant de l’ordre (la toison du bélier) au bout d’un lac de soie rouge ou noire.

Depuis le 30 novembre 2000, le grand-maître de l’ordre de la Toison d’or autrichien est Son Altesse Impériale Charles de Habsbourg-Lorraine. Les chevaliers de l’ordre de la Toison d’or sont, entre autres, le cardinal Christoph von Schönborn, archevêque de Vienne, le prince Franz de Bavière, chef de la maison de Wittelsbach, le grand-duc Jean de Luxembourg, le roi Albert II de Belgique, le duc Charles de Wurtemberg, le prince Hans-Adam II de Liechtenstein, Don Duarte de Bragance, duc de Bragance et chef de la maison royale de Portugal, et bien d’autres membres de la haute noblesse européenne. (Copyright photos : Francky – Merci à Francky pour cet article)