Le musée Condé s’enrichit au Salon du Dessin d’une exceptionnelle aquarelle d’Eugène Lami « Une soirée chez le duc d’Orléans au pavillon de Marsan« . Voici : « Connu pour son extraordinaire collection d’arts graphiques, désormais mise en valeur dans les salles d’exposition dédiées qui ont été inaugurées en 2017, le musée Condé conforte sa place parmi les institutions les plus dynamiques dans ce domaine grâce à une acquisition majeure.
Un dessin à l’aquarelle et à la gouache d’Eugène Lami, représentant Une soirée chez le duc d’Orléans au pavillon de Marsan, a été acquis au Salon du Dessin à Paris, auprès de la Galerie Terradès, grâce au soutien d’un mécène anonyme.
Grand mécène des arts et espoir de la Monarchie de Juillet, décédé dans un tragique accident en 1842, Ferdinand d’Orléans (1810-1842) est une figure fascinante. Aux côtés de son épouse Hélène de Mecklembourg-Schwerin (leur mariage fut d’ailleurs immortalisé par Eugène Lami), il fut promoteur d’une sociabilité mondaine reçue chez lui, au pavillon de Marsan (palais des Tuileries), où l’on retrouvait les élites du régime et les artistes fameux du temps, tels Delacroix, Boulanger, Johannot, Triqueti, Sue, Vernet, Winterhalter, Amaury-Duval, Gudin, Raffet, etc. « Le tout Paris élégant, artiste, était là » écrivait son frère cadet, le prince de Joinville, dans ses Mémoires.
C’est l’une de ces soirées, organisées peu avant la mort du duc d’Orléans, qui est dépeinte sur l’aquarelle intégrant les collections du musée Condé. La fête prend place dans le salon des Aides de camp où se perçoit le goût éclectique de Ferdinand, alliant ici armoires Boulle, borne, tableaux romantiques et porcelaines asiatiques. Parmi la foule de militaires et de dames élégantes, on distingue la figure altière du duc appuyée sur la cheminée, tandis que, face à nous, au premier plan, pourrait être reconnue son épouse vêtue d’une somptueuse robe de bal.
Eugène Lami a su rendre, dans cette aquarelle chatoyante et enlevée où se font jour ses grandes qualités de coloriste, toute la vie et l’esprit de ces brillantes réceptions. Le dessin acquis par le Domaine de Chantilly est préparatoire à une grande aquarelle achetée en 2015 par le musée du Louvre, avec laquelle elle présente de nombreuses variantes, tandis qu’une troisième, plus petite, prépare une gravure.
Enfant du siècle, élève d’Horace Vernet et du baron Gros, Eugène Lami (1800-1890) apprit l’aquarelle aux côtés de Paul Delaroche et de Richard Parkes Bonington. Il gagna les faveurs de Louis-Philippe, fut nommé professeur de dessin du second fils de ce dernier, le duc de Nemours, et devint un proche des enfants du roi. Il se vit également confier la décoration des appartements de certains d’entre eux, les ducs d’Orléans, de Nemours et d’Aumale aux Tuileries, avant d’oeuvrer chez le même duc d’Aumale à Chantilly.
Il suivit les princes dans leur exil anglais après la Révolution de 1848, avant de rentrer à Paris pour dépeindre le spectacle du Second Empire. Il fut surtout employé à la décoration des résidences des Rothschild à Ferrières, Boulogne ou en l’hôtel parisien de la rue de Monceau. Il fonda, à la fin de sa vie, la Société des Aquarellistes français. Qualifié par Baudelaire de « poète du dandysme officiel », il sut rendre à merveille la vie mondaine de son temps, tout en ne négligeant pas, au sein de son oeuvre fécond, les illustrations et les scènes d’histoire.
Henri d’Orléans, duc d’Aumale, fondateur du musée Condé, nourrissait une affection profonde pour Ferdinand d’Orléans, son défunt frère aîné. Il racheta bien des oeuvres lui ayant appartenu, de sorte que Chantilly figure parmi les lieux les plus importants pour évoquer ce prince. Avec cette acquisition, le musée Condé perpétue cette tradition et complète ses riches collections relatives à la Monarchie de Juillet.
Mais cette acquisition vient surtout à point nommé, alors que les audacieux appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale, entièrement décorés par le même Eugène Lami dans un style éclectique, sont en pleine restauration avant leur réouverture en mars 2019. Cet évènement sera accompagné par une exposition d’arts graphiques dédiée à Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d’Orléans, un artiste qui n’aura, jusqu’alors, fait l’objet d’aucune exposition. » (Merci à Bertrand Meyer – Copyright photo : Galerie Terradès)
JACQUES
16 avril 2018 @ 12:41
Merci pour cette évocation de Ferdinand-Philippe d’ORLEANS décédé accidentellement le 13 juillet 1842.
Francois
16 avril 2018 @ 15:58
J’aime beaucoup Eugène Lamy
Et suis donc ravi de voir enfin redécouvert ce très bon
décorateur etc du XIXEME siecle fastueen la matière
framboiz 07
16 avril 2018 @ 19:55
Merci, c’est instructif , Lami est un peu oublié, mais la période est féconde ,il est vrai …
Caroline
16 avril 2018 @ 23:03
Adorant cette aquarelle d’ une grande finesse avec de petits détails, je suis déçue de ne pas lire les commentaires dans cet article fort intéressant !
Merci à Bertrand Meyer ! ???
Gérard
17 avril 2018 @ 18:26
Un généreux mécène anonyme a donc acheté pour le Musée Condé au dernier Salon du Dessin auprès de la galerie Terrades Une soirée chez le duc d’Orléans au pavillon de Marsan d’Eugène Lami. C’est peu après le décès du duc d’Orléans le 13 juillet 1842 que Lami réalisa trois aquarelles sur le même sujet où l’on peut voir le Salon des Aides de camp dit aussi Salon des Antiquités de l’appartement du duc aux Tuileries au rez-de-chaussée du pavillon de Marsan (aujourd’hui à l’intérieur du Musée des Arts décoratifs). Cet appartement avait été celui de la duchesse de Berry. Depuis 1837 ce salon était le salon d’attente de la duchesse d’Orléans.
Une grande aquarelle très aboutie avait été acquise par le Musée du Louvre en septembre 2015 chez Sotheby’s. Celle-ci, une aquarelle et gouache, de 21 x 32,5 cm, est sans doute une étude préparatoire. La troisième avec quelques variantes avait été peinte comme modèle de gravure de 1843 pour le livre de Jules Janin Un hiver à Paris (la gravure est de Charles Rolls).
Dans l’aquarelle que nous avons sous les yeux on reconnaît quelques-uns des tableaux et des meubles du duc qui fut un grand collectionneur. À gauche deux armoires d’André-Charles Boulle qui sont au Musée du Louvre aujourd’hui, au département des Objets d’art, l’une à décor de marqueterie de fleurs et l’autre provenant du Garde-Meuble de la Couronne.
Parmi les tableaux : deux huiles sur toile d’Ary Scheffer : le Giaour (aujourd’hui au Musée d’Art et d’Histoire de la Ville de Luxembourg, collection Pescatore) et Médora sur le rocher (Paris, Musée de la Vie romantique en l’hôtel Scheffer-Renan). Deux œuvres à peu près indéchiffrables ici peuvent être identifiées grâce à l’aquarelle du Louvre : La tentation de saint Antoine par Adolphe Brune (localisation actuelle inconnue) et Intérieur du couvent dominicain à Madrid (Philadelphia Museum of Art). Il est difficile de reconnaître des personnages sur cette esquisse mais le prince Ferdinand-Philippe lui-même est en uniforme la tunique barrée de la Légion d’honneur, debout devant la cheminée, et la duchesse son épouse, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, est assise en robe claire dans le fauteuil face au spectateur.
Dans l’aquarelle du Louvre on distingue mieux en bas à droite Mademoiselle Forster, première danseuse à l’Opéra, et un homme près de la cheminée portant bouc et moustache, probablement le général de Lamoricière.
L’aquarelle du Louvre vient de la duchesse d’Orléans et aurait ensuite appartenu à son beau-frère le duc de Montpensier puis au neveu et fils aîné de la duchesse le premier comte de Paris, à son fils Philippe, duc d’Orléans qui la conserva au château de Wood Norton et la légua à sa sœur la reine Amélie de Portugal qui céda ses biens et souvenirs à son beau-frère Jean duc de Guise moyennant une rente annuelle, elle fut ensuite dans la collection d’Henri deuxième comte de Paris puis fut vendue par ses enfants en septembre 2015 chez Sotheby’s à Paris et le Louvre préempta.
Eugène Lami est lié au château de Chantilly puisqu’il a décoré les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale qui sont actuellement et jusqu’en mars 2019 en cours de restauration et à ce moment-là sera présentée une exposition de dessins d’Eugène Lami, la première jamais consacrée à cet artiste.
Les représentations par Eugène Lami (1800-1890) de sujets militaires avaient attiré l’attention du roi Louis-Philippe qui lui commanda de nombreux tableaux pour le Musée de l’Histoire de France à Versailles.