Sotheby’s Paris met également en vente le 7 décembre 2020 à 14 heures, « Les Kasbahs de l’Atlas« . Il s’agit d’un exceptionnel exemplaire du comte de Paris, avec un envoi du Maréchal Lyautey.
Cette édition est limitée à 520 exemplaire, celui porte le n°59. L’illustration est de Jacques Majorelle de 27 planches (sur 30) en quadrichromie rehaussées d’or et d’argent sur carton.
Une longue lettre du maréchal Lyautey à Jacques Majorelle préface le recueil de planches ; tirée sur papier d’Auvergne, elle est reliée dans une reliure souple en tissus Flammannan brodé, et est illustrée d’un portrait photographique de Majorelle.
Envoi autographe signé du général :
« Daigne Monseigneur le Comte de Paris agréer l’hommage de ce souvenir des années passées au Maroc, — ce Maroc qui a valu la faveur insigne d’être admis dans l' »Equipe » de la Maison Royale à son très respectueusement dévoué et fidèle Le Maréchal Lyautey. Avril 1931« .
Les mots de Lyautey se souviennent de l’époque où les deux hommes vivaient au Maroc. En 1912, quand le Maroc devint un protectorat franco-espagnol, Hubert Lyautey en fut nommé résident général jusqu’en 1919 ; il fréquenta alors les membres de la famille d’Orléans qui y résidaient en exil et fit la connaissance du jeune Henri (1908-1999), qui sera comte de Paris à sa majorité le 5 juillet 1929.
Pour cimenter la nation marocaine alors déchirée, Lyautey voulut redonner à la monarchie alaouite les attributs du pouvoir en soutenant un sultan ancré dans les traditions séculaires du pays. Royaliste, peut-être avait-il le même rêve pour la France ?
Dans ses Mémoires d’exil et de combats, au service de la France, le comte de Paris se souvient : « Mes parents entretenaient avec Lyautey d’excellents rapports. D’aucuns disaient que le général était légitimiste. J’ai appris cela beaucoup plus tard. Ainsi que l’anecdote selon laquelle, pour ses quatre-vingt ans, l’aïeule de Lyautey aurait rassemblé sa nombreuse descendance et leur aurait déclaré : ‘Vous êtes ici plusieurs centaines, et je bénis le Ciel que, s’il y a parmi vous des légitimistes, des orléanistes, des bonapartistes, il ne se trouve pas un seul républicain.’ Il me semble bien que, dans ma famille, on trouvait Lyautey plus attaché, comme certaines familles lorraines, aux princes de Habsbourg que légitimiste ou orléaniste. En tout cas il a été un grand serviteur de la France qu’il a aimée et à laquelle il a donné le meilleur de lui-même. Il est certain que le résident appréciait l’installation au Maroc de M. et Mme Orliac [le duc et la duchesse de Guise] et leurs enfants.
Il leur savait gré de l’effort entrepris pour les récoltes qui, nous semblait-il, étant utiles à la métropole, l’aidaient dans son combat. Demeurée seule, ma mère, outre la surveillance des fermes, s’est employée avec succès à faciliter, à entretenir et à développer les rapports de Lyautey avec la monarchie d’Espagne. Le général-résident nous a rendu de fréquentes visites. Je me souviens l’avoir vu au Maroc, en ce qui me concerne, à sept ou huit reprises. Il arrivait aussi que ma mère allât à Rabat, pour des séjours assez longs. Ainsi s’étaient établis entre Lyautey et ma famille des rapports de confiance et d’amitié qui ne se sont, ensuite, jamais démentis. » (Paris, Atelier Marcel Jullian, 1979).
L’envoi date d’avril 1931, alors que le prince fêtait à Palerme ses noces avec la princesse Isabelle d’Orléans-Bragance.
Notons enfin que c’est à la suggestion de Lyautey que Louis Majorelle envoya son fils Jacques au Maroc, pour qu’il puisse contribuer à son travail de mise en valeur du pays. Établi au Maroc en 1917, il y développa l’œuvre splendide que l’on connaît, parmi laquelle les 30 tableaux de ce portfolio sont probablement parmi les plus beaux.
yode
3 décembre 2020 @ 06:51
En Auvergne, il y eut plusieurs lieux de production de papier ; dont le Moulin Richard de Bas (commune d’Ambert, Puy-de-Dôme), serait-ce du papier ambertois ??? A 2 pas de Richard de Bas, il y avait la Combe Basse qui était habité par une famille SAUVADE qui comptait parmi ses descendants Valéry GISCARD d’ESTAING (par une de ses arrière grand mère née Marie Bernardine de LUSSIGNY)
Sigismond
3 décembre 2020 @ 07:50
Encore une preuve que Lyautey n’était PAS légitimiste, contrairement à ce qu’on peut lire parfois.
HRC
3 décembre 2020 @ 10:29
la question « qui vend ? » sera posée plusieurs fois je suppose, et j’ai même une certaine curiosité sur le sujet. Plutôt d’ailleurs pour savoir qui ne vend pas.
Robespierre
3 décembre 2020 @ 11:54
La flagornerie de Lyautey, un homme remarquable, me fait penser à cette maxime de « ‘La Rochefoucauld : tous les hommes ont leur ridicule et si on ne l’a pas trouvé, c’est qu’on n’a pas bien cherché »
aubert
3 décembre 2020 @ 12:24
Etes-vous certain cher Robespierre qu’il s’agit de flagornerie ? n’est-ce pas plutôt la façon dont toute personne ayant l’opportunité de le faire s’adressait en 1931 au chef d’une famille anciennement souveraine.
Le ridicule était peut-être que le destinataire l’interprète autrement.
Gérard
6 décembre 2020 @ 20:57
Oui c’était la formule consacrée et c’est toujours la formule la plus élégante.
ciboulette
3 décembre 2020 @ 15:12
Ah ! Robespierre , je vous citerais bien Clemenceau , mais cette petite phrase ne franchirait pas la barrière de la censure !
Le Maréchal Lyautey ( dont le château de famille se trouve non loin de chez moi ) a une très belle écriture .
Gérard
3 décembre 2020 @ 14:03
Le 12 juillet 1954 à Nancy pour le centenaire de la naissance du Maréchal Lyautey, Antoine, duc de Lévis Mirepoix, comme délégué de l’Académie française disait notamment « Lyautey mène auprès des organismes marocains une politique difficile, tandis qu’en même temps, il dirige et suit, d’un œil d’aigle, les opérations militaires, avec, pour exécutants, les merveilleux soldats que sont Moinier, Brulard, Gouraud, Mangin. Et quelle élégance de comportement envers ses hauts collaborateurs ! Il disait à Gouraud : « Vous savez combien je répugne aux ordres fermes, avec vous je ne craindrai jamais de m’engager. Vous pouvez prendre toutes les initiatives que vous voudrez. » Il n’en trace pas moins, sous forme de suggestions, un plan des plus précis. En une autre circonstance Gouraud manifestant sa susceptibilité, il lui écrit : « Ecoutez, mon bon, je vous supplie de ne pas prendre feu à toute occasion. J’ai prescrit pour vous un régime spécial pour que vous ne boudiez pas et parce que je vous aime bien. » Et la taquinerie se perpétuera toujours avec Gouraud. Quelques mois après la guerre, raconte M. de Saint-Aulaire, à un déjeuner offert par le maréchal Franchet d’Espérey, Lyautey se mit à faire l’éloge du duc de Guise. Connaissant la fibre républicaine de Gouraud, il dit malicieusement : « Vous êtes bien de mon avis, Gouraud ? »
Nous voyons là l’humour, la gentillesse du maréchal et nous entrevoyons la respectueuse amitié qu’il avait pour la maison royale et qui fut renforcée au Maroc.
Le duc de Lévis dit aussi : Lyautey n’en demeurait pas moins fondé à porter un tel redressement au crédit de la grande force historique et morale que représentait Louis XVIII et sa dynastie. Et, groupant encore une fois ses vues, il disait : « Ce n’est certes pas faire injure à la grandeur épique de Napoléon que de rendre justice à ceux qui s’appliquèrent à sauver la France des conséquences de sa chute. Sous ces étiquettes diverses, il n’y a qu’une France. N’en renions rien. »
Comme la plupart des monarchistes la famille de Lyautey avait été légitimiste jusqu’à la mort du comte de Chambord et avait considéré qu’après lui le droit désignait le chef de la branche cadette.
aubert
4 décembre 2020 @ 13:40
Comment ne pas être d’accord avec votre dernier paragraphe, puisqu’ au fond Louis XVIII et Charles X n’ ont jamais douté même s’ils la redoutaient de cette succession.
Leurs craintes atteignaient le Palais-Royal mais ne les entraînaient pas au-delà des Pyrénées
Gérard
6 décembre 2020 @ 19:23
N’est-ce pas cher Aubert ?