Le duc d’Albe vient de conclure la vente de ce tableau de Fra Angelico « La Vierge de la Grenade » avec le musée du Prado pour 18 millions d’euros. Le nouveau chef de la maison d’Albe n’a jamais caché qu’il avait besoin de liquidités pour faire face à l’entretien du vaste patrimoine familial.
Le prix est bien en dessous de ce que l’œuvre aurait pu rapporter en cas de vente aux enchères mais étant interdite de sortie d’Espagne, c’est accord était la seule option possible. (Merci à Anne P .)
Lorenz
22 janvier 2016 @ 07:46
J’ai toujours pensé que, moi aussi, si j’avais hérité d’un patrimoine considérable, la première chose que j’aurais vendu, si nécessaire, serait les tableaux les plus anciens (sauf les portraits de famille, bien sûr): j’éviterais ainsi de vivre dans la peur d’un vol ou de ne pas assurer la meilleure conservation.
La vente à un musée, qui garantit une parfaite conservation et l’accessibilité au grand public, est donc la meilleure hypothèse possible.
A la maison, une copie fera très bien l’affaire.
Caroline
22 janvier 2016 @ 10:55
Lorenz, je plussoie votre commentaire réaliste y compris sa dernière phrase!
JAY
22 janvier 2016 @ 08:38
Cette riche famille a encore la chance de posséder encore de très nombreuses œuvres d arts afin d entretenir son patrimoine.
Zeugma
22 janvier 2016 @ 17:46
A New-York, cette oeuvre majeure – et rarissime – aurait sans doute fait dix fois plus !
Cosmo
22 janvier 2016 @ 09:01
L’art florentin dans toute sa splendeur. Ce tableau sera donc accessible à tous désormais. Très bien !
Francine du Canada
23 janvier 2016 @ 01:56
Je suis tout à fait d’accord Cosmo; c’est une splendeur. FdC
Cosmo
24 janvier 2016 @ 12:43
Chère Francine,
Une de mes grandes émotions esthétiques fut à Florence, au couvent San Marco. En montant l’escalier, en haut des marches, on se trouve face à l’Annonciation de Fra Angelico. Cela laisse muet. Et que dire des fresques dans les différentes cellules ?
Amicalement
Cosmo
Leonor
26 janvier 2016 @ 15:06
Cher Cosmo,
L’Annonciation de l’Angelico, en-haut de l’escalier, à San Marco, c’est … soufflant … pan dans les gencives … à en être baba…., à en tomber à genoux .
Des minutes de beauté absolue. Des minutes d’intrusion de l’Au-delà.
https://www.youtube.com/watch?v=3B-V_pG3HPQ
Supprimez le son de la vidéo, pour ne pas être dérangé par le blabla.
Zeugma
22 janvier 2016 @ 10:48
Cette vierge de Fra Angelico sera sans doute un des tableaux les plus remarquables du Prado qui en compte beaucoup.
Je m’arrête toujours devant le Couronnement de la Vierge qui est au Louvre.
J’avais demandé à un professeur de l’Ecole du Louvre combien il avait fallu de temps à Fra Angelico pour le peindre. « Probablement trois ou quatre mois » avait-il répondu à ma grande surprise. A cett époque, et longtemps encore après, les peintres travaillaient en équipe depuis la confection des pigments jusqu’à la réalisation de l’oeuvre.
J’ai profité de ce reportage de « Noblesse & royautés » pour regarder le symbolisme de la grenade.
« La symbolique chrétienne interprète les grains serrés et unis dans le sang sous une même écorce comme le Corps du Christ, c’est-à-dire l’Eglise, l’union des fidèles soudés par une même foi.
A partir de la Renaissance, dans le domaine artistique, la grenade est associée à la Vierge et à l’enfant Jésus. On compte ainsi de nombreuses Vierges dites « à la grenade ». » (fin de citation)
FraAngelico (1395-1455) est mort à l’âge de soixante ans, à Rome (et non à Florence comme je le pensais.).
Sa peinture est fascinante. Elle annonce la Renaissance. Il aime les fonds en or. C’est un symbole de richesse qui donne un éclat particulier à ses oeuvres.
C’est la lumière divine.
Mayg
22 janvier 2016 @ 13:33
J’en connais quelques uns qui auraient préféré les salles de ventes aux enchères…
aubert
23 janvier 2016 @ 13:11
mais de qui voulez-vous parler Mayg ?
ne craignez-vous pas de devenir la Nanou1 des Orléans ?
Mayg
24 janvier 2016 @ 14:53
Peu m’importe, pourvu que je ne devienne pas le aubert des Orléans…
Gérard
24 janvier 2016 @ 15:01
Bien trouvé en effet Aubert…
Gérard
23 janvier 2016 @ 21:59
Certes Mayg je comprends ce que vous voulez dire. Qu’aurions nous fait nous si l’on nous avait proposé 18 millions d’euros pour cette œuvre qui nous aurait permis de payer une bonne partie des droits de succession de la duchesse notre mère ? Finalement pour 18 millions d’euros nous aurions pu accepter.
Mayg
24 janvier 2016 @ 14:55
Le duc d’Albe a eu la sagesse de trouver un accord avec un musée plutôt que de vendre au plus offrant.
ML
25 janvier 2016 @ 23:14
Je ne vois pas ce qu’il aurait pu faire d’autre :ce tableau ne peut sortir d’Espagne !
ML
25 janvier 2016 @ 23:17
Mayg , c’est tout de même curieux que quelque soit le sujet ,vous reveniez toujours à vos « amours ».
Actarus
22 janvier 2016 @ 16:24
Bonne nouvelle. Tout le monde y gagne. Le duc d’Albe pourra maintenir son train de vie et entretenir ses domaines, et le plus célèbre musée d’Espagne garde l’oeuvre qui ne finira pas dans les mains d’un prince qatari ou d’un milliardaire chinois. Deo Gratias ! ;-)
Leonor
26 janvier 2016 @ 15:08
Amen .
misa
22 janvier 2016 @ 17:28
C’est une bonne nouvelle… ainsi il sera a portée de vue de tout un chacun. L’art de Fra Angelico est merveilleux car il touche autant par la candeur (savante) et la gr^ace qu’il émane aussi bien que par la pureté de son style parfaitement achevé.
Zeugma
22 janvier 2016 @ 17:39
Le « Hola ! » de cette semaine consacre son article principal à la situation (financière) du veuf de feu la duchesse d’Albe.
Je donne le titre en Espagnol car il me semble très compréhensible pour les francophones non hispanophones :
« Alfonso Diez : Toda la verdad sobre su situation en el reparto de la herencia (partage de l’héritage) de la duquesa » « Un año y dos meses después de su muerte, los abogados de las dos partes han llegado a un acuerdo » (Les avocats des deux parties sont arrivés à un accord.)
Tout « Noblesse & royautés » va lire cet article qui s’annonce passionnant.
Francine du Canada
23 janvier 2016 @ 01:55
Merci Zeugma, c’est en effet très intéressant et je vais lire cet article. FdC
Lady Chatturlante
23 janvier 2016 @ 13:30
Alfonso Diez, ça veut dire Alphonse Dix. Je comprends pourquoi la duchesse d’Albe était momifiée, son dernier mari était donc plus vieux qu’elle de quelques siècles.
Non, je plaisante bien sûr.
Comme moi, elle l’a choisi plus jeune.
Gérard
22 janvier 2016 @ 20:43
Guido di Pietro, le bienheureux Fra Angelico, a peint La Vierge à la grenade entre 1425 et 1426, c’est une détrempe sur panneau. C’était l’une des dernières œuvres de Fra Angelico en main privée et elle sera l’un des fleurons du Prado d’autant qu’elle est dans un état de conservation remarquable. Mais aussi parce qu’elle représente le début du Quattrocento avec l’un de ses plus éminents représentants qui a remarquablement saisi la lumière et l’espace.
Les relations entre la maison d’Albe et le musée sont très anciennes et beaucoup de chefs-d’œuvre ont été prêtés au fil des années pour des expositions temporaires et notamment cette Vierge qui était conservée au palais de Liria. Un certain nombre d’autres œuvres font l’objet de prêts à long terme au musée. Cette Vierge a donc été vendue 18 millions d’euros et le duc d’Albe, Carlos, a également fait don au musée d’un panneau de prédelle récemment attribuée à Fra Angelico grâce aux recherches menées par le musée du Prado lequel est déjà propriétaire d’un retable du maître, L’Annonciation.
La Vierge à la grenade est un thème classique de l’iconographie chrétienne surtout aux XVe et XVIe siècles.
La grenade que la Madone et l’Enfant tiennent est un symbole de fertilité, d’abondance et de royauté car il se présente sous la forme d’un fruit couronné, tandis que les grains rouges évoquent des gouttelettes de sang et préfigurent le sacrifice du Christ. Elle est un symbole du Christ mais elle symbolise aussi l’unité de l’Église parce que tous les grains sont unis à l’intérieur de l’enveloppe.
On connaît La Madone Stuppacher, c’est-à-dire La Madone de Stuppach, de Matthias Grünewald peinte vers 1517/1519, où l’Enfant Jésus joue avec une grenade que sa mère lui tend, Marie étant présentée comme la mère de l’Église. Cette Madone est dans l’église paroissiale du Couronnement de la Vierge de Stuppach (Wurtemberg).
La plus connue est peut-être La Vierge à la grenade (Madonna della melagrana) que Botticelli peignit sur bois, un tondo, sans doute de 1487 et qui est aux Offices de Florence depuis 1780. La peinture fut exécutée pour la salle des audiences du Palazzo Vecchio, ce qui explique les fleurs de lys du cadre.
Dans La Vierge à la roseraie (Madonna del Roseto) de Botticelli (vers 1469/1470) conservait également aux Offices la Vierge et l’Enfant tiennent aussi une grenade.
L’École de Botticelli a produit également une Vierge à l’Enfant à la grenade, qui est à Bayonne au musée Bonnat.
On connaît aussi La Vierge à l’Enfant avec deux anges dite Vierge à la grenade, de Filippino Lippi, qui est au Louvre et qui aurait été peinte vers 1472/1475. Lippi avait fréquenté l’atelier de Botticelli au début des années 1470. Cette Vierge est un legs de la baronne Nathaniel de Rothschild en 1899.
La Madone à la grenade (ou Madone Dreyfus du nom du collectionneur Gustave Dreyfus) est aussi une huile sur panneau de l’atelier de Verrocchio qui a été parfois attribuée à Léonard de Vinci mais dont le style plus lourd évoque plutôt son condisciple Lorenzo di Credi (vers 1472/1476, Washington National Gallery of art).
Il existe de très nombreux autres Vierges à la grenade tant en peinture qu’en sculpture.
En peinture par exemple : La Madone Connestabile (1504) qui est à l’Ermitage à Saint-Pétersbourg et qui porte le nom d’une famille de Pérouse est due à Raphaël. Elle tient un livre mais ce livre recouvre une grenade qu’elle tenait primitivement.
Dans l’église de l’abbaye royale cistercienne de Santa Maria di Roccadia dans la province de Syracuse on vénère l’antique Madonna del Melograno.
Ancienne aussi, d’environ 1375/1380, La Vierge parturiente et les Vertus, qui est une peinture florentine où l’on distingue des motifs de grenade et qui est conservée à la pinacothèque du Vatican.
En sculpture on connaît notamment La Virgen de la Vega, de style gothique, en bois, datant du XIVe siècle, avec l’Enfant sur les genoux, elle tient dans sa main droite un fruit qui aurait d’abord été une pomme puis aurait été transformée en grenade après la chute de Grenade en 1492, et elle est vénérée à Haro dans la communauté autonome de La Rioja.
De même au musée diocésain de Ferrare on voit une Vierge à la grenade sculptée dans le marbre par Jacopo della Quercia (vers 1374-1438) en 1406.
Également au XVe siècle une Vierge à la grenade en la cathédrale de Chieri. Cette sculpture peinte, une très belle Vierge à l’Enfant, était sur la façade du dôme de la cité piémontaise et a été placée dans le baptistère après sa restauration en 1981.
Francine du Canada
24 janvier 2016 @ 03:13
Merci Gérard, j’ai toujours aimé ce tableau de la Vierge à la grenade mais j’ignorais pour le « … symbole de fertilité, d’abondance et de royauté… elle symbolise aussi l’unité de l’Église parce que tous les grains sont unis à l’intérieur de l’enveloppe… » J’aime bien celle-ci de Fra Angelico et ce sera un plaisir de la revoir au Prado lorsque je retournerai en Espagne. Bon dimanche, FdC
Gérard
24 janvier 2016 @ 14:58
Merci Francine. La tempête vous a-t-elle atteinte au Canada ?
jo de st vic
24 janvier 2016 @ 11:10
Lady CH..plus jeune, cultivé, discret et trés bel hommme…
Gérard
25 janvier 2016 @ 17:03
Cette Vierge est qualifiée par le comte Philippe de Montebello, l’ancien directeur du Metropolitan, de « l’une des plus importantes et la mieux conservée » des œuvres de Fra Angelico.
La peinture a été acquise à Florence en 1817 par Carlos Miguel Fitz-James Stuart y Silva, 14e duc d’Albe et était alors attribuée à Masaccio. Carlos Miguel (1794-1835) avec un goût très sûr dès son jeune âge. Il fut l’un des plus grands collectionneurs espagnols de son temps et il passa huit années dans un Grand Tour en Europe et spécialement en Autriche et en Italie pour y acheter des peintures, des sculptures, des gravures, des céramiques grecques notamment. Il dût plus tard en raison de difficultés financières se séparer d’un certain nombre de pièces. Il avait commandé trois peintures historiques à Ingres mais il ne put recevoir même la première, Philippe V imposant le collier de l’ordre de la Toison d’or au maréchal de Berwick (ancêtre des ducs d’Albe) parce qu’il n’avait pas honoré la note et cette peinture fut achetée finalement pas l’un de ses descendants (le 17e duc d’Albe l’acheta semble-t-il à sa tante Dona Rosalia Fitz-James Stuart, duchesse de Galisteo, duchesse veuve de Tamames, pour 10 000 francs en 1924 – il est possible que la toile en fait ait été livrée en 1819 au duc qui l’avait commandée, après son passage au Salon où elle fut critiquée), et elle se trouve encore dans la maison ducale, au salon de musique du palais de Liria (c’est la seule œuvre d’Ingres qui soit en Espagne). Les deux autres œuvres également en rapport avec des ancêtres du duc d’Albe étaient Le Grand Duc d’Albe, président du Conseil des troubles en Flandres – qui devait constituer le pendant du Philippe V et le duc de Berwick – (le 17e duc vit également cette toile à Paris mais la trouva déplaisante comme l’allure de son sinistre ancêtre et ne l’acheta pas) et Le débarquement de la reine Marie Stuart (dont la trace s’est perdue).
La Madone de Fra Angelico est restée de son arrivée à nos jours dans le hall italien du palais de Liria et a peu voyagé. Elle avait néanmoins quitté le pays pendant la guerre civile pour être entreposée à Genève ainsi que d’autres chefs-d’œuvre venus de collections privées ou du patrimoine royal espagnol ou du Prado ou d’autres musées. Après son retour en Espagne elle fut déjà exposée au Prado, le palais de Liria ayant été très endommagé pendant la guerre civile ayant dû être rebâti. En 1955 elle alla jusqu’à Florence pour une exposition à l’occasion du 500e anniversaire de la mort du peintre et elle fut encore présentée en 2012 au palais des communications à Madrid (palais de Cybèle) et en 2015 au Meadows Museum de Dallas.
Les 18 millions sont payés à raison de 10 par le Ministère de l’éducation, de la culture et des sports, à raison de 4 par les Amis de la Fondation du Musée du Prado et le reste par le Musée lui-même.
L’accord comprend également le don de cette prédelle donc récemment attribuée à Fra Angelico par Carl Brandon Strehlke, conservateur du Musée d’art de Philadelphie et grand spécialiste de Fra Angelico, et qui a pour sujet Les funérailles de Saint Antoine Abbé, 1426/1430, tempera sur bois de peuplier, 29,2 x 19,5 cm. On pensait jusqu’à présent que cet élément de retable était de l’école ou de l’atelier du maître florentin mais en considérant des similitudes techniques, formelles et de composition avec des pièces attribuées définitivement à Fra Angelico, et en particulier avec Les Funérailles de Saint François d’Assise (Gemäldegalerie de Berlin), on estime que la peinture est de la main même de l’artiste. C’est également un achat en 1817 du duc Carlos Miguel.
La Vierge à la grenade paraît être une des œuvres peintes personnellement par le maître après L’Annonciation qui est également au Prado (cadeau en 1611 de Mario Farnèse au duc de Lerma), et elle fait partie d’une série de Vierges à l’Enfant des années 1420 où s’affirme progressivement la maîtrise de l’anatomie, de la lumière et de l’espace, comme c’est le cas aussi dans la Vierge d’humilité qui est à Madrid, au musée Thyssen.
On ignore pour qui cette Vierge a été peinte mais le commanditaire devait être très fortuné si l’on en juge par l’abondance de l’or utilisé non seulement dans les parties où l’on peut le voir mais encore comme base recouverte ensuite de peinture verte pour l’herbe.
La Madone elle-même n’a pas son cadre d’époque. Le cadre date de 1920 et il est dû à Talleres Cano mais c’est un cadre d’inspiration XVe siècle extrêmement raffiné.
Le Conseil royal du Prado a proposé au Musée royal du Prado de nommer le duc d’Albe président d’honneur. Notons que le premier président du Conseil d’administration du Musée royal était Jacobo Fitz-James Stuart (1878-1953), 17e duc d’Albe, grand-père de l’actuel.
Je suppose que la peinture d’Ingres du Grand Duc d’Albe évoquée plus haut est la même que Le duc d’Albe à Sainte-Gudule où le duc reçoit de l’archevêque de Malines un chapeau et une épée bénits par le pape Pie V, et dont il reste seulement semble-t-il un dessin préparatoire, car Ingres mutila volontairement le tableau commandé en 1815 par le duc d’Albe, il le mutila vraisemblablement en 1819 notamment à cause de son aversion pour « Le Boucher des Flandres » et le transforma et cette ville demeura inachevée. Elle a été déposée en 1951 par le Louvre au Musée Ingres de Montauban après avoir été volée par Goering. Le dessin y est aussi ainsi que l’aquarelle préparatoire.