Sotheby’s Paris met aux enchères le 7 décembre 2020 à 14 heures cette reliure brodée aux armes du duc d’Anjou, réalisée à Anvers en 1570 par Christophe Plantin. Elle fut exécutée pour le roi Philippe II d’Espagne.
Elle contient 17 remarquables gravures sur cuivre à pleine page par Jean et Jérôme Wierix et Peter Huys d’après Pierre van Der Borsch. Toutes, sauf l’Annonciation, sont signées « P.B. » (Pierre van Der Borsch) et des initiales de J. Wierix (« I.H.W. ») ou P. Huys (« P.H. »).
La vignette armoriée est gravée sur le titre. Le texte, imprimé en rouge et noir, ainsi que les gravures, sont encadrés de ravissantes bordures mêlant fleurs, fruits et animaux.
François de France (1555-1584), duc d’Alençon puis duc d’Anjou, est le dernier fils de Henri II et de Catherine de Médicis. Longtemps dans l’ombre de ses frères, et notamment d’Henri III, le « prince rebelle » participa activement aux guerres de Religion
Après le massacre de la Saint-Barthélemy, il prend la tête du parti des « Malcontents » composé de catholiques et de protestants modérés, dont le roi de Navarre, futur Henri IV, désireux de combattre l’absolutisme du pouvoir royal.
Cette conjuration fomentée contre Henri III, dont Alençon contestait la légitimité depuis son accession au trône de Pologne, se conclut, le 6 mai 1576, par l’édit de Beaulieu, accordant une liberté de culte aux protestants. Le duc d’Alençon reçoit alors en apanage le duché d’Anjou.
Le rôle politique joué par l’ambitieux duc d’Anjou s’étend au-delà des frontières du royaume. Tandis que sévissent en France les guerres de Religion, le jeune frère d’Henri III tente de conquérir la couronne des Pays-Bas insurgés contre Philippe II d’Espagne. Choisi par Guillaume d’Orange comme protecteur de leur liberté, il est fait duc de Brabant. Mais la déroute de son armée lors de sa tentative fracassante de prise d’Anvers, en janvier 1583, voit ses espoirs de couronne à jamais dissipés.
Les armes du duc d’Anjou brodées sur les plats permettent de dater l’exécution de la reliure après 1576. D’autre part, ses armes peintes et finement enluminées sur le titre, recouvrant ostensiblement celles de Philippe II, témoignent de ses prétentions sur les Pays-Bas alors en rébellion contre la couronne espagnole.
Cette précieuse reliure d’étoffe, accompagnée de l’aumônière destinée à la préserver comme c’était souvent l’usage pour les livres de piété, a pu être exécutée à Paris ou à Anvers puisque le livre est sorti des presses plantiniennes.
Il pourrait s’agir d’une reliure de présentation pour le duc d’Anjou alors qu’il s’apprêtait à ceindre la couronne des Pays-Bas.
Ce livre d’heures servit de livre de raison à la famille Boissard depuis le milieu du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe.
La première mention est la naissance, le 2 juillet 1661 de Louis de Boissard suivie de celle de Louise Rose de Boissard, le 18 septembre 1662. Tous deux enfants d’Isaac de Boissard, page de la grande écurie du roi, et de Claude du Hardas.
Suivent les naissances de leurs frère et sœurs : Françoise Charlotte, René César et Adrienne ainsi que celles des enfants de Jacques Isaac de Boissard et de Charlotte d’Orvault.
Les deux dernières mentions sont la naissance et le baptême, le 4 septembre 1768, Charles Isaac de Boissard, fils de Charles Isaac René de Boissard et de Anne Gabrielle de Caradeuc de La Chalotais ; et le mariage, le 26 juin 1783, de Marie Renée Félicité de Boissard avec Nicolas Joseph Victoire de Herté de Merville.
Selon la tradition familiale, ce livre d’heures aurait été donné par Charles IX à Louis II de Boissard. Les Boissard, famille angevine d’ancienne extraction, ont rendu des services à la couronne de France.
Louis I de Boissard (mort vers 1569) avait été chargé, en 1568, par Jean de Léaumont, gouverneur de l’Anjou, « de lever une bande 300 arquebusiers & de les employer à résister aux entreprises de ceux de la religion prétendue Réformée » (La Chesnaye des Bois).
Son fils, Louis II de Boissard, fut maréchal du logis de Marguerite de France, sœur du duc d’Anjou qu’elle avait soutenu lors de la conjuration des Malcontents.
Cliquez ici pour plus de détails (Source : Sotheby’s)
Thibaut le Chartrain
2 décembre 2020 @ 08:29
Le texte est très intéressant dans la présentation de l’ouvrage mais il comporte une erreur. En effet, d’après la description de l’ouvrage, il a été réalisé après 1576 et probablement vers 1581-1582 quand le duc d’Anjou pensait encore possible de devenir souverain des Pays-Bas.
Or, concernant la famille Boissard, il est écrit que Charles IX l’aurait donné à Louis II de Boissard. Malheureusement (pour lui) Charles IX est mort en 1574, donc avant la réalisation de l’ouvrage. C’est donc plus probablement Henri III qui l’a offert à la famille Boissard.
Ghislaine G-L-P-B
2 décembre 2020 @ 18:49
Merci Thibaut le Chartrain
contente de vous lire à nouveau
Geoffroy
2 décembre 2020 @ 21:12
Ce n’est pas la seule erreur. On ne comprendrait pas pourquoi Henri III, qui avait de mauvaise relation avec son frère interviendrait dans cette affaire, donc il est plus probable que cela soit Charles IX. De plus cela implique que tout le blabla sur Alençon est inutile, puisque dans ce cas, le duc d’Anjou, c’est Henri, futur Henri III, et non Alençon, qui ne sera duc d’Anjou qu’en 1576.
Leonor
2 décembre 2020 @ 09:43
Là aussi, quelle excellente idée que de publier cet article, sur cet objet d’exception. Il est complété par le lien vers la description réalisée par Sotheby’s.
On apprend là quantité de choses, avec un luxe de détails et de précisions.
NB : Le Musée Plantin, à Anvers, est un repaire pour qui aime les bouquins et … les cartes de géographie.
J’aime Anvers.
Mais on aime tant de choses, tant d’endroits. La vie est trop courte !
ciboulette
2 décembre 2020 @ 18:57
J’ai travaillé avec le Conservateur du Musée Plantin à Anvers , il y a un certain nombre d’années , il fallait établir le texte le plus juste d’une comédie française éditée chez Plantin .
Leonor
3 décembre 2020 @ 17:46
Je ne suis pas d’un naturel envieux, Ciboulette, mais là … ;-)
ciboulette
4 décembre 2020 @ 18:48
J’étais plus jeune , Leonor ! Et je bénéficiais de l’appui de mon directeur de thèse !
galetoun
2 décembre 2020 @ 12:26
Magnifique !
aubert
2 décembre 2020 @ 12:42
Aujourd’hui nous avons trop de ducs d’Anjou pour qu’un objet leur appartenant ait de la valeur.
Luiston de Borbléans
2 décembre 2020 @ 15:42
En réponse à Noble Sire Aubert.
D’autant qu’aucun de Nos Deux Cousins, l’Espagnol intermittent en France, et le Français intermittent au Portugal, ne le porte légalement selon l’Ancien Droit des Titulatures de la Maison Royale de France.
Notre Cousin d’Espagne ne peut porter un titre auquel son ancêtre a dû renoncer en abandonnant ses droits dynastiques français pour s’en aller s’asseoir sur le Trône d’Espagne. La polémique est née de ce que Notre Cousin Louis le Quatorzième a concédé que les armes d’Anjou restâssent attribuées à celui qui n’en avait plus le titre – étrange entorse qu’un prince continue de porter les armoiries d’un titre qu’il n’a plus.. -, d’où il ressort les prétentions espagnoles à ce titre. Alors même que d’autres Princes de France se virent attribuer ce titre en France après l’arrivée des Bourbons sur le Trône d’Espagne.
Notre Cousin de France ne peut pareillement porter ce titre qui aurait dû être attribué à Notre Cousin son oncle le Duc d’Orléans mais non à lui.
En effet, la constante des Titulatures Dynastiques du Royaume de France voulait que le premier fils du roi portât le titre de Dauphin de France, le deuxième le titre de Duc d’Orléans, le troisième le titre de Duc d’Anjou, le quatrième le titre de Duc de Berry.
Si Notre Cousin Henri VI, Comte de Paris n’avait pas bouleversé les rangs dynastiques, nous aurions aujourd’hui :
– Prince Jean Comte de Paris, de jure Roi Jean IV de France
– Prince Gaston Dauphin de France
– Prince Michel duc d’Orléans (en suite de son frère Prince François décédé sans descendance reconnue)
– Prince Jacques duc d’Anjou
– Prince Robert Duc de Berry (en suite de son père Prince Thibaut décédé).
Et Notre Cousin Henri VII de Paris n’a qu’imparfaitement remis de l’ordre en 1999, puisqu’il a maintenu l’étrange rétrogradation dynastique de Prince Michel qui vient après son frère jumeau Prince Jacques dont il est pourtant l’aîné.
Nos Cousins Louis XIV et Henri VII n’ayant pas respecté la coutume et le droit des Titulatures Dynastiques du Royaume de France, et Notre Cousin Henri VII n’y ayant pas remis bon ordre, l’imbroglio actuel risque, hélas, de perdurer….
aubert
3 décembre 2020 @ 13:41
Très Haut et Puissant Seigneur Luiston de Borbléans.
Votre réponse me comble.
Plus par le style que par le fond.
Même si l’imbroglio persiste , le fond aujourd’hui n’a plus beaucoup d’importance sauf celle d’amuser la galerie.
L’inscription dans une faculté bidon de membrettes de la Maison de Bourbon semble plus retenir l’attention sur le site que l’attribution des titres dans cette famille.
Toutefois, le renom de cette faculté est-il renforcé par la présence de Bourbons dans le bidon ?
Espérons que les Bourbonnettes de Capoue et Capri, fortes de leur titre bidon, n’apporteront à cette faculté que des délices sans la transformer en lupanar.
Muscate-Valeska de Lisabé
2 décembre 2020 @ 17:12
Ceci est un objet patrimonial.
Extraordinaire.
Il m’attire et m’émeut. Je peux presque sentir son contact et son odeur.
aubert
3 décembre 2020 @ 13:14
Mon Dieu, je confondais les lignes. Votre pseudo et celui de Kalistéa. Je croyais chère Muscate que vous pensiez à moi. Mais non, vos pensées n’allaient que vers un vieux bouquin.
Muscate-Valeska de Lisabé
4 décembre 2020 @ 17:29
J’adore!😄😉😘
Kalistéa
2 décembre 2020 @ 19:31
excellent encore cher Aubert !
aubert
3 décembre 2020 @ 13:10
Chère Kalistéa, Je suis sensible à votre compliment.
Mais, je suis sans mérite, je me contente de suivre assidument l’actualité royale sur N&R et de l’aciduler sans toutefois que l’élève dépasse le maître !.
Léa 33
2 décembre 2020 @ 20:35
Bonjour
C’est vraiment un bel objet historique. Je suis curieuse de savoir qui en aura la propriété désormais.
Danielle
2 décembre 2020 @ 21:19
Cette fine reliure est belle.
Philppe Gain d'Enquin
3 décembre 2020 @ 14:35
Aujourd’hui, il semblerait qu’en lieu et place des « Malcontents » nous ayons parfois celles des « Mal comprenant », autres temps, autres mœurs… « Anjou, feu ! Pge s’esquive.
Ghislaine L-P-B
5 décembre 2020 @ 18:22
ah ah ah vous , votre humour ne vous quitte pas une seconde PGE