Le cadeau le plus précieux que reçut la princesse Victoria-Eugénie de Battenberg le jour de sa conversion au catholicisme était une médaille de la bienheureuse Vierge Marie, naturellement incrustée de joyaux. Peut-être est-ce ce trésor qui l’a sauvée d’une mort affreuse, car le pire était à venir…
C’est le cœur gros qu’Ena dut dire adieu aux paysages de son enfance, l’île de Wight, comme elle l’avoua à une amie : « Je me sens très triste à l’idée de quitter ma chère île, ma maison, où j’ai tant d’amis. » Quelques semaines plus tard, elle quitta l’Angleterre pour l’Espagne, dans l’espoir d’un avenir radieux auprès de l’homme qu’elle aimait.
A Madrid, la princesse fut accueillie par une population débordant d’une joie exubérante à laquelle elle n’était guère accoutumée. L’enthousiasme du peuple était tel que, comme le nota Lady de Bunsen, épouse de l’ambassadeur britannique : « De gros bouquets de fleurs étaient jetés avec une telle violence, que ni la reine Christine, ni la princesse Béatrice ni la princesse Ena, qui paradait à cheval, ne pouvaient lever les yeux de peur d’être blessée par l’avalanche de fleurs ». Prophétiquement, c’est un bouquet piégé qui allait provoquer le désastre.
Le 31 mai 1906, jour du mariage royal, la capitale espagnole, baignée de soleil, était saisie d’une ferveur proche de la surexcitation. Fabriquée par quarante couturières professionnelles en cinquante-six jours, la somptueuse robe de mariée, cadeau du roi, était considérée comme l’une des robes les plus élaborée et savamment brodée jamais vue à la cour d’Espagne. La rumeur prétendait que le monarque avait dépensé plus de 20.000 $ (400.000 $ actuels) pour la robe de satin immaculée, conçue dans le style Louis XVI.
C’était la première fois, depuis 350 ans, qu’un roi d’Espagne épousait un membre de la famille royale anglaise. Comme le couple était manifestement très amoureux, beaucoup espérait que cette nouvelle alliance anglo-espagnole finirait mieux que celle de Philippe II et de Marie 1ère. Toutefois, Alphonse XIII était un peu nerveux, car il n’ignorait pas qu’un accès de violence puisse ternir la fête. C’est donc avec soulagement qu’il accueillit les frères de sa fiancée, Léopold et Maurice de Battenberg, dont l’arrivée signalait le début de la procession nuptiale dans l’église de San Jeronimo.
Après que l’archevêque de Tolède les ait déclarés mari et femme, et que la messe de mariage ait été célébrée, Alphonse XIII et Victoria-Eugénie prirent place dans le carrosse d’État. L’attelage se dirigeait vers le Palais Royal, acclamé par une foule immense qui criait « Vive le roi ! » et « Vive la reine ! ».
Alors que le convoi arrivait à la Calle Mayor, à environ 180 mètres du palais, le carrosse s’est soudainement arrêté. Intriguée par le retard, Ena demanda à Alphonse ce qui n’allait pas. Il lui répondit de ne pas s’inquiéter. « Dans cinq minutes nous serons à la maison ». A ce moment précis, un énorme bouquet de fleurs fut jeté d’un balcon tout proche, s’écrasant à droite de l’attelage royal.
En un instant, la foule fut aveuglée par un éclair rouge et orange suivi, tout à coup, d’une puissante explosion. L’espace d’une seconde, trente-sept personnes furent tuées et plus d’une centaine d’autres blessées, la plupart grièvement. Et la robe blanche de la jeune reine d’Espagne était couverte d’éclats de sang… (Merci à Actarus)
Pauline
2 juin 2016 @ 06:10
Quelle désolante histoire
La suite demain ?
Robespierre
2 juin 2016 @ 06:45
Ce mariage commença sous de terribles auspices. Difficile de ne pas être superstitieux quand on voit que le couple finit dans la mésentente. Actarus ménage ses effets, et nous distille l’horreur à petites doses.
Ceci dit, on comprend mal quel charme (sinon celui de la naissance, ce qui peut compter pour une Battenberg) trouva Ena à ce garçon falot et même pas seduisant. Mais je connais mal ce roi. Quelles étaient ses qualités ? Etait-il érudit ? Avait-il une personnalité que les photos ne montrent pas ? C’est possible.
Tonton Soupic
2 juin 2016 @ 13:07
On dit qu’Alphonse avait des atouts cachés. Il n’était pas grand et même étaittait-il franchement petit, mais vous savez ce qu’on dit des hommes petits et des nainnainss. Enfin, bref, vous m’avez comprispris…
Mayg
2 juin 2016 @ 14:58
A croire que le titre de roi embelli… C’est vrai que sur la photo de mariage Alphonse XIII parait un peu terne et maigrichon. Mais bon, tous les goûts sont dans la nature…
Goodkind
2 juin 2016 @ 18:45
En effet, la laideur du roi explique mal la passion d’une jeune princesse au physique agréable. J’avais lu il y a longtemps qu’il ne s’agissait pas d’un mariage d’amour. Par ailleurs, sur la photographie des nouveaux époux, Victoria n’a vraiment pas l’expression d’une jeune fille amoureuse !
Actarus
3 juin 2016 @ 12:42
D’abord, Alphonse XIII jeune n’était pas laid. Cela dit, ces considérations restent subjectives.
Ensuite, il faut vous replacer dans le contexte de l’époque. On prenait la pose devant des caméras qui imposaient de demeurer figé. Cela n’avait rien à voir avec les mariages contemporains où les mariées démontrent une joie exubérante, affichent un sourire carnassier et lèvent le bras qui tient le bouquet comme pour le jeter en arrière. Rien que ce dernier geste eut été inconcevable en 1906 : le cliché aurait été flou. ;-)
kalistéa
4 juin 2016 @ 17:35
J’ai toujours trouvé fort laid ce roi en effet, mais il était jeune, fort porté sur le beau sexe et passait pour une bonne compagnie.Il était au moment de son mariage très aimé des Espagnols , et quelle reine , il leur apportait! Une vraie princesse et belle comme le jour .Si , comme on voudrait parfois nous le faire croire les Espagnols apprécient la plus basse roture au palais royal, alors c’est qu’ils ont bien changé!
Corsica
2 juin 2016 @ 23:30
Effectivement ce mariage ne commençait pas sous les meilleurs auspices, tout comme celui de Louis XVI et Marie Antoinette ( le feu d’artifice offert par la ville de Paris fit 130 morts). Idem pour le règne de Nicolas II qui commença très mal puisque lors des fétes du couronnement données pour le peuple, plus de 1380 personnes furent piétinées. Si on est superstitieux, on peut en déduire que cela leur a porté malheur puisque dans deux cas, ces souverains ont connu la révolution avant de perdre leur couronne et leur vie.
Robespierre
2 juin 2016 @ 06:57
Quelle fine mouche cette Patricia de Connaught ! Comme si elle avait tout prévu. Ou alors le jeune homme ne lui plaisait pas. Victoria a souvent privilégié dans ses descendants les mariages d’inclination. Il y a tout de même des princesses qui trouvent un jeune homme séduisant dès lors qu’il règne dans un pays. Ou même un vieil homme, si l’on pense à la mère de la reine Wilhelmine qui épousa un vieillard à l’âge de vingt ans.
Finalement, Actarus, qui eut l’honneur d’obtenir la main de Patricia de Connaught ?
Guyard
2 juin 2016 @ 08:19
L Ȏpoux de Patricia (en anglais) : http://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_Ramsay_%28Royal_Navy_officer%29
Robespierre
2 juin 2016 @ 11:41
Merci. Je vois que le mariage eut lieu en 1919. La mariée n’était donc pas toute jeune et avait eu le temps de réfléchir. Mais je suppose qu’elle fut plus heureuse que Ena et put vivre au milieu de ses amis et de sa famille.
framboiz 07
2 juin 2016 @ 15:51
Merci, je vais relire en détail les 2 articles !Je note déjà, qu’il était aux Dardanelles avec mon grand-père , mais pas dans les mêmes conditions , je suppose !Un ou une héritière , décédé(e) en 2000? .C’est incroyable, ces destins de celles qui n’ont pas convolé avec les Royaux espagnols , pensez à la jeune fiancée d’Inaki …dont j’aimerais savoir ce qu’elle est devenue , certainement pas un gibier de justice …, ni son époux, si elle en a un !On pourrait en faire un article , épouser un royal n’est pas synonyme de bonheur !
*Gustave de Montréal
2 juin 2016 @ 13:11
Elle a épousé British, l’Amiral Sir Alexandre Ramsay, 3è fils du Comte de Dalhousie. Ils ont descendance.
clementine1
2 juin 2016 @ 07:13
récit trop court à mon goût (normal !) et illustrations parfaitement bien choisies.
Merci Actarus.
Christine Jeanne
2 juin 2016 @ 07:41
Existe t’il une biographie de la reine Victoria-Eugénie d’Espagne ? Son histoire m’intéresse. Bonne journée à toutes et tous.
LAUS'ANNE
2 juin 2016 @ 17:32
J’ai cherché moi aussi Christine Jeanne et je n’ai pas trouvé ??? Bien sûr l’histoire est relatée mais trop brièvement dans les différents ouvrages de Stéphane Bern et dans « l’Histoire des espagnols » de …..dont le nom m’échappe historien et anc. prof d’Histoire à Toulouse, mais une biographie serait plus élaborée…peut-être en Angleterre ?
Trianon
2 juin 2016 @ 08:17
merci, Actarus, c’est très agréable à lire! j’attends la suite avec impatience
Claudia
2 juin 2016 @ 08:24
Vite la suite !
mary71
2 juin 2016 @ 09:02
quel mauvais présage !
CAROLINE VM
2 juin 2016 @ 09:28
J’ignorais les circonstances de ce mariage
Caroline
2 juin 2016 @ 11:11
Quel suspense! Je suis évidemment impatiente de savoir la suite de l’article historique de Actarus……!
D’autre part, on peut se rappeler de l’attentat manqué contre la jeune reine Victoria avec son mari dans leur carrosse!
Caroline
2 juin 2016 @ 11:45
Je voulais dire ‘ la jeune reine Victoria de Grande-Bretagne’, la grand-mère de la mariée !
re
2 juin 2016 @ 11:40
Vivement la suite, bien que je la connaisse !
J’aime les vieilles photos.
Superbe robe de mariée, mais je ne vois pas de diadème dans ses cheveux, rare pour une mariée !
Tonton Soupic
2 juin 2016 @ 13:03
Attenta à Madrid ! Un cheval mort. Le toro est indemne. Vivent Leurs Majestés les Rois et Reines Alphonso XIII et Victoria Ena de Battenberger d’Angletrerre et de Wight is Wight.
beji
2 juin 2016 @ 13:23
Merci Actarus pour ces articles très intéressatsJe ne savais pas qu’il s’agissait d’un mariage d’amour,je me demande ce qui a séduit Victoria-Eugenia chez le roi Alphonse XIII
qui a l’air d’un ado;la reine était une très belle mariée,j’aime son voile léger.
Bab
2 juin 2016 @ 13:23
Henry De Battenberg père de Victoria était le frère du prince Louis Alexandre De Battenberg
Qui avait épousé la princesse Victoria De Hesse-Darmstadt.Leur fille Alice De Battenberg epousa le prince André De Grèce : Ils seront les parents du Prince Philip d’Edimbourg.
Cela nous éloigne un peu de notre sujet!!!!.Mais cela m’a semblé intéressant.
D’autres précisions de parenté et de généalogie seront encore à signalé .
andré
2 juin 2016 @ 21:02
les Battenberg sont des princes de Hesse, donc apparentés à toutes les familles royales d’Europe
beji
2 juin 2016 @ 13:23
…interessant…
Mayg
2 juin 2016 @ 14:41
Encore merci à Actarus, surtout pour les photos d’illustration.
C’est vrai que ce mariage a commencé sous de mauvaise augure.
J’attends la suite avec impatience.
Pierre-Yves
2 juin 2016 @ 17:10
Il y a des couples qui ne sont pas vernis. Le mariage de Louis XVI et Marie Antoinette en 1770 a été marqué par une bousculade survenue lors de festivités populaires quelques jours plus tard, qui a fait une centaine de victimes. Pour Nicolas II de Russie et Alexandra, ce sont les cérémonies du couronnement qui ont mal tourné. Pour les uns comme pour les autres, l’histoire s’est achevée tragiquement.
ciboulette
2 juin 2016 @ 17:17
Quel drame cela a dû être pour tout le monde ! Effectivement , ces noces de sang n’auguraient rien de bon …
Merci , Actarus , c’est un plaisir de vous lire !
Gérard
2 juin 2016 @ 18:23
Grand merci Actarus.
Videau
2 juin 2016 @ 20:57
Ce qui lui a surtout plus c’est qu’il était Roi D’Espagne,de nos jours ça arrive encore,un Roi ou un futur Roi,ça aide…
Robespierre
4 juin 2016 @ 09:34
Oui, c’est ce que je disais. Telle femme s’en fiche si le prétendant même couronné ne la fait pas vibrer. Telle autre met avant tout les avantages matériels et le statut social. Ce fut le curieux choix de la mère de la reine Wilhelmine qui épousa un vieillard .
Robespierre
2 juin 2016 @ 21:36
Je regarde de nouveau le portrait de la mariée, couronnée de fleurs. Pauvre petite ! Elle a l’air si confiante.
Corsica
2 juin 2016 @ 22:47
Comme on peut le constater dans cet article, chaque époque a eu son lot de fanatiques qui n’hésitaient pas à tuer et blesser des innocents pour faire triompher leurs idées. Cela prouve encore une fois que les attentats ne sont pas l’outil exclusif d’une seule religion ou d’un seul groupe social. Selon les époques, ils ont été pratiqués aussi bien par des indépendantistes (Basques), des sectes ( attentat au sarin dans le métro de Tokyo), des anarchistes (Brigades Rouges, Action Directe ), des Royalistes ( attentat de la rue Saint-Nicaise dirigé contre Bonaparte mais qui a tué et blessé de nombreuses personnes ), que par des Républicains (attentat contre Louis-Philippe qui fit dix-huit morts et quarante-deux blessés) etc.
Ce qui me vient aussi à l’esprit, c’est que de nombreux royaux ( Henri IV, le tsar Alexandre II, le duc de Berry, le roi Carlos du Portugal assassiné avec son fils, Umberto Ier, l’archiduc Ferdinand etc. ) ont été tués lors de leurs déplacements alors que d’autres comme Napoléon, Louis Philippe ou Victoria ont pu, dans les mêmes conditions, avoir la chance d’échapper à la mort.
Robespierre
4 juin 2016 @ 09:35
On peut ajouter le roi de Jordanie, Hussein, qui contrairement à son grand-père a survécu à des tas de tentatives d’assassinat.
Robespierre
4 juin 2016 @ 09:35
Non, pas « survécu », je dirais plutôt « échappé ».
Véronick
2 juin 2016 @ 23:03
Merci, Actarus,
C’est avec impatience que j’attends la suite,( même si je la connais) de cette histoire d’amour royale qui malheureusement finira dans la mésentente ! Car, vous avez de réels talents de conteur…
Elle fut l’arrière grand mère et la marraine du Roi Felipe VI d’Espagne et la marraine du Prince Albert II de Monaco.
Belles photos d’illustrations ! La Reine était une très belle mariée, sa robe était magnifique….
A demain, pour la suite !
Véronick
kalistéa
2 juin 2016 @ 23:48
La suite ? Eh bien la reine l’a racontée elle même :
« j’étais tout le temps enceinte, comme une véritable Espagnole! »